Les masques antipollution sont inefficaces

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) ne recommande pas les masques antipollution portés par les cyclistes pour lutter contre les particules fines.

 Selon un rapport de l’Anses, les dispositifs antipollution, comme ceux que portent les cyclistes, sont inefficaces.
Selon un rapport de l’Anses, les dispositifs antipollution, comme ceux que portent les cyclistes, sont inefficaces. LP/Delphine Goldsztejn

    Avec les beaux jours, les biclous ressortent des garages à vélo que ce soit pour aller au boulot ou pour découvrir Bordeaux (Gironde), Tours (Indre-et-Loire) ou Nantes (Loire-Atlantique) à un rythme de vacancier. Ne reste plus qu'à supporter la pollution. Alors les cyclistes rivalisent d'imagination : foulards, protections de chirurgien du côté des astuces maison; masque antipollution, filtres à se glisser dans le nez ou même sprays aux huiles essentielles à acheter dans le commerce.

    L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) publie, ce mercredi, un rapport sur ces dispositifs. « Nous ne recommandons pas le port de ces protections », résume Guillaume Boulanger, en charge des risques liés à l'air et responsable de cette étude.

    Ce sont les ministères de la Santé et du Travail qui ont réclamé cette étude. Ils étaient sollicités par des cyclistes et par des professionnels très exposés à la pollution, comme les éboueurs ou des expatriés en Chine et en Inde qui demandent régulièrement si les masques antipollution servent à quelque chose.

    Des solutions « exotiques et franchement aberrantes »

    Sachez d'abord que les solutions type masques de chirurgiens n'ont qu'une utilité : éviter d'envoyer ses postillons et ses miasmes à ses voisins. Elles ne protègent pas de la pollution extérieure. Guillaume Boulanger écarte d'un revers de main les « solutions exotiques et franchement aberrantes », comme les filtres intranasaux, en fait des capsules à se glisser dans les narines censées bloquer les polluants. « Mais il suffit d'ouvrir la bouche pour avaler toutes les saletés », pointe l'expert.

    Quant aux masques, qui couvrent le nez et la bouche, la grande majorité des solutions vendues pour traverser les nuages de gaz d'échappements, ils peuvent être « efficaces pour bloquer les particules fines, mais quid des autres gaz polluants : azote, dioxyde, benzène », note Guillaume Boulanger.

    Il faut être rasé de près

    Autre problème, ils sont testés en laboratoire sur des mannequins où sur des individus formés à l'application de ces dispositifs, très loin des conditions réelles. Les chercheurs ont ainsi constaté qu'en ville les cyclistes ne lisent jamais la notice qui n'est d'ailleurs pas toujours traduite en français.

    Qui sait qu'il faut être rasé de près avant d'enfiler ce type de protection antipollution ? « Le moindre poil qui dépasse empêche que le masque soit étanche… et l'air pollué passe à l'intérieur », explique l'expert. De même, le port de bonnet en hiver qui distend les élastiques peut nuire à l'efficacité du système.

    Faux sentiment de sécurité

    Certains fabricants défendent leurs masques, et estiment qu'ils ont tenu compte de ces éléments lorsqu'ils les ont élaborés. « C'est après les mêmes études de marché que nous avons créé nos produits avec des attaches supérieures et inférieures qui plaquent le masque sur le visage de l'utilisateur », se justifie Matthieu Lecuyer fondateur de la start-up R-pur qui vend des solutions antipollution sur Internet.

    Ses masques certifiés FFP3 (le plus haut niveau de protection) ne seront en magasin qu'en septembre. « L'Anses n'a pas pu tester notre innovation », pointe le jeune homme.

    Ce qui inquiète surtout l'Anses c'est que « le port d'un masque peut donner un faux sentiment de protection », selon les mots de Guillaume Boulanger. Les cyclistes équipés se sentent ainsi « autoriser » à pédaler au milieu des pots d'échappement des boulevards les plus fréquentés, alors que c'est précisément ce qu'il faut éviter.

    Des itinéraires bis air pur

    Une consigne à suivre, d'autant plus en cette période. Trafic routier + soleil, avec ce cocktail classique de l'été, on attend notamment des pics de pollutions. « Sous l'effet du rayonnement du soleil, se forment des polluants comme l'ozone, qui a des propriétés lacrymogènes. Avec la fin du Mistral, on risque de mauvaises surprises à Avignon ce week-end », prévient, par exemple, Dominique Robin d'AtmoSud, qui surveille la qualité de l'air en Provence-Alpes-Côte d'Azur.

    Que faire pour se protéger des gaz irritants ou des particules fines ? « La réponse est simple, commence Olivier Schneider président de la FUB, fédération des usagers de bicyclettes. On conseille de rouler dans des petites rues les moins fréquentées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous opposons aux voies vélo partagées avec les bus. Il suffit de s'écarter d'un mètre latéralement pour respirer mieux. »

    La pollution est en fait un phénomène très local. Alors préférer des itinéraires bis air pur. Les concentrations sont plus élevées à proximité du trafic routier (deux fois plus élevées pour le dioxyde d'azote).

    En Île-de-France, une solution existe pour les adeptes de la marche ou du coup de pédale qui veulent éviter les polluants. L'appli Airparif Itiner'AIR en indiquant sur les cartes la qualité de l'air en temps réel, à la rue près, permet de choisir son trajet en fonction des concentrations des polluants principaux : le dioxyde d'azote, les particules et l'ozone. On peut choisir le mode piéton, vélo ou running.