L’Insoumis qui veut soumettre

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Par Philippe Bapt Modifié le 6 juillet 2018 à 19h58
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En cette période de fin de baccalauréat, voici un sujet. Première étape définir les termes du sujet. Soumettre est un verbe transitif qui signifie: mettre dans un état de dépendance ; ramener à l'obéissance. Et insoumis est un adjectif qualifie ce qui n'est pas soumis, qui ne fait pas preuve de soumission, de docilité, d'obéissance. Ainsi le sujet relève de l'oxymore: figure de style qui consiste à allier deux mots de sens contradictoires.

Alors que le mois de mai s'est achevé, il est assez savoureux de tirer quelques enseignements du cinquantième anniversaire de mai 68 qui se voulait tonitruant.

A l'aune d'une grogne sociale, véritable longue traîne des effets de la crise économique de la fin des années 2000 qui est couplée à un rejet de la politique et de ses principaux représentants, 2018 est constellée de manifestations épuisantes. Au premier rang desquelles la grève perlée des cheminots. L'ouverture à la concurrence ne date pourtant pas de mai 2017 et de l'avènement d'Emmanuel Macron à la présidence de la République. Les effets de la crise économique ne sont pas terminés: un recul du pouvoir d'achat dans quasiment toutes les couches de la société française depuis bientôt dix ans est patent. Le bruit sourd d'un désamour des différentes majorités parlementaires, sorties des urnes en 2007 puis 2012 et presque déjà de 2017 se fait entendre.

En clair depuis la campagne désastreuse de 2005 du référendum sur la constitution européenne (pour rappel la Une de Paris Match avec Nicolas Sarkozy et François Hollande, respectivement chefs des deux principaux partis de gouvernement de l'époque, appelant de concert à voter "oui") et le "non" qui l'a emporté clairement, puis le traité de Lisbonne en 2008 a passé outre le résultat de 2005 puisque ratifié par le seul parlement, la fracture sociale politique entre les élites politiques et le peuple est scellée.

La première conséquence fut alors une recomposition de la gauche: Jean-Luc Mélenchon, fervent défenseur du "non" est sorti du Parti Socialiste.

Aujourd'hui, dix ans après, chacun des deux patrons des partis de gouvernement d'alors ayant été Présidents de la République successifs, ni l'extrême droite ni l'extrême gauche ne furent en mesure de l'emporter en mai et en juin dernier.

Pourtant le leader de feu le "Front de Gauche" jusqu'à la "France Insoumise", Jean-Luc Mélenchon- et son équipe- ont cédé aux sirènes du marketing et de la sémantique. En professionnel de la politique, il a délaissé le drapeau rouge, l'internationale de même que toute référence à la gauche dans le nom du dernier mouvement en date.

Un ovni politique novice et jeune, Emmanuel Macron, est venu chambouler les fols espoirs de second tour contre Marine Le pen après la claque reçue en 2012 aux législatives à Henin-Beaumont.

Le chef des insoumis, qui veut les dégager tous... sauf lui, est un tribun hors pair, et il le sait. Il n'est pas à un paradoxe près. Franc-maçon et a priori fier de défendre des valeurs humanistes, il n'hésite pas à s'entourer de députées au comportement ou prises de positions alliant opportunisme électoraliste ou franc soutien aux anti-racistes racistes...si ce n'est PIR!

Son maître mot: ne pas laisser la rébellion dans les urnes au seul feu Front National rassemblé. Mieux même, le "Spartacus" (d'opérette) redessine régulièrement les contours de ses chevaux de bataille. Désormais il parle d'indépendantisme. De coopération avec d'autres pays mais d'affirmation de soi (En tant que France politique)....tiens tiens....au vocabulaire près, cela rappelle fortement un discours porté pourtant sur l'échiquier politique par une force bien lointaine....à quand un rassemblement à l'italienne?

Mais l'animal politique de l'ancien-ancien monde, 60 ans de mandats (cumulés), figure de proue de cette gauche d'opposition veut tout accaparer. Entre envie de revanche sur ses anciens compères socialistes et sa volonté d'être enfin reconnu internationalement, Jean-Luc Mélenchon l'intellectuel n'est jamais avare de leçons à donner: à toute personne qui s'oppose à lui. A commencer par les journalistes, bien sûr, à tous les politiques et même à quelconque citoyen trouvant sa démarche trop arriviste.

Le Geronimo des temps modernes se veut le réceptacle humain de toute lutte sociale en France. A la France Insoumise on prône la convergence des luttes....point de sombres calculs politiciens bien sûr! Juste, il est important de préempter toute contestation ou objet social aux seules fins électorales du mouvement.

Des exemples: le traditionnel défilé syndical du 1er mai,... mieux "la fête à Macron" récupérée sous le nez de François Ruffin ou encore mieux la tristement nommée " marée populaire" initiée par Attac et la Fondation Copernic instrumentalisée par la CGT et la France Insoumise de monsieur Mélenchon. Même sa venue dans les travées du stade velodrome pour "soutenir" l'OM en demi-finale de la coupe d'Europe contre Salzburg ne manque pas de sel, lui qui a toujours dit être «choqué»de voir des pauvres applaudir des millionnaires. Tout d'un coup la dimension sociale de ce sport populaire lui est apparue.

Bref, l'Insoumis en chef ne veut pas seulement soumettre les journalistes à sa cause, et les récalcitrants les traîner devant un conseil de déontologie du journalisme, mais bien préempter tout ! En particulier la fameuse convergence des luttes. Vouloir être le chef des insoumis en voulant soumettre l'ensemble, voilà qui est curieux à tout le moins, et toujours paradoxal mais cette gauche en est-elle à un près ?

Quand ce n'est pas le chef lui-même, ses héritiers supposés se laissent aller. Michel Onfray, avec qui je ne partage pas tout, fait remarquer à juste titre que garder un portrait de Lénine chez soi pour un élu de la République (Alexis Corbière) ne peut être caractérisé de romantisme de gauche, le voilà traité de "fachistoïde"! Encore un insoumis rebelle à soumettre...ce sera dur? Il est traité de crypto-fachiste. Les agissements des procès de Moscou ne sont plus très loin....les réseaux sociaux en plus.

Alors la prochaine étape? A l'italienne: un gouvernement extrême-extrême ou une radicalisation en mode "ceux qui votent pour moi ne votent plus pour Marine Le pen"?

Mélenchon n'est pas Mitterrand son idole. Sa détestation du système (qui ne lui est pas propre), comme son illustre prédécesseur en son temps vilipendait le "coup d'État permanent" ne fait pas pour autant du héraut de la France Insoumise un futur Président de la République en puissance. Si une certaine symétrie de comportement politique peut être observée: être un leader, siphonner la gauche communiste et les verts, ringardiser le NPA des Besancenot et Poutou, il n'empêche que l'arrogance manifeste du rebelle qui veut tout ordonner ne passe pas correctement dans la société. La condescendance culturelle, et le mépris exprimé envers certains, pas forcément des puissants, font de Jean-Luc Mélenchon et son équipe, tout au plus, de parfaits faire-valoir pour l'actuel locataire de l'Elysée. À l'image de la caricature de Plantu de 2005, les extrêmes ont des discours qui se rejoignent. Des discours qui prônent l'ordre pour des citoyens désorientés. Pour les uns, dans un but commercial à base publique familial, pour les autres, dans un autre but commercial sur des bases marketing antagonistes.

L'insoumis qui veut soumettre a donc beaucoup de travail devant lui pour rendre lisible son concept politique. À vouloir chercher des poux sur la tête des autres, il ne lui faudra pas oublier son corpus idéologique. La France Insoumise deviendra-t-elle le Cidunati de gauche des années 2020? Et Mélenchon le Poujade de demain ?

Ce qui est certain c'est que l'un a laissé son nom à un courant de pensée aussi controversée soit-il tandis que l'autre n'aspire qu'à cela: la postérité!

Pourfendant toutes les magouilles politiciennes, au final il reproduit exactement les mêmes schémas délétères. Du "média" jusqu'à la constitution de la future liste aux élections européennes, des critiques sur le football jusqu'à celles sur l'uberisation de notre société, le leader maximo de cette gauche populiste flanqué de ses affidés ne fait qu'utiliser toutes les ficelles qu'il dénonce. Malheureusement pour le citoyen, la clarté de cette soit-disant gauche impérialiste dans ses idées et approche de ce que doit devenir la société et la politique restant opaque, je ne lui promets pas un avenir radieux. Tout au plus un futur à la FN....Tiens voilà encore d'autres qui se voulaient hors-système mais qui s'en accommodaient bien.

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Philippe BAPT est un communicant. Diplômé de Novancia Business School en management marketing digital et événementiel, il exerce sa passion comme chargé de communication et consultant chargé de projets.Sa seconde passion la « chose publique » l’amène très tôt dans le champ associatif : social, culturel et sportif. Puis il sera élu local d’une commune de la première couronne de la ville rose de 2008 à 2014. Président de club de rugby, puis d’un groupement d’employeurs et administrateur d’un théâtre-centre culturel, ces différents postes lui confèrent  une expertise dans ces domaines.Retiré du strict jeu politique, il n’en demeure pas moins attentif à l’évolution de l’actualité et devient éditorialiste dans divers médias locaux et régionaux, dès la rentrée 2014. Ses sujets de prédilection : le « jeu » politique, les répercussions économiques et sociales, la recomposition du paysage politique français. 

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