Posséder un iPhone est l’indicateur de richesse le plus fiable pour les Américains

Une étude menée par des économistes de l’Université de Chicago s’intéresse à la perception de la richesse à partir des choix de consommation des Américains.
Posséder un iPhone est l’indicateur de richesse le plus fiable pour les Américains

Aux États-Unis, si l’on possède un iPhone, alors on a 69% de chances d’être riche. Telle est en tout cas la conclusion d’une étude publiée en juin dernier par le Bureau national américain de la recherche économique (NBER), un organisme privé à but non lucratif réputé pour ses travaux de recherche. Menée par deux économistes de l’Université de Chicago, cette étude, intitulée en version originale « Coming Apart ? Cultural Distances in the United States over Time », précise que le smartphone d’Apple succède à la moutarde de Dijon et à la sauce soja au palmarès des objets de consommation symbolisant le plus la richesse.

« Ce qui est formidable à propos de ce pays, c’est que l’Amérique a établi une tradition où le consommateur le plus riche achète essentiellement la même chose que le plus pauvre. Lorsque vous voyez du Coca-Cola à la télé, vous savez que le Président boit du Coca, que Liz Taylor boit du Coca, et vous vous dites que vous aussi pouvez boire du Coca. Le Coca, c’est du Coca, et aucune somme d’argent ne peut vous permettre d’obtenir un meilleur Coca que celui du pauvre gars d’à côté. Tous les Coca sont les mêmes et tous les Coca sont bons. Liz Taylor le sait, le Président le sait, le pauvre gars le sait, et vous le savez. »

C’est avec cette savoureuse citation d’Andy Warhol que Marianne Bertrand et Emir Kamenica ont choisi, un peu cyniquement, d’ouvrir leur étude sur l’évaluation des écarts culturels entre différentes catégories de population aux États-Unis entre 1992 et 2016. Leur travail a été mené auprès d’un échantillon de 6 394 personnes représentatif de la population américaine. L’un des multiples champs de l’étude concerne les écarts de perception entre riches et pauvres à partir des habitudes de consommation. Concrètement, en termes de méthologie, cela revient à calculer la probabilité de deviner correctement si une personne fait partie des 25 % d’Américains les plus aisés à partir des produits qu’elle achète.

Bouteilles de Coca-Cola / Crédit : Shutterstock

En 1992, les biens domestiques tels que le lave-vaisselle et le répondeur téléphonique se classaient en tête des produits les plus fiables pour « révéler la richesse » d’un individu. En 2004, les indices arrivant en tête de ce classement étaient, outre le lave-vaisselle, l’ajout de différentes options dans sa voiture (airbags, stéréo, etc.) et la possession d’un ordinateur. Et en 2016, dernière année prise en compte dans l’étude, si l’on retrouve l’indétrônable lave-vaisselle et les options de voitures, on voit apparaître en tête du classement plusieurs objets technologiques.

Tableau des produits et des marques les plus fiables pour indiquer le niveau de richesse d’un individu. / Crédit : le Bureau National des Recherches Économiques

Alors que la moutarde de Dijon de la marque Grey Poupon et la sauce soja Kikkoman étaient les principales marques révélatrices de richesse en 1994 et en 2004, elles ont été détrônées en 2016 par… l’iPhone d’Apple. Mieux encore : la probabilité de deviner correctement si une personne est riche à partir de la marque qu’elle choisit n’a jamais été aussi forte (69 %) depuis 1994. Conclusion des économistes : « Parmi les données récoltées pour chaque année, aucune marque individuelle n’a autant de chance d’être révélatrice d’un revenu élevé que l’iPhone d’Apple en 2016. »

Au classement de cette année 2016, suivent de près la possession d’un téléphone Android et le raccordement au Wi-Fi de Verizon (numéro un des télécommunications aux États-Unis). Notons toutefois que la sauce soja reste un indicateur de richesse aussi fort qu’en 2004, avec 59 % de chances de déduire correctement qu’une personne touche un salaire élevé.

Iphone 5S d’Apple / Crédit : Shutterstock

 L’étude ne repousse pas l’hypothèse selon laquelle l’origine de ces habitudes de consommation serait économique que culturelle  – rares sont ceux qui préfèrent laver leur vaisselle à la main alors qu’ils peuvent s’offrir le confort de laisser cette tâche à une machine. En revanche, le choix d’une sauce peut, lui, plus facilement être une affaire de goût et de culture. Mais qu’en est-il pour un smartphone ? Faut-il le classer plutôt du côté des sauces soja ou des lave-vaisselle ?

En 2016, posséder un iPhone ou un iPad était le signe qu’on figurait parmi les Américains les plus éduqués

Autre conclusion de l’étude : posséder un iPhone ou un iPad est aussi le signe qu’on fait partie des 25% d’Américains ayant bénéficié d’un haut niveau d’éducation (avec respectivement 62,4 % et 60,6 % d’exactitude pour les données de l’année 2016). Onze ans plus tôt, en 2005, les deux symboles les plus révélateurs d’un bon niveau d’éducation  étaient d’être équipé avec Windows XP et de posséder un ordinateur Dell. Et en 1994, les premières places dans cette catégorie revenaient aux caméras Kodak et aux cartes téléphoniques AT&T… devant la moutarde de Dijon et la sauce soja, décidément incontournables.

Sauces Kikkoman / Crédit : Shutterstock

Au final, cette étude parvient à la conclusion que « l’écart culturel » entre Américains riches et pauvres est resté à peu près constant au cours des quatre dernières décennies. Les auteurs de l’étude affirment que leurs résultats vont « à l’encontre de l’idée reçue selon laquelle la société américaine est de pus en plus divisée ». Mais si le temps où les Américains n’avaient accès qu’à une seule chaîne de télévision semble bien lointain, et si chacun peut désormais voguer sur Internet depuis son smartphone (son iPhone ?) en fonction de ses centres d’intérêts, il n’est pas certain qu’à l’avenir nos vies soient si différentes que ça, avancent Marianne Bertrand et Emir Kamenica, non sans une pointe d’ironie : « Peut-être bien que les riches et les pauvres avaient pour habitude de dépenser leur temps différemment les uns des autres, mais dans le futur, chacun ne fera que surveiller son fil d’actualité Facebook toute la journée ».

 

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Image à la Une : Shutterstock

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