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ARGENTINE

"Tir à la corde" avec chevaux : des activistes tirent la sonnette d’alarme en Argentine

Capture d'écran de deux des vidéos ci-dessous.
Capture d'écran de deux des vidéos ci-dessous.
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Vous connaissez le tir à la corde, ce sport permettant à deux équipes de mesurer leur force ? En Argentine, certains l’ont décliné en faisant s’affronter deux chevaux, tirant chacun une charrette dans un sens opposé, une pratique faisant l’objet de paris. Plusieurs associations de défense des animaux l’ont signalé à notre rédaction : elles dénoncent des actes cruels, reflétant un problème plus large de maltraitance des chevaux dans certains secteurs de l’économie informelle.

Plusieurs associations de défense des animaux en Argentine nous ont récemment signalé une vidéo montrant deux chevaux attelés à des charrettes et positionnés dans des directions opposées, dirigés par des cochers. Au bout de quelques secondes, quelqu’un crie "vamos" ("allez"). Les cochers commencent alors à frapper les chevaux, qui hennissent et tirent chacun dans une direction opposée, alors que les charrettes sont attachées entre elles. Très rapidement, un des deux animaux prend l’ascendant sur l’autre, qui glisse alors en arrière, jusqu’à ce que l’épreuve cesse.

ATTENTION, LES VIDÉOS PARTAGÉES DANS CET ARTICLE PEUVENT CHOQUER.

Vidéo signalée par plusieurs associations de défense des animaux (en particulier des chevaux) à notre rédaction.

 

Selon l’une des associations ayant publié cette vidéo – à la fois en juin et en septembre dernier – elle provient d’une page Facebook argentine appelée "Stop Grabois", consacrée aux maltraitances animales, où elle a été publiée le 12 septembre 2017. Selon la légende, les hommes que l’on voit seraient des "travailleurs exclus".

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, l’internaute gérant cette page Facebook a précisé que les images dataient en réalité de 2012 et qu’elles avaient été tournées dans la province de Buenos Aires, au sud-est de la capitale, de même que d’autres vidéos publiées sur sa page entre le 12 et le 16 septembre 2017.

Selon lui, ces affrontements entre chevaux auraient donné lieu à des paris. "Certains ont même parié des camionnettes", affirme-t-il. D’après lui, ce type de pratique continue aujourd’hui.

 

Dans cette vidéo, également publiée sur la page Facebook "Stop Grabois", on retrouve la même charrette rouge que dans la première vidéo.

 

Autre vidéo publiée sur la page Facebook "Stop Grabois".

 

Outre les vidéos publiées sur cette page, d’autres images semblables ont été diffusées dans les médias (par exemple, ici et ) et par d’autres associations de protection des animaux (ici).

 

"Le tir à la corde avec des chevaux est une activité clandestine"

Eliana Couso est la présidente d’ALUISA (Association de lutte pour l’intégrité sociale et le droit animal).

Le tir à la corde avec des chevaux existe dans plusieurs localités du pays. Dans la province de Buenos Aires par exemple, cela se passe à plusieurs kilomètres de la capitale, notamment à Quilmes. Pour les gens qui s’adonnent à cette pratique ou qui viennent assister au "spectacle", c’est un jeu : certains font des paris… Cette activité se réalise dans la clandestinité, puisque c’est de la maltraitance animale : les chevaux sont brutalisés, etc. C’est donc illégal, au regard de la loi qui protège les animaux. Cela dit, cette pratique n’a rien d’habituel : personnellement, je n’ai jamais vu cela en direct.

"L’immense majorité des chevaux utilisés sont maltraités au quotidien"

Les gens qui s’adonnent à cette activité sont des charretiers : ce sont des gens qui ramassent les ordures en ville, en utilisant une charrette tirée par un cheval ou un âne. C’est un travail informel, même s’ils le réalisent souvent avec l’aval des autorités, notamment car ils peuvent ramasser les déchets dans les endroits où les camions-poubelles ne peuvent pas passer. Il y a des gens qui réalisent ce travail un peu partout dans le pays. Mais le problème, c’est que l’immense majorité des chevaux utilisés sont maltraités au quotidien.

 

"Beaucoup de chevaux finissent par mourir d’épuisement"

Edgardo Julio Di Salvo est vétérinaire dans la province de Buenos Aires et également membre d’ALUISA. Il détaille les problèmes qu’ils rencontrent chez ces chevaux.

Déjà, les charretiers ne se rendent pas forcément compte que leurs chevaux vont mal, alors qu’ils les exploitent souvent de façon irrationnelle. Ils les voient simplement comme un outil de travail, qui peut être vendu, loué… Du coup, leurs chevaux finissent par s’écrouler et mourir d’épuisement, comme je le constate tous les jours dans mon travail, même s’il n’existe pas de chiffres à ce sujet.

 

Les chevaux tirent souvent des charrettes surchargées. Vidéo tournée à Quilmes, dans la province de Buenos Aires.

Un internaute a envoyé cette vidéo à un média local, en indiquant que ce cheval s'était écroulé en pleine rue à San Miguel de Tucumán, dans le nord du pays.

 

De plus, beaucoup de chevaux ne sont pas vaccinés, alors que certains vaccins sont obligatoires. Du coup, certains meurent du tétanos par exemple. En outre, on rencontre chez eux des problèmes de dénutrition et déshydratation, des ulcères, des infections – ce qui peut mener à l’euthanasie – des problèmes aux dents, aux articulations, aux muscles, aux sabots – car ils ne portent pas forcément de fers – certains sont aveugles… Sur le plan sanitaire, c’est catastrophique.

Et c’est sans oublier les violences directes que subissent les bêtes. En fait, ces travailleurs viennent de quartiers très pauvres et ils ont souvent été victimes d’abus dans le passé. Du coup, ils reproduisent ce qu’ils ont vécu avec leurs chevaux.

En mai, 27 chevaux appartenant à des charretiers ont été confisqués par les autorités à Quilmes, dans la province de Buenos Aires. Beaucoup n'avaient pas de papiers ou étaient en mauvais état.

En 2015, l’association d’Eliana Couso et Edgardo Julio Di Salvo a lancé une pétition sur Internet pour réclamer l’interdiction – au niveau national – de l’utilisation des animaux pour collecter les ordures, et commencé à faire campagne sur les réseaux sociaux à ce sujet. Leur mobilisation a porté ses fruits, puisqu'un projet de loi visant à interdire cette pratique est à l’étude au Congrès depuis mars 2017.

 

"Cette pratique va de pair avec d’autres problématiques, comme le travail infantile"

Eliana Couso explique pourquoi son association souhaite l’interdiction de cette pratique.

Outre la maltraitance des chevaux, cette pratique va souvent de pair avec d’autres problématiques. Les travailleurs sont parfois des enfants – alors que le travail infantile est interdit – des femmes enceintes, des personnes handicapées… Il y a également des vols de chevaux.

Ce post Facebook signale le vol de ce cheval.

 

Bien sûr, si on interdit cette pratique au niveau national, il faut envisager des solutions alternatives pour ces travailleurs, à l’image de ce qui s’est produit à Salta [dans le nord du pays, NDLR]. En août 2017, cette ville a interdit les charrettes tirées par des chevaux, alors qu’il y en avait 200 à 300 en circulation. Des formations ont donc été prévues pour les charretiers, comme certains ne savaient pas lire ou écrire, des triporteurs à moteur leur ont été donnés [il s’agit de motos à trois roues munies d’une caisse à l’arrière, NDLR]…

Cet article a été écrit par Chloé Lauvergnier (@clauvergnier).

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