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Santé

Question de la semaine : qu'est-ce qui empêche la réanimation après cryogénie ?

Chaque semaine, Sciences et Avenir répond à une question posée par un lecteur sur Facebook. Cette fois, intéressons-nous aux limites de la cryogénisation, qui consiste à congeler des corps dans l'espoir que les avancées technologiques futures permettent de les ressusciter.

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Des cuves isothermes de l'Institut de la cryogénisation, aux États-Unis, dans lesquelles les corps sont stockés.

Des cuves isothermes de l'Institut de la cryogénisation, aux États-Unis, dans lesquelles les corps sont stockés.

© CRYONICS INSTITUTE

Comme chaque semaine, Sciences et Avenir répond à une question scientifique posée par un de ses lecteurs sur Facebook. Cette semaine, c'est celle de Brice Hamard qui a interpellés nombre d'entre vous. Voici sa question : qu'est-ce qui empêche encore de nos jours la réanimation après cryogénie ? Un grand merci pour vos interrogations et votre curiosité. 

Eh oui, pour ceux qui l'ignoraient, la congélation des corps dans l'espoir que les avancées technologiques futures permettent de les ressusciter, n'est pas réservée à la science-fiction. Et ce n'est pas non plus une idée récente. Le premier volontaire à avoir tenté ce pari un peu fou est James Bedford, un psychologue canadien, congelé en 1967 à sa mort (à l'âge de 73 ans). Depuis, près de 300 personnes ont suivi cette même démarche, selon les statistiques fournies par les organismes de cryogénisation (précisons que la pratique est illégale en France, très chère aux États-Unis).

Concrètement, voici comment cela se passe : une fois le décès prononcé légalement par un médecin, le corps est préparé le plus rapidement possible pour le transport jusqu'à un centre de cryogénisation (idéalement, le corps devrait être transféré dans les six heures après la mort clinique, afin de limiter la dégradation de l'organisme). La circulation sanguine et la ventilation des poumons sont maintenues pour que le cerveau garde sa viabilité. Le corps est refroidi petit à petit pour atteindre les 10 °C et une solution est injectée dans le sang pour éviter sa coagulation. Arrivé à destination, le défunt est installé sur un lit de glace. Les chirurgiens ouvrent la cage thoracique, posent des canules (petits tubes en plastique) dans l'aorte (l'artère qui alimente le corps en sang oxygéné) et remplacent le sang par une sorte d'antigel. Cette substance est utilisée depuis une dizaine d'années pour mieux conserver les structures biologiques. "Lorsque l'on congèle des tissus, des cristaux de glace peuvent se former entre les cellules et les endommager, explique à Sciences et Avenir Thierry Jaffredo, spécialiste des cellules souches du Laboratoire de Biologie du Développement de l’Institut de Biologie Paris Seine (UPMC/CNRS/Inserm). L'antigel prend la place de l'eau, ce qui minimise les dégâts." Puis le corps est progressivement refroidi pendant 36 heures dans un bain de glace et de silicone, jusqu'à atteindre la température de -79 °C. Il baigne ensuite dans de l'azote liquide sur une période de 7 à 10 jours, pour atteindre la température de... -196 °C ! "À cette température, il n'y a plus d'agitation moléculaire, les cellules ne devraient pas vieillir... en théorie, souligne Thierry Jaffredo. En théorie puisque les tissus cryogénisés pendant 10 ans peuvent quand même subir quelques altérations, si la technique de préservation avant la procédure n'a pas été parfaitement réalisée..." À ce stade, il ne reste plus qu'à déplacer le plus délicatement possible le corps (qui a pris la consistance du verre) et de le plonger la tête en bas dans un conteneur en acier de 3 mètres de haut, remplis d'azote à -196 °C, dans lequel sont présents d'autres "colocataires". Une technique de conservation qui devrait être efficace pendant des siècles, assurent les organismes spécialisés, jusqu'à ce que la science ait suffisamment évolué pour "décryogéniser" les individus et éventuellement soigner leur maladie, incurable à l'époque de leur mort.

À ce jour, les obstacles restent nombreux. "Des bactéries, levures et des cellules d'animaux ont déjà été congelées puis "ramenées à la vie", mais pour les animaux entiers, cela devient tout de suite plus compliqué, à cause des organes vitaux, précise le spécialiste. L'on est capable de refroidir des cœurs de rats à -10 °C et de les faire repartir, mais pour le cerveau, il est difficile d'assurer sa bonne fonctionnalité au moment de la décongélation : la moindre lésion des connexions neuronales peut prendre des proportions imprévisibles et dramatiques sur l'individu." Selon ce dernier, il faudrait réaliser de nombreux tests sur les animaux, sur des durées différentes, afin d'arriver à une "preuve de concept", avant d'expérimenter ce processus sur de plus en plus d'humains... Comme la recherche clinique se fait habituellement, en somme.

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