Tensions sur les ressources, migrations climatiques, pertes économiques, litiges frontaliers... Le changement climatique n’a pas que des conséquences sur l’environnement. Il peut rapidement attiser des situations de conflits et menacer notre sécurité à tous. C’est pourquoi l’Union européenne a organisé une conférence internationale fin juin pour mieux appréhender ces enjeux encore trop méconnus.

Le lien entre changement climatique et sécurité internationale est encore loin d’être évident pour l’opinion publique, mais le sujet est de plus en plus porté aux agendas diplomatiques. Dix ans après son premier rapport marquant sur le changement climatique et la sécurité (1), l’Union européenne a organisé le 22 juin dernier une conférence internationale sur "Le climat, la paix et la sécurité".
Cet événement sans précédent a réuni des ministres, des parlementaires, des personnalités internationales, des experts et la société civile. L’objectif était de changer la façon de comprendre et d’agir sur la problématique du changement climatique en tant que menace pour la sécurité internationale.
"Le changement climatique ne concerne pas seulement l’environnement, mais devient de plus en plus une question de sécurité nationale avec des impacts d’ores et déjà visibles, a déclaré Federica Mogherini, Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, dans son discours d’ouverture. Le Forum économique mondial nous indique que quatre des cinq principaux risques mondiaux sont liés au changement climatique. Gardons donc ceci à l’esprit : lorsque nous investissons dans la lutte contre le changement climatique, nous investissons dans notre propre sécurité. Ce n’est pas de la charité." 
La paix exige un développement durable
À la tribune, les experts ont multiplié les exemples prouvant que cette menace est croissante et continue. "Nous vivons dans un monde qui explose. 33 pays pourraient être confrontés à un stress hydrique extrême en 2040 et on attend 143 millions de migrants climatiques entre 2030 et 2040", a indiqué le Dr Andrew Steer, chef de la direction de l’Institut des ressources mondiales. Tensions sur des ressources de plus en plus rares, mouvement forcé des personnes à la recherche de terres et d’eau utilisables, désertification accélérée… Toutes ces tendances multiplient le risque d’instabilité et de conflit.
"Les changements climatiques agissent comme un multiplicateur des menaces, rendant les plus grands défis auxquels l’humanité est confrontée encore plus importants. La voie à suivre est celle où tout le monde respecte les promesses contenues dans l’Accord de Paris et dans les objectifs de développement durable des Nations Unies", a plaidé Ovais Sarmad, secrétaire exécutif adjoint du secrétariat des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC).
"Au Sahel, des milliers d’emplois sont perdus parce que l’agriculture traditionnelle n’est plus viable. Quand les gens perdent leur emploi, ils peuvent être plus facilement recrutés par toutes sortes de milices, d’organisations criminelles ou de groupes terroristes. La paix exige des emplois, un accès aux ressources naturelles et un développement durable. C’est pourquoi j’ai fait de la diplomatie climatique un élément essentiel de notre politique étrangère. Au début, ce n’était pas évident, mais je pense que c’était la bonne chose à faire", a insisté la chef de diplomatie de l’UE.
Élever la menace climatique au même rang que la menace terroriste
Lors de la conférence, de nombreux participants ont appelé à une coopération multilatérale renforcée pour faire face au climat et à la sécurité. Six points d’action ont été déterminés : renforcer le lien entre climat et sécurité au plus haut niveau politique ; mettre en œuvre de l’Accord de Paris ; améliorer les systèmes de signalement et d’alerte précoce ; renforcer la résilience de l’État et de la société ; promouvoir le rôle des femmes en tant qu’agents de changement social, économique et politique ; et faire de l’action sur le terrain une source de durabilité, de force et de paix.
Quelques jours plus tôt, les parlementaires européens spécialistes de l’environnement et des affaires étrangères avaient adopté un rapport préconisant à l’Union de renforcer sa diplomatie climatique et d’intégrer le changement climatique dans les politiques européennes de prévention des conflits. Dans ce contexte, deux think tanks — le Center for Climate and security et le Clingendael institute — recommandent d’aller encore plus loin et d’élever la menace climatique au même niveau que celle des menaces terroristes ou nucléaires (2). Une conférence internationale sur le sujet, Planetray Security Conference, sera organisée en février prochain à La Haye, aux Pays-Bas.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) Voir le rapport de 2008  
(2) Voir le rapport des deux think tanks

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