Hôtel Lutetia : et la lumière fut

VIDÉO. Incarnation suprême du mythe de Saint-Germain-des-Prés, l'hôtel Lutetia rouvre (en partie) ses portes aujourd'hui à Paris. Visite des lieux...

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Temps de lecture : 5 min


Quatre ans de travaux, une rénovation de fond en comble, un célèbre architecte – Jean-Michel Wilmotte –, des artisans d'art et plusieurs dizaines de millions d'euros déboursés par le groupe israëlien Alrov, déjà propriétaire de l'Hotel Café Royal à Londres et du Conservatorium à Amsterdam… Dire que la réouverture du Lutetia était attendue est un euphémisme.

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Entrer dans le XXIe siècle

Depuis sa fermeture en 2014, l'hôtel n'avait laissé filtrer que peu d'informations. Et les immenses palissades ornées de trompe-l'œil et de publicités derrière lesquelles il s'était replié ne laissaient rien entrevoir de ce qui se jouait en coulisse. Une seule certitude subsistait : celle de retrouver, entièrement restaurée, la sublime façade Art nouveau qui se dressait depuis 1910 à l'angle du boulevard Raspail et de la rue de Sèvres – date à laquelle les héritiers du Bon Marché avaient inauguré l'établissement afin d'y accueillir clients et fournisseurs dans des conditions optimales.

À cette certitude s'ajoutait la perspective de voir enfin cet édifice emblématique de la rive gauche, dont l'état de vétusté n'était plus un secret, entrer dans le XXIe siècle… Un défi que Jean-Michel Wilmotte s'est employé à relever avec – ne mâchons pas nos mots – beaucoup de panache, tant la responsabilité était lourde au niveau historique comme au niveau financier, et tant les adeptes de la première heure restaient attachés à l'esprit des lieux... « L'idée n'était pas de faire un hôtel de plus dans Paris, mais de faire revivre le Lutetia », nuance-t-il.

Le salon Saint-Germain et sa verrière décorée de 22 personnages hauts en couleur imaginés par l'artiste Fabrice Hyber.

© DR

Fronton dévoilé

Il a donc fallu redistribuer les espaces en vue d'optimiser confort et prestations dignes d'un cinq-étoiles lorgnant la distinction « palace ». Dix-sept mètres ont ainsi été creusés sous le bâtiment pour accueillir spa, piscine, salle fitness et machineries. Le nombre de chambres (pour la plupart inachevées) est passé de 233 à 184 afin de créer 47 suites. Comptez 28 mètres carrés pour la première catégorie (soit l'une des plus petites, à établissement équivalent, sur le marché parisien) et 210 pour la plus grande. Autre transformation majeure : l'intégration de la lumière naturelle grâce à une cour intérieure, ancien salon aveugle dont les équipes Wilmotte ont eu l'ingénieuse idée de supprimer le toit, impulsant ainsi via portes, verrière et baies vitrées un rayonnement permanent dans les parties communes situées au rez-de-chaussée. Un patio qui a également permis de dévoiler le fronton tout en faïences et mosaïques qui ornait la façade intérieure, l'un des innombrables vestiges Art nouveau et Art déco – le Lutetia est à la croisée des deux – jalonnant les lieux et largement sublimés lors de la rénovation. « L'existant a été remis en valeur et le reste réécrit de façon plus contemporaine. Nous ne voulions surtout pas tomber dans le pastiche », expliquent Anne-Claude Dessart et Christian Oudart, directeurs de projet chez Wilmotte & Associés.

Le bar Joséphine surmonté d'une superbe fresque dissimulée sous plusieurs couches de peinture.

© DR

Ainsi la superbe fresque du bar Joséphine a-t-elle été restaurée et twistée avec d'immenses verres bronze bombés. La fameuse marquise de l'entrée comme les stucs des galeries ont été reconstitués à partir de photos d'archives. Dans le salon Saint-Germain, la treille sur plâtre agrémentée de fleurs, de papillons et d'oiseaux répond désormais à l'étonnante verrière décorée de personnages hauts en couleur, tels nounours, Bibendum et pères Noël signés Fabrice Hyber. Partout, écailles et losanges réinterprétés habillent fenêtres, sols en marbre, grilles en bronze dans le lobby et les ascenseurs. Lignes et stries se déploient à travers bois cannelés sur les murs, appliques verticales dans les couloirs et sérigraphies sur les portes des salles de bains. Les meubles, inspirés de modèles d'époque, se parent de nouveaux matériaux, à commencer par ces bergères à oreille qui ont troqué leur cannage pour d'audacieuses lianes de cuir.

1 500 mètres cubes de gravats ont été excavés afin d'aménager la piscine baignée de lumière naturelle grâce à une étonnante hauteur sous plafond.

© DR

Extravagance et érudition

Si le Lutetia rouvre officiellement aujourd'hui, il est loin d'être terminé. Architectes et ouvriers sont toujours à l'ouvrage. D'ici à cet automne, on pourra enfin découvrir la totalité des chambres, en tête desquelles les sept suites Signature ; le bar Aristide et ses deux fumoirs ; la brasserie Lutetia placée sous la houlette de Gérald Passédat (chef 3 étoiles au Petit Nice à Marseille) et le salon Cristal qui fut autrefois un haut lieu de vie et de fête. C'est d'ailleurs cette effervescence – mêlant à la fois extravagance et érudition – que l'on espère retrouver dans les bars, salons et restaurants qui ne demandent qu'à être conquis. Car si l'hôtel affiche un tarif minimal de 850 euros la nuit, il n'en demeure pas moins un lieu accessible où déjeuner (menu à partir de 38 euros), prendre un café ou boire un verre n'est pas forcément hors de prix. Laissons-lui donc le temps de s'installer, de s'arrondir, de se peaufiner. Et donnons-lui à nouveau rendez-vous une fois l'effervescence de l'ouverture passée. C'est sans conteste à ce moment-là que le Lutetia dévoilera ce qu'il a vraiment dans le cœur.


À partir de la rentrée, l'hôtel proposera 184 chambres, dont 47 suites.

© DR

QUELQUES CHIFFRES

17 000 heures : temps de travail qui a été nécessaire pour la restauration de la fresque du bar Joséphine découverte sous plusieurs couches de peinture.

1 500 mètres cubes : volume de gravats excavé sous l'hôtel afin d'aménager le spa et la piscine.

1 600 : nombre d'ouvrages savamment sélectionnés qui seront exposés dans la bibliothèque.

1 tonne : poids des baignoires des salles de bains réalisées dans une seule pièce de marbre de Calacatta.

400 : nombre de salariés dans l'hôtel. Parmi eux, 100 étaient déjà employés avant sa rénovation.

2,5 m : diamètre des lustres suspendus dans le lobby.


Hôtel Lutetia, 45 boulevard Raspail, Paris VIe. 01 49 54 46 00, www.hotellutetia.com.

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Commentaires (8)

  • lludwina

    Très beau oui... Mais tellement froid

  • franky21

    Depuis que ce type d'établissement existe, en 1910 comme aujourd'hui, il est destiné au 1% les plus fortunés.
    Quoi de neuf sous le soleil ?
    Si tel n'était pas le cas, ce bijou n'existerait pas.

  • Liberte d'expression FR

    Merci à Monsieur Wilmotte et son équipe pour la restauration de ce bijoux Parisien.