C’est un pétrole qui ne pourrait jamais être vendu en Europe mais que certains négociants et pétroliers n’hésitent pas à exporter en Afrique de l’Ouest, profitant de la faiblesse des standards environnementaux sur place. C’est ce que révèle un rapport de la police de l’environnement néerlandaise. Des entreprises pourraient être attaquées pour violation des droits humains.

Un pétrole de moindre qualité, mélangé à des substances chimiques dangereuses, envoyé en Afrique de l’Ouest par des négociants et pétroliers européens. C’est la pratique qu’a mis au jour un très sérieux rapport de l’Inspection pour l’environnement humain et les transports des Pays-Bas. Publié lundi 9 juillet et remis au Parlement, il accuse les négociants d’abuser de la faiblesse des standards environnementaux en vigueur sur place, pour y réaliser des profits substantiels au détriment de la santé de millions d’Africains.
Le contrôle a porté sur 44 tankers pétroliers en route pour l’Afrique de l’Ouest. Il apparaît que la teneur en soufre présente dans le diesel dit de "qualité africaine" atteint jusqu’à 300 fois la limite fixée en Europe. Or le soufre constitue une cause majeure de la pollution de l’air aux particules fines. Dans l’essence, des ingrédients cancérogènes comme le benzène ou l’isoprène ont également été décelés en plus du soufre, ainsi que du manganèse, à hauteur de 30 fois la limite maximale prévalant sur le Vieux Continent.
Scandale environnemental et de santé publique
"La livraison de carburants toxiques à l’Afrique de l’Ouest n’est rien de moins qu’un scandale environnemental et de santé publique, déplore Erik Solheim, à la tête du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). L’idée que certaines parties du monde ne méritent pas la même protection sanitaire que les autres est tout simplement choquante." 
Le rapport d’enquête hollandais pointe une dizaine de géants du courtage pétrolier tels que les suisses Vitol et Gunvor, l’anglo-suisse Glencore ou encore Trafigura, ainsi que leurs filiales chargées des activités aval (raffinage, distribution, commerce). Mais de grandes compagnies pétrolières sont également citées parmi les principaux acteurs de la chaîne comme Total, Shell, BP ou encore ExxonMobil.
"En publiant cette enquête fouillée, les Pays-Bas assument leur responsabilité en tant que centre de production et d’exportation de carburants nocifs. En parallèle, le Point de contact national examine, sur instruction ministérielle, si les firmes impliquées violent les lignes directrices de l’OCDE en matière de respect des droits humains et de l’environnement" réagit Public Eye.
Violation des droits humains 
En septembre 2016, cette ONG avait donné l’alerte avec une enquête menée pendant trois ans sur le rôle de négociants suisses dans la production et l’approvisionnement de carburants toxiques sur le marché ouest-africain. "Si le commerce des carburants toxiques est légal, cette pratique est toutefois illégitime et constitue une violation des droits humains. Les négociants suisses font des profits au détriment de millions de personnes en Afrique, dont le droit à la santé est bafoué" expliquait l’ONG.
La pollution de l’air est déjà un problème majeur dans les villes africaines. Elles figurent parmi les plus polluées au monde, devant l’Asie. Si aucune mesure n’est prise pour réduire la haute teneur en soufre des carburants, la pollution de l’air liée au trafic routier causera, durant l’année 2030, la mort prématurée de 31 000 personnes en Afrique, soit trois fois plus qu’en Europe, aux Etats-Unis et au Japon réunis. Et le nombre de personnes souffrant de maladies cardiovasculaires et de cancers pourrait exploser.  
Les choses commencent toutefois à bouger. La plupart des États d’Afrique de l’Ouest, incités par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), se sont engagés à réduire drastiquement la teneur en soufre autorisée dans le diesel et appliquent peu à peu des standards internationaux.      
Concepcion Alvarez @conce1

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