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Nature & environnement

REPORTAGE. Sous les avions de Roissy, une étonnante biodiversité

Les oiseaux perdus de nos campagnes ? Ils fréquenteraient désormais les aéroports, selon l'association HOP! Biodiversité qui veille sur la faune et la flore qui a trouvé refuge dans les zones aéroportuaires. Reportage et vidéos à Roissy.

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Une mante parée au décollage, sur les prairies de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle

Une mante parée au décollage, sur les prairies de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle.

Seistre.HopBiodiversité

Aéroport de Paris-Charles de Gaulle, un matin de juin 2018. Le vrombissement des avions est incessant, de puissants effluves de kérosène prennent à la gorge… Comment imaginer que toute une faune et une flore prospèrent ici à l’ombre des gros porteurs ? Plus précisément, "159 espèces de plantes dont 3 d’orchidées, 78 espèces d’oiseaux, 21 espèces de papillons et 13 espèces de mammifères dont 7 de chauve-souris", selon le dernier recensement effectué justement cet été par les membres de l’association HOP! Biodiversité. "Un aéroport n'est pas seulement constitué d'un tarmac et de pistes", explique la vétérinaire Julia Seitre, cofondatrice de cette association qui identifie, protège et valorise la biodiversité des treize "prairies aéroportuaires" de France depuis 2015.

Une grande prairie de plus de 10 km² 

Pour s’en convaincre, il faut quitter les infrastructures de béton et les nœuds routiers et s’engager en direction des espaces verts en zone réservée, dont l’accès est soumis à de sévères contrôles de sécurité. Des haies, des bois défilent, une plaine s’ouvre. "Roissy, c‘est aussi une grande prairie non agricole de plus de 10 km² !, poursuit Julia Seitre en pointant de vastes herbages. C’est un refuge remarquable, non labouré et non traité, quasiment exempt de pesticides et d’engrais et dont les sols grouillent de vers de terre".

Ce havre profite clairement aux insectes : la vétérinaire est assaillie par des dizaines de minuscules coléoptères tandis qu’elle se fraye un chemin dans les herbes hautes, à la rencontre des écologues et des personnels volontaires de l’aéroport qui relèvent les "planches à invertébrés". En fait, de simples morceaux de bois posés dans la prairie et que l’on retourne régulièrement pour compter les petits animaux qui se sont glissés dessous. La plupart du temps, la moisson consiste en cloportes, punaises et vers, mais cette année, surprise, un crapaud accoucheur, réputé pour son chant mélodieux, y est repéré ! La pose et l’examen des planches à invertébrés ne sont que l’un des sept protocoles, mis en place avec le Museum national d’histoire naturelle de Paris (MNHN) et qui permettent d’assurer le suivi scientifique des différents animaux –de la belette à la chauve-souris en passant les oiseaux– qui fréquentent le site (voir notre vidéo n°1, ci-dessous).

Plus de pollinisateurs et de papillons qu’ailleurs en France

En ce début d’été, les abeilles maçonnes, ou osmies, ont commencé à pondre leurs œufs dans des nichoirs dédiés. Les pollinisateurs, et particulièrement les abeilles solitaires, seraient plus fréquents dans la zone aéroportuaire qu’ailleurs en France, assure Julia Seitre. Paris-CDG serait aussi le royaume des papillons. En effectuant ses comptages de lépidoptères dans les prairies qui jouxtent le bassin des Renardières –le plus important bassin de retenue d’Ile de France avec sa capacité de 1 260 000 m3– l’association a dénombré une abondance moyenne des lépidoptères 5 fois supérieure à la moyenne nationale et une diversité 2,5 fois plus importante. Le jour de la visite, pas un volatile ne patauge sur le fameux bassin. Mais c’est, parait-il, exceptionnel. Le site serait régulièrement fréquenté par des foulques, des colverts, des chevaliers cul blanc ou des grèbes huppés. Mieux, "sur l’aéroport, les oiseaux réputés en chute d’effectifs dans les campagnes sont tous présents : alouette des champs, linotte mélodieuse, perdrix grise et rouge, caille des blés, chardonneret, etc..." claironne l'association.
On y trouve aussi beaucoup trop de pigeons, une véritable nuisance. "Ils raffolent des graines de vesce qui abondent dans la prairie", regrette Pascal Pellieu, responsable de la maintenance des infrastructures et des espaces verts. "Il va falloir faucher". En évitant, si possible les trois espèces d’orchidées qui poussent sur le site, dont l’ophrys abeille (voir la vidéo n°1).  Et en maintenant une certaine hauteur de végétation, qui empêche les rapaces d’apercevoir leurs proies au sol et de fondre dessus en risquant de couper la route des airbus.

"Parfois, nous travaillons à rééquilibrer les écosystèmes pour faire diminuer le risque animalier", précise le vétérinaire Roland Seitre, directeur de HOP! Biodiversité. "Une bonne connaissance de la biodiversité est essentielle à la sécurité de l'aéroport. Les rapaces, principalement, mais aussi les sangliers et chevreuils, peuvent présenter un danger de collision avec les avions", explique-t-il. Effarouchement, tirs, prélèvements, la gestion des risques animaliers fait l’objet de protocoles particuliers (voir notre vidéo n°2), réglementés selon le statut de l’espèce (protégée, nuisible) mais... susceptibles d’évoluer. "Nous estimons que les renards ne doivent pas être traqués sur les aéroports, plaide ainsi Roland Seitre. Ils sont friands de mulots, de gros insectes, en concurrence avec les rapaces : ils pourraient ainsi en diminuer le nombre". Cela ne fera pas l'affaire des lapins déjà moins nombreux qu'à Orly (voir notre vidéo n°3). Mais à Roissy, demain, les renards pourraient devenir auxiliaires d’aviation.

Vidéos et reportage : Rachel Mulot et Valentine Delattre pour Sciences et Avenir

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