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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Entre Israël et la Russie, un certain esprit de famille

Troisième tête-à-tête de l’année entre Poutine et Netanyahu ce mercredi. Entre les deux hommes, une affinité reconnaissante de l’histoire croisée de leurs pays respectifs ces trois dernières décennies.

le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président russe Vladimir Poutine à Moscou le 9 mai 2018. Crédit : AFP

9 mai 2018. Vladimir Poutine ouvre la marche compacte qui perce les blocs staliniens d’un boulevard moscovite. Le président russe tient le portrait modestement encadré de son père, Vladimir Spiridonovitch Poutine, affecté à la défense de Leningrad durant la Seconde Guerre mondiale. La marche du Régiment immortel réunit chaque 9 mai les descendants de soldats qui ont fait la grande guerre patriotique dans les rangs de l’Armée rouge. C’est un privilège de taille pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’épauler l’homme fort du Kremlin dans ce moment intimiste de communion nationale. Le Likudnik (apparatchik du Likoud) n’a pas d’aïeux vétérans de l’Armée rouge. Il porte à défaut la mémoire de la « famille juive ». Le portrait qu’il porte est celui de Wolf Vilensky, un juif lituanien porté volontaire dans l’Armée rouge et récompensé du titre de Héros de l’Union soviétique. Vilensky a fini sa vie en Israël, où il a émigré en 1983. Une décennie environ avant qu’un bon million de ses coreligionnaires ne prennent le même chemin, depuis les territoires de l’ancienne URSS.

C’est aujourd’hui la troisième fois depuis le début de l’année que Vladimir Poutine rencontre l’homme à la tête du seul État du Moyen-Orient capable de ruiner ses plans en Syrie. Dimanche, l’aviation israélienne s’en est prise à la base aérienne syrienne T4, dans la province de Homs. Tel-Aviv semble avoir organisé le calendrier de ses sorties sur le territoire syrien pour qu’elles fassent office de bonjour et d’au revoir au président russe. Quelques heures après leur marche épaule contre épaule le 9 mai, l’armée israélienne avait annoncé avoir frappé presque toutes les infrastructures militaires iraniennes en Syrie à la suite de tirs de roquettes sur le plateau du Golan.
L’unique témoin des tête-à-tête entre Vladimir Poutine et Benjamin Netanyahu est généralement Zeev Elkin, un député russophone du Likoud qui offre ses services d’interprète. Le décor planté par les frappes d’hier, et le petit comité faisant, on peut imaginer que les dialogues entre les deux hommes ont des allures « de toi à moi ». « On parle souvent d’alchimie entre les dirigeants. Je crois que c’est le cas entre eux », commente pour L’Orient-Le Jour Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe de Moscou.


(Lire aussi : Les Russes veulent-ils le départ des Iraniens de Syrie ?)



Un membre russe délocalisé au Proche-Orient
 « Il est bien vu en Israël de s’entendre avec Poutine. On ne peut pas gagner des élections sans le vote “russe” car, même si cet électorat vote pour des partis d’extrême-droite, ce sont des formations avec lesquelles Netanyahu doit composer des coalitions », poursuit M. Delanoë. Environ le quart de la population israélienne est issue de l’alya (littéralement « montée » en terre sainte) consécutive à la chute du rideau de fer. Les « Russes » forment aujourd’hui la plus importante ethnie juive de l’État hébreu. Cette « russification » a changé le visage d’Israël, voire du Moyen-Orient, à en croire le titre d’un livre à succès écrit par la journaliste israélienne Lily Galili, The Million that Changed the Middle East. Avec un petit écart en 1992, où les voix russes ont arbitré en faveur des travaillistes israéliens, les Russes ont hautement contribué à déplacer le centre de gravité politique de leur pays d’élection vers la droite. Benjamin Netanyahu leur en est reconnaissant.

Les comportements droitiers des Russes israéliens ont trouvé une variété d’explications : accoutumance à la figure de l’homme fort ; aversion naturelle envers les programmes socialisants ; compatibilité entre la mentalité d’assiégé façonné par la droite israélienne et le bagage traumatique du sujet soviétique (suspicion, méfiance, anxiété). Même la géographie a prêté ses clés de lecture à l’examen du russe en terre israélienne : venant d’un pays immense, ils ne conçoivent pas que l’on puisse rétrocéder un bout de terre au nom de la paix, comme l’a avancé dans ses travaux une professeure du département de sociologie et d’anthropologie de l’université Bar-Ilan Larissa Remennick. S’ils ont forcé le trait de la division entre les patriotes et les défaitistes, qui se substitue plus ou moins au clivage droite/gauche ou faucons/colombes aujourd’hui en Israël, les Russes cultivent aussi un puissant sentiment d’être une communauté à part, voire au-dessus des autres concitoyens israéliens. Leur intégration a été indissociable de leur aspiration au leadership, visible dans la formation de « partis russes ». Yisrael Beitenu d’Avigdor Lieberman (né en Moldavie soviétique) a succédé au Yisrael ba’Aliyah de Nathan Sharansky (natif de Donetsk en Ukraine) créé en 1996. Vladimir Poutine a conscience que c’est un membre délocalisé de son propre pays qui vit au Proche-Orient. Lors d’un séjour israélien en 2008, il jure qu’il « ne laisserait pas un million de Russes vivre sous la menace ». « Israël est un des rares pays où l’on édifie encore des statues de soldats de l’Armée rouge. Benjamin Netanyahu a fermement condamné le révisionnisme historique qui consiste à remettre en question le sacrifice consenti par les soldats soviétiques lors de la Seconde Guerre mondiale », explique M. Delanoë.


(Pour mémoire : Moscou, arbitre de facto entre l’Iran et Israël)


Instrumentalisation
Le « pont humain » entre Israël et la Russie fonctionne dans les deux sens. Certaines organisations de la communauté juive en Russie, en particulier le mouvement hassidique Chabad, ont conclu une alliance avec le régime russe. Les rabbins du Chabad louent régulièrement les mérites de Vladimir Poutine en public et en privé, allant jusqu’à dire que la condition des juifs en Russie est meilleure que ce qu’elle est aux États-Unis, où, disent-ils, la liberté d’expression est utilisée abusivement pour attaquer les juifs. Au risque d’épouser la propagande du Kremlin. « Lors de la crise ukrainienne, Moscou se plaisait à rappeler l’existence d’éléments antisémites parmi la classe politique ukrainienne pro-européenne », explique M. Delanoë. Une stratégie visant à discréditer les efforts de la révolution qui a délogé son allié, l’ancien président ukrainien Viktor Yakounovitch. Les représentants de la partie sceptique des juifs russes avaient dénoncé l’« écran de fumée » philosémite de Vladimir Poutine, dont les sympathies pour le Chabad serviraient de caution libérale au Kremlin. Le souci du président russe pour le million d’Israéliens russophones vivant sous la menace iranienne s’arrête certes là où commencent les intérêts prioritaires de Moscou en Syrie. Mais, entre Israël et la Russie, un certain esprit de famille interdit le divorce.


Pour mémoire

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commentaires (3)

LES REFLETS DE LA CONNIVENCE MASTODONTO/OURSIENNE QUI SE REVELE DE PLUS EN PLUS CHAQUE JOUR.

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 57, le 11 juillet 2018

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Commentaires (3)

  • LES REFLETS DE LA CONNIVENCE MASTODONTO/OURSIENNE QUI SE REVELE DE PLUS EN PLUS CHAQUE JOUR.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 57, le 11 juillet 2018

  • En bref, les Russes ET les Américains soutiennent Israël et notre minus de la banlieue Sud pense qu'il va libérer la Palestine ou Bachar ou sauver l'Iran? Le Hezbollah a servi les intérêts d’Israël depuis le début. Le Hezbollah a été celui qui a contribué, a ce jour, a garder le Liban dans un état végétatif et miséreux, détruisant ses institutions de l’intérieur, poussant le peuple a ne plus avoir confiance ni en ses dirigeants ni en son pays, détruisant l’économie, encourageant l’émigration, tuant, volant, traficotant et salissant l'image du Liban autant que possible. Nos concitoyens chiites vont se faire étriller en Syrie comme au Liban alors que leurs dirigeants eux s'enfuiront le moment venu vers d'autres cieux avec les milliards qu’ils ont accumulé a travers leurs crimes. Vous verrez que les terres d'asiles choisies ne seront même pas l'Iran ou autres états de la sortes mais de petits paradis sud américains. Quel gâchis depuis 1982, quel gâchis après 1989 et quel gâchis après 2005!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 35, le 11 juillet 2018

  • Que ceux qui savent lire .. lisent c’est ce qu’on affirmait depuis 3 ans

    Bery tus

    01 h 54, le 11 juillet 2018

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