Publicité

AfricaTech : ces jeunes entrepreneuses qui s’engagent

De nouvelles figures féminines émergent sur la scène africaine des startups, mise en avant à Viva Technology, fin mai. Forte de leur visibilité, ces entrepreneuses prennent à bras le corps la transformation de leur continent, en défendant des valeurs sociales et environnementales.

12034_1528128058_sans-titre.jpg
Fatoumata Ba, Jasmine Samantar et Vèna Arielle Anhouansou. (Les Echos Start)
Publié le 4 juin 2018 à 18:42Mis à jour le 6 juin 2018 à 10:57

Un entrepreneur sur 4 est une femme en Afrique. Ce chiffre du rapport 2017 du Global Entrepreneurship Monitor en fait le continent le plus dynamique en matière d’entrepreneuriat féminin. Face aux enjeux de développement, un nombre croissant de startups cherchent à concilier rentabilité et retombées sociales positives. Rencontres avec celles qui font l’Afrique de demain.

L’impact social et environnemental comme vocation

“J’ai vu une patiente mourir parce qu’on ne disposait pas de son groupe sanguin assez rapidement pour la transfuser. Le manque d’accessibilité aux informations médicales des patients a un coût humain élevé en Afrique. Pour relever ce défi de santé publique, j’ai opté pour l’entrepreneuriat”, explique Arielle Anhouansou, médecin béninoise de 25 ans qui a lancé Kea Medicals en 2017. Avec 15 employés, sa medtech développe un carnet médical digitalisé via une application, utilisée déjà par 50 000 médecins et patients.

Cette volonté d’impact social ou environnemental grâce au digital et aux nouvelles technologies anime toujours plus les jeunes startuppeurs africains. De nombreux business models se construisent à partir d’une problématique sociale, en particulier d’accessibilité à des services (soins, éducation, énergie, gestion des déchets, etc.). Sur les 560 milliards de dollars levés en 2017 par les startups africaines, près de la moitié (247 milliards) sont dédiés aux jeunes acteurs dans la santé, le service à la personne, l’éducation ou l’énergie hors-réseau.

Publicité

Parmi les pépites africaines, on compte ainsi l’edtech Andela, “l’école 42” nigérienne, qui a levé 40 millions de dollars en 2017, et dans laquelle Mark Zuckerberg a investi à titre personnel 26 millions de dollars un an plus tôt. Ou encore la cleantech Wecyclers qui ramasse à vélos puis recycle les déchets de 15.000 habitants de Lagos, rémunérés par ailleurs pour leur participation à ce service. Fondée par l’entrepreneure sociale Bilikiss Adebiyi, passée par le MIT, la startup a réussi à engager des partenariats avec le gouvernement local mais aussi des grands groupes comme Unilever, Oracle et DHL.

Parmi ces figures féminines, la diaspora africaine est bien représentée. A l’instar de la franco-marocaine Rania Belkahia, nouvelle tête d’affiche de l’e-commerce africain, de plus en plus de jeunes femmes formées à l’étranger mettent à profit leurs compétences sur le continent en montant leur startup. C’est le cas de Jasmine Samantar, américano-somalienne de 25 ans qui a co-fondé Samawat Energy. Sa startup lancée en 2015 distribue des kits d’énergie solaire dans la corne de l’Afrique via le micro-crédit. “Mes études à Sciences Po, à la LSE et mon stage à l’ONU m’ont permis de connaître les enjeux liés à l’énergie durable en Afrique, dont 70% de l’électrification reste à faire. Même sans formation d’ingénieure, je contribue à rendre l’électricité accessible aux régions isolées d’Afrique”, témoigne Jasmine.

Inspirer la relève et miser sur les filles

Si leur réussite respective témoigne d’une évolution de la scène entrepreneuriale africaine, ces femmes se mobilisent pour ne pas rester des exceptions consolantes dans un univers tech très masculin comme ailleurs. “L'accès à l'éducation en général pour les jeunes filles, l'accès aux opportunités d'emploi à compétences équivalentes et l'accès au capital sont autant de barrières à l’arrivée plus massive sur la scène startup de jeunes entrepreneuses” rappelle la sénégalaise Fatoumata Ba, ancienne CEO de Jumia Côte d’Ivoire, qui a fait de l’accès aux financements une priorité. C’est dans cette perspective que cette sénégalaise de 32 ans a monté en janvier dernier son startup studio Janngo, à la fois incubateur et investisseur dans le digital.

Car la tech est une promesse d’émancipation pour les jeunes africaines. “C’est grâce à l’ordinateur de travail de mon père et par internet que j’ai eu accès à l’information, à l’orientation et à ma bourse pour étudier en France”, explique Fatoumata Ba. Au-delà de la thématique cruciale de l’alphabétisation des femmes, les startuppeuses prônent une éducation axée sur les sciences, la technologie et l’expérimentation pour donner aux jeunes filles les moyens d’innover. Et elles ne se contentent pas de recommandations. “En collaboration avec le ministère somalien des femmes, nous avons réussi à envoyer quatre de nos salariées en Inde pour qu’elles suivent un cursus d'ingénierie photovoltaïque” raconte Jasmine Samantar de Samawat Energy.

Les premières barrières à l’autonomisation des jeunes femmes sont aussi psychologiques. “Les jeunes filles doivent pouvoir s’identifier à des modèles de réussite pour éveiller des vocations. Des itinéraires comme celui d’Evelyn Tall-Daouda (ex-numéro 2 d’EcoBank) ont été très inspirants pour moi”, témoigne Fatoumata Ba.

Offrir de la visibilité aux managers et entrepreneures accomplies et inspirer les étoiles montantes grâce au mentorat, c’est l’objectif du forum annuel Women in Africa (WiA) qui se tiendra en septembre à Marrakech. Créée en 2017, le WiA vise à promouvoir les femmes africaines dans l’économie continentale mais aussi mondiale. Avec un argument ultime : une entreprise affiche 34% de rendement supérieur lorsque des femmes occupent des postes de direction, selon une étude conjointe du WiA et de Roland Berger.

Paul Marion

Publicité