Une intelligence artificielle pour prédire les interactions médicamenteuses dangereuses

Publié le par Alexandra Bresson

Les patients prenant plusieurs médicaments en même temps sont plus susceptibles d'être exposés à des effets secondaires, souvent découverts par accident. C'est pour éviter ces interactions dangereuses en amont que des chercheurs américains ont conçu un logiciel capable de prédire ce risque.

Lorsqu'il s'agit de prendre des médicaments, il est connu que l'association avec l'alcool est fortement contre-indiquée. Mais il existe aussi un risque d'interaction dangereuse entre deux traitements différents : une situation qui peut provoquer ou majorer des effets indésirables ou entraîner, par réduction de l'activité, une moindre efficacité des molécules. « Pour ces raisons, il est important de signaler les médicaments que l’on prend à son médecin, son pharmacien et son dentiste. Cette précaution vaut également pour les pilules contraceptives, qui sont des médicaments et dont l’efficacité peut être réduite par certains traitements », précise notamment la revue spécialisée Vidal.

C'est pour mieux aider les systèmes de santé dans ce domaine que des chercheurs de Stanford ont élaboré un logiciel pour prédire, et non simplement repérer, les effets secondaires potentiels des combinaisons de médicaments. Ce système, appelé Decagon, pourrait aider les médecins à prendre des décisions sur les médicaments à prescrire mais aussi aider les chercheurs à trouver de meilleures combinaisons de médicaments pour traiter des maladies complexes. Une découverte qui a son importance selon eux, étant donné que les personnes tendent à vivre plus longtemps, à recevoir des traitements pour plus d’une maladie à la fois et à avoir accès à toujours plus d’options thérapeutiques.

Impossible de connaître tous les effets secondaires

Sans compter qu'avec tous les médicaments actuellement sur le marché, « il est pratiquement impossible de tester un nouveau médicament en combinaison avec tous les autres car pour une molécule, il faudrait mener des milliers de tests », explique Marinka Zitnik, principale auteure de l'étude. Une fois disponible pour les médecins sous une forme plus conviviale, cette intelligence artificielle laisserait donc moins de place au hasard dans ce domaine. Par exemple, « pour 5.000 médicaments sur le marché, il y a environ 1.000 effets secondaires connus mais cela représente près de 125 milliards d'effets secondaires possibles entre toutes les paires possibles de médicaments », selon les chercheurs.

Ces derniers ont réalisé qu'ils pouvaient apporter une réponse à cette problématique en étudiant comment les médicaments affectent les cellules du corps humain. Ils ont créé une base de donnée décrivant comment les plus de 19.000 protéines du corps interagissent entre elles et commentdifférents médicaments affectent ces protéines. Ils ont ensuite utilisé les plus de quatre millions d'associations connues entre les médicaments et leurs effets secondaires pour concevoir une méthode qui identifie comment ces derniers se produisent en fonction dont les médicaments ciblent différentes protéines. Une méthode permettant aussi de prédire les conséquences inédites de la prise simultanée de médicaments.

Des prédictions qui font écho aux découvertes scientifiques

Pour savoir si les prédictions du logiciel Decagon étaient véridiques, les chercheurs ont testé plusieurs cas de prescriptions médicamenteuses. Par exemple, peu de document ont déjà recensé une interaction dangereuse liée à une prise simultanée d'atorvastatine, un médicament contre le cholestérol, et de l'amlodipine, un médicament contre la pression artérielle. Celle-ci peut pourtant entraîner une grave inflammation musculaire, comme l'avait indiquée une seule étude de cas datant de 2017. Grâce à cette méthode d'algorithme, les chercheurs ont aussi constaté que sur dix effets secondaires prédits, cinq d'entre eux ont été récemment évoqués dans la littérature scientifique.

Ainsi, toutes les prédictions du logiciel ne se réalisent pas forcément mais l'étude indique que celui-ci est prometteur pour faire office d'outil dédié aux professionnels de santé. « Il était surprenant de constater que les interactions entre différentes protéines puissent aussi bien expliquer les effets secondaires », ajoutent les chercheurs. À l'heure actuelle, Decagon ne considère que les effets secondaires associés à des paires de médicaments mais ses concepteurs espèrent qu'il pourra faire avec des données plus complexes. « Aujourd'hui, les effets secondaires des médicaments sont découverts surtout par accident, notre approche a le potentiel de conduire à des soins plus efficaces et plus sûrs », concluent-ils.

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