Quatre questions pour comprendre la réforme du droit d’auteur en débat au Parlement

Quatre questions pour comprendre la réforme du droit d’auteur en débat au Parlement
Publicité

Après le vote de la réforme du droit d’auteur en commission parlementaire, le Parlement européen a rejeté le texte, jeudi 5 juillet, à une très faible majorité (318 voix contre et 278 voix pour). Le projet n’est pas mort pour autant : le texte sera de nouveau étudié et soumis au vote ce mercredi 12 septembre. Rémunération des auteurs, outil de surveillance, grogne des géants du net…

Profession Spectacle vous aide à y voir clair sur ce texte essentiel.

Publié le 7 juillet – Mise à jour le 6 septembre 2018

1. Pourquoi cette réforme ?

L’objectif principal, proposé par la Commission européenne en septembre 2014, c’est de dépoussiérer le droit d’auteur à l’heure de la révolution numérique. La dernière révision du texte date de 2001, soit trois ans avant le lancement de Facebook ! La préhistoire du web diront certains.

Cette directive sur le droit d’auteur (lien en anglais) vise donc à obliger les plates-formes numériques à rémunérer les éditeurs de presse, les créateurs et les artistes (en particuliers les plus petits). Ces “auteurs” au sens large ne sont en effet pas payés en raison des pratiques des toutes-puissantes plates-formes en ligne et des agrégateurs d’informations que sont Google, Facebook, Apple, Amazon…

2. Ok ! Mais concrètement, comment l’Europe compte-t-elle mettre au pas ces géants du net ?

La directive prévoit la création d’un nouveau « droit voisin » pour les éditeurs de presse. C’est l’article 11, sans doute le plus contesté. Il a été adopté de justesse par 13 voix contre 11. Ce droit doit permettre aux journaux, magazines, mais aussi aux agences de presse qui s’estiment pillés de leurs contenus par les agrégateurs d’informations, de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leurs contenus. Le meilleur exemple est sans doute Google news, qui propose une revue d’actualité sur le net, sans jamais reverser un centime à ceux qui ont écrit ces articles.

L’autre grand volet de cette directive reconnaît également la responsabilité des grands groupes numériques en matière de rémunération des créateurs, comme les musiciens. C’est l’article 13. C’est une disposition réclamée depuis très longtemps par les milieux culturels. Dans les faits, les plateformes, comme YouTube, Dailymotion, Vimeo ou Facebook, doivent négocier des accords avec les artistes et coopérer avec eux pour lutter contre les contenus illégaux. « Les prestataires de services fournissent aux titulaires de droits des informations suffisantes sur le fonctionnement et la mise en place des mesures, ainsi que, s’il y a lieu, des comptes rendus réguliers sur la reconnaissance et l’utilisation des œuvres et autres objets protégés », précise le texte.

3. C’est formidable, non ? Tout le monde doit être d’accord ?

Ce n’est pas si simple, forcément. Les Gafa (pour Google, Apple, Facebook, Amazon) ont lancé une intense campagne de lobby et on comprend pourquoi. Pas question pour eux de mettre la main au portefeuille pour un business qui ne leur coûte rien aujourd’hui.

Les géants du net sont en colère, mais il n’y a pas qu’eux ! La directive s’est également attirée les critiques des eurodéputés Verts, notamment, des États membres les plus libéraux qui lui reprochent de favoriser les groupes de presse les plus connus au détriment des médias indépendants et des start-up, au risque d’amoindrir la liberté d’expression.

Numérama cite ainsi l’exemple de Wikipedia. En cas d’adoption de ce texte, l’encyclopédie en ligne devra demander l’autorisation aux auteurs de tous les liens et de toutes les références utilisées dans ses articles. « Avec près d’un million de pages modifiées par mois, obtenir ces autorisations pour les centaines de sources ajoutées est du domaine de l’impossible », assure l’association Wikimédia France.

Autre limite avec l’article 13. Aujourd’hui, YouTube retire des contenus litigieux à posteriori. La nouvelle directive prévoit que le géant le fasse en amont. Dans l’absolu, c’est une bonne chose me direz-vous. Sauf que l’expérience a déjà montré que les algorithmes utilisés par ces sites sont faillibles et que certains contenus sont censurés alors qu’il s’agit d’art et donc de notion subjective. « Ce qui est à craindre, anticipe Wikimedia, c’est de voir les plates-formes opter pour un principe de précaution, c’est-à-dire préférer un filtre plus large et plus dur, quitte à attraper des faux positifs dans les filets, plutôt que de risquer un conflit avec les ayants droit ».

4. Les internautes ne pourront donc plus s’amuser à détourner des vidéos ou à faire des parodies ?

Ce sera en effet plus compliqué. Mais Jean-Marie Cavada, député européen de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe et vice-président de la commission des affaires juridiques, se veut rassurant sur France 24 : « Il n’y a ni censure ni filtrage sur le contenu. Tout juste oblige-t-on les Gafa à construire un algorithme pour signaler tout contenu soumis à droit d’auteur. Il y a toujours eu, et on conservera, un « droit de citation » de quelques secondes, minutes, mais le droit d’auteur défend les œuvres sur les formats plus longs qui seraient repris ou détournés pour être exploités en tant que tels sur les réseaux. »

Sauf qu’on a beaucoup de mal à imaginer les services européens mettre le nez dans les algorithmes ultra sensibles et gardés jalousement secrets…

Jacques GUILLOUX



Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *