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Développement durable

Les déchets recyclables américains s'entassent, la Chine n'en voulant plus

En 2017, la Chine a durci ses règles d'importation des déchets recyclables, qui doivent respecter une certaine qualité de tri. Au point que les États-Unis ne parviennent plus à les exporter comme avant, ces derniers étant trop souvent souillés. Résultat, ils s'accumulent dans des décharges.

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Suite à la décision chinoise de ne plus accepter les déchets recyclables américains, les plastiques s'entassent dans cette déchetterie américaine.

Suite à la décision chinoise de ne plus accepter les déchets recyclables américains, les plastiques s'entassent dans cette déchetterie américaine.

Scott Terrell/AP/SIPA

Le tri sélectif, c'est bien. Mais encore faut-il disposer des bonnes filières industrielles de recyclage pour réemployer les cartons et plastiques... Et si les infrastructures nationales ne suffisent pas, savoir exporter. Les États-Unis dépendent ainsi grandement de la Chine, premier importateur mondial de déchets en 2015. Sauf que depuis l'été 2017, la Chine ne veut plus importer de déchets américains, affirmant qu'il sont trop "contaminés". Aux États-Unis, les usines de recyclage se retrouvent ainsi avec un épineux problème sur les bras : au lieu de vendre les déchets qu'elles trient, elles se retrouvent... à devoir payer pour s'en débarrasser !

Des déchets recyclables trop souvent souillés

À l'usine d'Elkridge, dans l'agglomération de Baltimore-Washington, les 900 tonnes de recyclage déversées par des camions-bennes 24 heures sur 24, cinq jours par semaine sur les tapis convoyeurs n'ont rien de propre. Dans un vacarme mécanique infernal et un nuage de poussière marron, des dizaines d'ouvriers gantés et masqués, en majorité des femmes, retirent de leurs mains expertes un bazar de détritus, vêtements, objets en bois, câbles, branches d'arbres... et la hantise des recycleurs : des sacs en plastique, qui ne sont pas censés aller dans les bacs à recycler car ils s'emmêlent dans les machines.

DÉCONTAMINATION. Le but est de "décontaminer" au maximum des déchets recyclables mais souillés, c'est-à-dire d'une part de séparer strictement les matières recyclables des déchets non recyclables, d'autre part de s'assurer que les piles finales de plastiques, de papiers ou de cartons ne contiennent aucune autre matière. "On a même dû ralentir les machines et embaucher plus de gens" pour mieux décontaminer, dit le responsable, Michael Taylor.

Les États-Unis ne parviennent à respecter les nouvelles exigences de la Chine

A la fin du tri, de gros cubes de déchets compactés (papiers, cartons, plastiques...) sont produits. Avant la décision chinoise, les déchets étaient achetés par des entreprises, principalement en Chine, qui les nettoyaient, broyaient et retransformaient en matières premières pour des industriels. Ces importateurs fermaient les yeux quand les balles de plastiques étaient trop sales ou n'étaient pas assez "pures". La Chine, en 2017, a ainsi acheté plus de la moitié des déchets recyclables exportés par les Etats-Unis. Au niveau mondial, depuis 1992, ce sont 72% des déchets plastiques qui ont fini en Chine et à Hong Kong, selon une étude parue en juin 2018 dans Science Advances.

0,5% DE CONTAMINATION MAXIMUM. Mais depuis janvier, les frontières chinoises se sont fermées à la plupart du papier et du plastique, conséquence d'une nouvelle politique environnementale de Pékin... Les dirigeants chinois se disant désireux de ne plus être la poubelle de la planète, ou même sa déchetterie. Pour le reste, dont le métal ou le carton, les inspecteurs chinois ont fixé un taux de contamination de 0,5%, trop bas pour les technologies américaines actuelles qui n'arrivent pas à trier les déchets de façon aussi précise. Le secteur s'attend in fine à ce que presque toutes les catégories de déchets soient refusées d'ici 2020.

Dans certaines usines, plastiques et papiers finissent en décharge !

A Elkridge, l'usine arrive encore à vendre son PET (bouteilles en plastique) à un acheteur en Caroline du Sud, et son carton à l'étranger. Mais le papier et le plastique mélangés ne valent plus rien : elle paie des sous-traitants pour les lui reprendre. Ailleurs aux Etats-Unis, des recycleurs se sont résolus à un acte jusqu'alors tabou : ils ne trient plus le plastique et le papier, qui finissent donc dans les décharges !

FIN DU RECYCLAGE. "Personne ne veut le dire à haute voix, car personne n'aime le faire", dit à l'AFP Bill Caesar, patron de WCA Waste Corporation, société basée à Houston. Les géants américains Republic Services et Waste Management ont reconnu l'avoir fait ponctuellement, comme dans l'Oregon. Des petites villes, notamment en Floride, ont simplement annulé la collecte de recyclage.

Un "privilège de recycler" qui coûtera de plus en plus cher

"La Chine a donné trop peu de temps au secteur pour s'adapter", déplore Adina Renee Adler, de l'Institute of Scrap Recycling Industries, grande fédération professionnelle. "Nous aurons bientôt tellement de stocks que nous serons obligés d'en mettre de plus en plus dans les décharges si on ne trouve pas de nouveaux marchés", s'alarme le président de la National Waste and Recycling Association, Darrell Smith.

Alors que faire ? Les autres pays importateurs, Indonésie, Vietnam ou Inde, sont incapables d'absorber les dizaines de millions de tonnes que la Chine importait. Et peu d'industriels américains ont la technologie pour traiter ces matériaux. Le problème commence déjà à se faire sentir dans les villes lors de la renégociation des contrats municipaux. D'autant plus que nombre de métropoles ont des objectifs ambitieux de recyclage - comme Washington, qui veut passer de 23% des ordures ménagères à 80%. La capitale paie déjà 75 dollars pour recycler une tonne, contre 46 dollars pour les ordures, qui sont brûlées pour générer de l'électricité. "Il fut un temps où cela revenait moins cher de recycler mais ce n'est plus le cas", explique Christopher Shorter, directeur des travaux publics de Washington. "Recycler va nous coûter de plus en plus cher", prévient-il.

La délicate éducation des citoyens

Pour éviter des pénalités financières, les villes envisagent de mieux "éduquer" leurs administrés afin qu'ils arrêtent de mettre dans la poubelle bleue les mauvais déchets, comme les sacs plastiques. Pour réduire le volume de déchets à recycler ou brûler, elle envisage la collecte des déchets organiques, avec une future troisième poubelle, et la construction d'une usine de compostage. Et elle réfléchit à faire payer les habitants au poids de déchets. Même avec ces mesures, Bill Caesar, à Houston, avertit l'ensemble des Américains : il faudra bientôt payer plus pour "le privilège de recycler".

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