Besançon Empoisonnements : ’’Je me dis que j’ai été victime d’un serial killer’’ témoigne Claudine

Claudine Sauzay a récemment appris que son cas retenait l’attention des enquêteurs chargés de la retentissante affaire des empoisonnements à la Polyclinique et à Saint-Vincent. Elle oscille entre « horreur » et « soulagement ».
Willy GRAFF - 18 juil. 2018 à 05:10 | mis à jour le 27 sept. 2022 à 17:54 - Temps de lecture :
Le problème cardiaque de Claudine, très suspect, intéresse fortement les enquêteurs chargés du lourd dossier des empoisonnements.  Photo Willy GRAFF
Le problème cardiaque de Claudine, très suspect, intéresse fortement les enquêteurs chargés du lourd dossier des empoisonnements. Photo Willy GRAFF

Elle peine encore à y croire. Au printemps dernier, la vie de Claudine Sauzay, 69 ans, a basculé « en plein polar ». Alertée par un professionnel de santé sur un possible empoisonnement dont elle aurait été la cible, puis conseillée par sa belle-fille avocate, cette Haut-Saônoise remplit alors en quelques clics une pré-plainte sur internet. Il n’a fallu qu’une heure pour que les enquêteurs en charge de « l’affaire Péchier » - du nom de l’anesthésiste suspecté - la contactent par téléphone pour convenir d’un rendez-vous.

« J’ai eu un accident, en mars 2012, à la clinique Saint-Vincent. Mon anesthésie devait durer 15 minutes, je me suis réveillée trois jours après en réa médicale. Je m’en sors bien car je suis costaud, mais je ne devrais pas être là. Mon cardiologue de l’époque m’avait dit “Madame, on va appeler un chat, un chat : vous étiez morte’’». Claudine a été victime d’un syndrome rarissime, un tako-tsubo, qui correspond à une déformation fulgurante du cœur.

« Depuis mars 2012, j’ai vécu dans la trouille que mon cœur dysfonctionne »

« Le corps médical m’avait expliqué que c’était dû au stress. Ça m’avait surprise car je n’étais pas du tout stressée. » La sexagénaire a récemment appris qu’une surdose de potassium pouvait - théoriquement - engendrer un tako-tsubo. C’est justement ce produit qui, selon le parquet de Besançon, pouvait être injecté dans les poches de solutés pour provoquer des arrêts cardiaques.

« Depuis mars 2012, j’ai vécu dans la trouille que mon cœur dysfonctionne à nouveau. Je me sentais impuissante », confie Claudine. L’annonce de la mise en examen du Dr  Péchier, anesthésiste à Saint-Vincent, ne lui avait, bien sûr, pas échappé. « Tous mes amis me disaient que j’avais été empoisonnée, mais je refusais de le croire car mon problème cardiaque n’était pas survenu au réveil, mais au tout début de l’anesthésie… Jusqu’à ce qu’on m’explique que c’était possible. »

« Je me dis que j’ai été victime d’un serial killer »

Le choc ressenti par l’annonce des policiers est ambivalent : « C’était à la fois l’horreur à entendre et un soulagement, car je pouvais me faire réopérer sans risque ». Le 4 juin dernier, Claudine a été endormie et opérée avec succès au CHRU Minjoz pour une côte cassée.

Son cas sera-t-il reversé à l’information judiciaire ouverte, depuis mars 2017, pour « empoisonnements avec préméditation » ? Il convient à ce stade de rester prudent. Cette habitante d’un petit village proche de Rioz avance étape par étape : « Je viens de récupérer mes dossiers médicaux, je vais les remettre à la police ». Elle ne prendra un avocat que si son nom rejoint ceux des sept victimes d’ores et déjà identifiées.

Claudine ne mâche pourtant pas ses mots : « Je me dis que j’ai été victime d’un serial killer. C’est machiavélique. Dans le milieu médical, beaucoup pensent que le Dr  Péchier est coupable et j’en suis également persuadée. Il est intervenu suite à mon arrêt cardiaque, son nom figure dans mon dossier de la clinique Saint-Vincent. On verra. Si c’est lui, c’est un malade pervers. » Ce qu’elle souhaite désormais ? « L’argent du dédommagement, je m’en fiche. Dans dix ans, je ne serai peut-être plus là. Ce que je veux, c’est qu’on trouve le coupable avec certitude et que justice soit rendue. »

Une enquête à double-fond

Les investigations menées dans le cadre de cette affaire des empoisonnements bisontins sont longues et complexes. Le 6 mars 2017, une information judiciaire a été ouverte avec un unique suspect, le Dr  Péchier, aussitôt mis en examen. Sept cas survenus entre 2008 et 2017 - dont deux mortels - ont été formellement retenus et font l’objet d’une minutieuse instruction.

En parallèle, le parquet de Besançon supervise une enquête de police portant sur une quarantaine d’autres événements indésirables graves (EIG), dont la moitié mortels, qui sont jugés suspects. Le cas de Claudine Sauzay fait partie de ce second groupe. La procureure de la République de Besançon espère que cette enquête préliminaire sera achevée d’ici la fin d’année. On saura alors combien de cas seront reversés à l’information judiciaire en cours. De sept victimes présumées, on pourrait alors passer à huit, à neuf, à dix, à douze, à quinze… Voire même à davantage ?