Pourquoi importer du bois, parfois exploité illégalement, alors que nous détenons l’une des plus grandes forêts d’Europe ? La forêt française, qui couvre près d’un tiers du territoire métropolitain, pourrait être plus largement sollicitée car aujourd’hui le taux de bois récolté et commercialisé est bien inférieur au taux de renouvellement biologique des arbres.

Elle est ce que certains appellent un “trésor inexploité”. La forêt française, la 4e en Europe, est largement appréciée par les promeneurs dominicaux et les chasseurs, mais d’un point de vue économique, elle est sous-exploitée. Malgré les idées reçues, notre forêt est en plein expansion et croît chaque seconde de 26 mètres carrés. En 1850, elle occupait à peine 10 millions d’hectares contre 17 millions en 2015. C’est un tiers du territoire métropolitain.
En 2016, environ 38 millions de mètres cube de bois ont été récoltés et commercialisés. Cela représente 60 % de l’accroissement biologique de la forêt, c’est-à-dire qu’on prélève bien en-deçà de son taux de renouvellement. Dans un rapport publié début 2016, l’Ademe (1) a estimé que ce taux pourrait être porté en France à 70 % en 2035, soit un volume supplémentaire de 20 millions de m3 par an.
Il faudrait parallèlement dynamiser et moderniser la sylviculture, alors qu’aujourd’hui les grumes (des pièces de bois non équarries) de chêne des forêts françaises partent en Chine et reviennent par containers sous forme de parquets à un prix moins élevé. Une aberration écologique. Les départs de chêne brut pour la Chine ont ainsi progressé de 35% en janvier 2018 par rapport à janvier 2017.

Les freins à une meilleure exploitation de la forêt française proviennent d’une part du fait qu’elle appartient à 75 % à des propriétaires privés (environ 3,5 millions). Une exception française. Et d’autre part du fait que la demande est aujourd’hui largement concentrée sur les résineux (épicéas, sapins…).
Or, la France est surtout peuplée de feuillus, délaissés. À l’inverse, les résineux représentent 74 % de la récolte, mais ne comptent que pour 28 % des espèces présentes dans la forêt française. Si bien que les experts estiment qu’il pourrait ne plus y avoir de résineux exploitables d’ici 2050.
Autre enjeu qui se pose : le bois illégal importé. La balance commerciale est déficitaire de plus de 5 milliards d’euros, la France important massivement du bois de l’étranger, en particulier de République démocratique du Congo, où se trouve l’un des derniers poumons verts de la planète encore préservé.
Selon un rapport de Global Witness (2) publié après deux ans d’enquête, la France serait ainsi le second pays européen importateur de bois auprès de la société Nordsudtimber (NST). Celle-ci est le plus grand propriétaire de concessions forestières dans le pays, des forêts exploitées illégalement à 90 %, accuse l’ONG.
La forêt, une alliée pour le climat
La forêt capte chaque année 15 % des émissions annuelles de CO2 de la France. Développer son exploitation peut-t-elle permettre d’améliorer ces performances ? Selon la FAO, l’usage du bois peut contribuer à lutter contre le réchauffement climatique à condition qu’il soit issu de forêts exploitées de manière durable. Une fois qu’il a été coupé, l’arbre continue à avoir un effet positif sur l’environnement. Il n’émet pas de CO2, mais le stocke, on parle alors d’émissions évitées par rapport à un matériau plus polluant.
Mais d’un autre côté, de nombreuses études ont montré que plus un arbre était vieux et gros, plus il stockait de carbone. Entre les deux options, le gouvernement a tranché : il prévoit d’augmenter sa récolte de bois d’un tiers durant la décennie à venir.
Concepcion Alvarez @conce1
1) Voir le rapport de l’Ademe ici.
2) Voir le rapport de Global Witness ici.

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