Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Le vrai-faux « axe » antimigration d’Europe

Les ministres de l’intérieur autrichien, allemand et italien n’ont pas réussi, en marge du sommet d’Innsbruck, à s’accorder sur leurs politiques respectives contre l’immigration.

Publié le 12 juillet 2018 à 17h19, modifié le 13 juillet 2018 à 06h42 Temps de Lecture 4 min.

Les ministres de l’intérieur Horst Seehofer (Allemagne), Herbert Kickl (Autriche) et Matteo Salvini (Italie), à Innsbruck en Autriche, le 12 juillet.

Lors d’une réunion remarquée à Berlin à la mi-juin entre Sebastian Kurz, le jeune chancelier autrichien, et Horst Seehofer, le président de l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) et ministre de l’intérieur du gouvernement allemand, le premier s’était réjoui de l’existence d’un « axe des volontaires dans la lutte contre l’immigration illégale » entre Vienne, Rome et Berlin.

L’usage du terme « axe », particulièrement connoté car rappelant l’alliance germano-italo-japonaise de la seconde guerre mondiale, a suscité une polémique. Mais au-delà, cette alliance des « antimigrants » a-t-elle une quelconque chance de prendre forme alors que chacun des trois ministres de l’intérieur impliqués – Matteo Salvini, leader de la Ligue d’extrême droite pour l’Italie, Horst Seehofer pour l’Allemagne et Herbert Kickl, tête pensante du FPÖ, également d’extrême droite, pour l’Autriche – promeut des solutions essentiellement nationales et contradictoires ?

Les trois se sont rencontrés pour la première fois à Innsbruck, mercredi 11 et jeudi 12 juillet, en marge d’une réunion des ministres de l’intérieur européens, la première sous présidence autrichienne de l’Union. Mais au-delà de l’affichage – les ministres sont restés tous sourires pendant deux jours – rien de concret n’est ressorti de ces échanges. Et pour cause.

M. Seehofer, qui a finalement réussi à imposer son « master plan » contre l’immigration illégale à sa chancelière, Angela Merkel, à l’issue de deux semaines de bras de fer, envisage de repousser hors d’Allemagne les migrants qui auraient déposé une demande d’asile dans un autre pays de l’UE.

Affichage

Jeudi 5 juillet, en visite à Vienne, le président de la CSU bavaroise (petite cousine de coalition de la CDU d’Angela Merkel) avait tout de suite calmé le jeu avec l’Autriche, affirmant que ces migrants ne seraient pas refoulés vers ce pays – par lequel ils sont passés dans leur parcours migratoire –, mais directement vers l’Etat où ils avaient déposé leur demande d’asile, comme le permet le règlement de Dublin.

A en croire le Bavarois, « les trois quarts » des « dublinés » venant de Grèce ou d’Italie, ces derniers devraient être renvoyés vers ces pays. Or, Matteo Salvini le répète depuis sa prise de fonctions, à la fin de mai, l’Italie ne veut plus récupérer de migrants sauvés en mer. « L’Italie ne récupérera aucun migrant refoulé tant que l’Europe ne fermera pas sa frontière extérieure à l’Union », a-t-il déclaré mercredi 11 juillet au soir, juste après une rencontre bilatérale avec M. Seehofer.

Selon nos informations, la Grèce aurait demandé à l’Allemand, en « échange » du retour des migrants, que l’Allemagne accepte davantage de regroupements familiaux depuis la Grèce. Et l’Italie réclamerait à Berlin de récupérer des migrants sauvés en Méditerranée… Difficile à accepter pour le Bavarois.

« Discussions difficiles »

Du coup, face aux micros, MM. Seehofer et Salvini se sont juste engagés à poursuivre les discussions et ont espéré trouver une solution « d’ici à la fin de juillet » ou « au début d’août », a précisé le Bavarois. La rencontre avec M. Salvini a été « très positive », a-t-il dit, mais il a ajouté s’attendre encore « à des discussions difficiles » avant de parvenir à une « véritable solution ».

Avec M. Kickl, les trois ont aussi promis une autre réunion trilatérale, « le 19 juillet ». « Leur priorité, c’est d’obtenir une solution européenne [pour lutter contre la migration illégale], et si on n’y parvient pas, les mesures nationales seront mises en place », assurait un diplomate à Innsbruck jeudi, concédant quand même que les Vingt-Huit étudient des solutions européennes, sans grand succès, depuis des années.

Le Monde Application
La Matinale du Monde
Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer
Télécharger l’application

La seule chose qui réunit assurément cet « axe » fragile austro-italo-allemand, c’est la volonté de parvenir à une fermeture totale des frontières extérieures de l’Union. Et d’évacuer complètement la question d’éventuelles relocalisations de réfugiés entre pays de l’UE.

M. Kickl a profité d’Innsbruck pour développer cette vision 100 % sécuritaire de la migration, dans une ville quadrillée par un énorme déploiement policier. Il a ainsi ressorti des propositions pourtant repoussées par le Conseil européen du 28 juin : des « plates-formes de retour » dans les « pays tiers » où les déboutés du droit d’asile seraient placés en attendant de rentrer dans leur pays d’origine.

M. Kickl réclame aussi que plus aucun migrant ne puisse demander l’asile sur le sol européen. Ces idées posent de sérieux problèmes juridiques : en théorie, l’UE ne peut externaliser sa politique d’asile que dans des « pays tiers sûrs », appliquant les mêmes standards en termes de droits humains. Par ailleurs, aucun pays tiers ne s’est pour l’heure porté candidat : la Tunisie, le Maroc, l’Albanie ou la Macédoine ont fermement décliné.

Qu’espère donc l’Autriche, avec cet « axe » fragile et des idées qui « ne devraient pas être discutées entre des Européens civilisés » comme fut le seul à le relever le ministre luxembourgeois Jean Asselborn, jeudi ? Pousser l’agenda politique européen le plus à droite possible, à 10 mois du scrutin des européennes ? Peut-être. « Quand les premiers alpinistes ont voulu tenter l’ascension de l’Everest sans oxygène, on leur a dit que cela ne marcherait jamais, mais cela a marché », a osé M. Kickl, jeudi, faisant le parallèle avec ses initiatives.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.