NATURE - A l'heure où le gouvernement d'Edouard Philippe s'apprête à rendre ses arbitrages sur la "grande mobilisation pour la nature", ce mercredi 4 juillet, portée par le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, la France est appelée à jouer les premiers rôles dans la course contre la montre pour tenter d'endiguer la dégradation de la biodiversité à l'échelle mondiale.
L'Hexagone et ses territoires ultra-marins répartis sur tous les continents abritent en effet une biodiversité d'une richesse insoupçonnée, avec près de 10% des deux millions d'espèces connues dans le monde présentes de la Guyane à la Polynésie en passant par le bocage nantais. Quelque 95.000 espèces d'oiseaux, d'insectes, de poissons, de mammifères, de plantes à fleurs ou de champignons, vivent en France métropolitaine, et plus de 80.000 en outre-mer, selon les chiffres 2018 de l'Observatoire national de la biodiversité (ONB). Près de 18.000 de ces espèces sont endémiques, dont 83% en outre-mer, c'est à dire qu'elles n'existent nulle part ailleurs.
Or, sur ces 180.000 espèces recensées en France, plus de 1500 sont considérées comme menacées au niveau mondial par la liste rouge de l'Union internationale de la conservation de la nature (IUCN). Et plus de 25% le sont au niveau du seul territoire. Une richesse particulièrement fragile qui fait porter une très large responsabilité sur les épaules des autorités françaises qui sont les seules habilitées à préserver ces espèces, qu'elles soient connues ou encore à découvrir. A en croire le bilan 2018 publié par l'Observatoire national de la biodiversité, "de nombreuses espèces risquent de s'éteindre avant même d'avoir été découvertes puisque deux tiers des groupes d'espèces présents dans les outre-mer sont insuffisamment répertoriés".
Bilan des courses: à en croire l'IUCN, la France figure désormais parmi les 10 pays hébergeant le plus grand nombre d'espèces animales et végétales menacées au niveau mondial, ce qui lui confère "une responsabilité majeure dans la lutte contre l'érosion de la biodiversité qui frappe la planète".
Du lynx jusqu'aux moineaux parisiens
Malgré des progrès soulignés depuis les années 70, date à laquelle la France s'est dotée d'une législation visant à protéger son patrimoine naturel, le tableau dressé par les observateurs demeure particulièrement préoccupant. Parmi les espèces menacées de disparition: des mammifères, comme le vison d'Europe, le lapin de garenne, le lynx, le loup ou l'ours, mais aussi des oiseaux comme la bécassine des marais ou le martin pêcheur d'Europe, des amphibiens comme la grenouille des champs ou des poissons comme la raie bouclée.
Les dernières années ont, d'autre part, vu une chute "vertigineuse" des oiseaux des campagnes (-60 % de moineaux friquet depuis dix ans, un tiers d'alouettes des champs disparues en quinze ans..), selon une étude choc du CNRS et du Muséum d'histoire naturelle, publiée en mars. Le tout sur fond d'une chute vertigineuse du nombre d'insectes
Les indicateurs 2018 de l'ONB, qui agrègent les données sur le vivant récoltées par des dizaines d'organismes, concluent de leur côté à une baisse globale de 30 % de ces oiseaux des champs entre 1989 et 2017. Et le déclin touche aussi les oiseaux des villes, comme les moineaux parisiens, et même depuis 2005 les oiseaux "généralistes" (qui vivent dans tous types de milieux) qui, avant, contrebalançaient la disparition des autres. Autre classe particulièrement touchée, les chauve-souris : elles ont diminué de près de 40% en métropole en dix ans.
Une bombe à retardement écologique et économique
Ce déclin général est particulièrement inquiétant pour l'humanité, à qui cette nature rend de multiples services vitaux, de l'eau à l'alimentation (notamment l'agriculture, menacée par la chute des pollinisateurs), en passant par les médicaments ou l'absorption du carbone.
La perte de cette biodiversité est liée à divers facteurs, qui peuvent être cumulatifs. Parmi les principaux, les pesticides. Selon l'ONB, l'usage de produits phytosanitaires a ainsi augmenté de 18 % entre la période 2009-2011 et la période 2013-2015. Autre menace, le rythme élevé de l'artificialisation des sols. Entre 2006 et 2015, la métropole a perdu près de 600.000 hectares de terres agricoles et d'espaces naturels, soit l'équivalent d'un département comme la Seine-et-Marne, remplacés principalement par des surfaces goudronnées.
Les cours d'eau sont aussi de plus en plus fragmentés par des ouvrages (16 obstacles à l'écoulement pour 100 km de cours d'eau en 2018). Les espèces exotiques envahissantes menacent également les écosystèmes et les espèces indigènes, avec lesquelles elles entrent en compétition. La France compte 509 de ces espèces introduites par l'homme, volontairement ou non, en dehors de leur habitat naturel, comme le frelon asiatique, l'ambroisie ou la grenouille taureau.
Autres facteurs importants également pris en compte par l'ONB, qui travaille sur des cartes mettant en lumière les pressions cumulées sur la biodiversité: le changement climatique ou la pression touristique.
Si les défis sont immenses, le temps, lui, est compté. Comme le rappelle l'Union internationale de la conservation de la nature, "il reste désormais quatre ans à la France" pour tenir son engagement d'éviter d'ici 2020 l'extinction des espèces menacées sur son territoire.
À voir également sur Le HuffPost: