Pour rester en contact avec leur famille, donner des nouvelles de leur périple, joindre les passeurs ou encore suivre l’actualité : les smartphones sont bien souvent un objet essentiel pour les migrants. “Sur le trajet, il est possible de consulter des groupes Facebook qui avertissent des fermetures de frontières, de changements de politique ou des arnaques dont il faut se méfier”, détaille Wired UK, version britannique du mensuel américain dédié aux technologies. “Mais désormais, révèle le magazine, les gouvernements utilisent les smartphones des migrants pour les expulser”.

À l’heure où de plus en plus de sociétés se spécialisent dans l’extraction des données mobiles – géolocalisation, messagerie Whatsapp –, ces informations deviennent des armes qui peuvent se retourner contre les utilisateurs. Certains États-membres de l’Union européenne ont déjà franchi le pas, raconte Wired : c’est le cas de l’Allemagne et du Danemark, qui ont “autorisé les agents de l’immigration à extraire les données des téléphones des demandeurs d’asile”. “Des mesures similaires ont été proposées en Belgique et en Autriche, énumère le titre, tandis que le Royaume-Uni et la Norvège fouillent les appareils des demandeurs d’asile depuis des années”.

Pour être accueillis dans le pays souhaité, certains migrants tentent de dissimuler leur parcours, car le règlement de Dublin les force à demander l’asile dans le premier pays de l’Union où ils ont été enregistrés. C’est pour découvrir la vérité sur leur trajet que les autorités européennes fouillent dans leurs données personnelles.

Violation des données privées

“Six mois après que la loi permettant la fouille des téléphones est entrée en vigueur en Allemagne, les autorités de l’immigration ont fouillée 8 000 smartphones”, fait savoir Wired. S’il y avait un doute sur le récit d’un demandeur d’asile, les services d’immigration “procédaient à l’extraction des métadonnées de son téléphone – les informations permettant de dévoiler les préférences de langue et les endroits depuis lesquels des appels ont été émis, ou des photos ont été prises”.

Le Danemark va plus loin encore et demande aux demandeurs d’asile leur mot de passe Facebook. Une pratique confirmée par le gouvernement danois, qui préoccupe les organismes de défense des droits des migrants. Michala Clante Bendixen, à la tête du mouvement “Refugees Welcome” au Danemark, a ainsi confié ses inquiétudes à Wired : “Pour moi, c’est une violation de la vie privée que de demander le mot de passe Facebook ou de fouiller le téléphone de quelqu’un. Pour un demandeur d’asile, c’est souvent le seul espace personnel et privé qui lui reste”.

L’Europe n’est pas la seule à utiliser ces données, pointe Wired : “l’an dernier, le ministère américain de l’Immigration a dépensé 2,2 millions de dollars en logiciel de hacking des téléphones”. Face à de telles pratiques, certains migrants adaptent déjà leur stratégie et font le choix de se débarrasser de leurs smartphones avant d’être entendus par les autorités.