Cocaïne. Comment les mules de Cayenne viennent « pondre » à Lannion [Exclusif]

Par Dimitri Rouchon-Borie

1,5 kg à 2 kg de cocaïne presque pure chaque semaine, acheminés directement depuis Cayenne, en Guyane, jusqu’à Lannion, en Bretagne, par des « mules » humaines. Parmi elles, des mères de famille, au cœur d’une vaste enquête de gendarmerie. C’est l’information que Le Télégramme révèle en exclusivité.

Jusqu’à deux kilos de cocaïne font le trajet chaque semaine entre la Guyane et Lannion.
Jusqu’à deux kilos de cocaïne font le trajet chaque semaine entre la Guyane et Lannion. (Illaria88/Pixabay)

Il n’existe qu’un seul monde dans lequel les mules pondent. Celui des stupéfiants. Les mules, ce sont ces personnes qui ingèrent des petites olives de 7 g ou plus de cocaïne, pour garantir leur transport par avion, d’un territoire à un autre.

Il y a quelques semaines, deux de ces mules se trouvaient au centre hospitalier de Lannion. Elles ont été prises en charge pendant deux jours par les médecins tandis que les enquêteurs de la gendarmerie attendaient qu’elles « pondent », selon les termes du jargon pour désigner l’expulsion de sachets de poudre quasi pure, en provenance directe de Guyane.

 

C’est vraiment une organisation de fou.

 

Leurs investigations avaient commencé à peine quelques mois plus tôt. Grâce à une « bonne connaissance de la population locale », constate simplement un enquêteur. C’est lui qui va lever ce dossier d’ampleur internationale - probablement la plus grosse affaire de stupéfiants de la petite côte de Granit Rose - en observant un drôle de changement chez les toxicomanes du cru. Voilà l’essentiel des consommateurs d’héroïne qui se tourne soudainement vers une autre substance exotique : de la cocaïne. Une aubaine, en fait : elle est pure à 90 %. Et elle n’est pas chère : 45 euros le gramme en moyenne. Quand le prix de la revente est souvent plus proche des 80 euros ailleurs.

Cocaïne. Comment les mules de Cayenne viennent « pondre » à Lannion [Exclusif]

 

 

Des semelles en coke


L’enquête les conduit assez rapidement dans la communauté guyanaise installée à Lannion. Des proches, tous originaires de Saint-Laurent-du-Maroni. La structure est plutôt familiale, mais les affaires tournent. 1,5 à 2 kg de cocaïne sont livrés chaque semaine dans la petite capitale du Trégor. Le transport se fait par mules : en l’occurrence des mères de famille, payées 2 000 à 3 000 euros par voyage. L’une d’elle, lors de son interpellation, avait de la cocaïne partout : dans les parties intimes, dans l’estomac. Et surtout : elle portait de drôles de semelles… en coke compressée. Elle aurait avoué plusieurs voyages par an depuis 2017.

Trois points de revente dans le secteur ont été logés par les gendarmes. Avec trois couples impliqués localement. Leurs clients étaient eux-mêmes des petits dealers achetant pour leur propre clientèle.

 

L’argent envoyé à Amsterdam


Le trafic est juteux. Le kilo de cocaïne est acheté 3 300 euros en Guyane pour être revendu au minimum 45 000 euros en métropole. Preuve que les trafiquants n’en étaient pas au gramme près : personne ne coupe la drogue pour augmenter le bénéfice. « Cela demanderait trop de logistique par ailleurs ».

L’argent est toujours envoyé à la famille en Guyane. Via des mandats postaux. Mais aussi grâce à des mules, là encore, qui transportent l’argent jusqu’à Amsterdam pour le déposer dans une banque. L’une d’elles sera d’ailleurs interpellée à Lille avec 28 000 euros en liquide.

Les interpellations, menées au mois de juin dans ce dossier, ont permis la saisie de 2,7 kg de cocaïne, plusieurs dizaines de milliers d’euros en espèces, mais aussi 25 000 euros sur un compte bancaire, trois véhicules et des bijoux en or. Ces saisies ne seront définitives qu’après décision de justice. L’enquête de la brigade de recherches de Lannion, elle, se poursuit sur commission rogatoire. C’est un magistrat de la Juridiction interrégionale de Rennes qui pilote le dossier, compte tenu de l’ensemble des ramifications observées. « C’est vraiment une organisation de fou », conclut un gendarme, observant le trajet de ces kilos de poudre… depuis la jungle jusque dans la petite cité des Télécoms.

 

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