Ils ont troqué les quais de Seine contre ceux de la Tamise. Au Petit Palais, une expo raconte la parenthèse londonienne de peintres à la fin du XIXe siècle.
Publié le 18 juillet 2018 à 15h00
Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h19
L‘histoire est méconnue : en l’espace de quelques mois, fuyant l’absence de commandes due à la guerre franco-prussienne déclarée en juillet 1870, l’avancée des troupes ennemies et le terrible siège de Paris, qui s’éternise jusqu’à l’armistice du 26 février 1871, une vague de peintres et de sculpteurs français décide de fuir pour s’installer dans la capitale britannique…
En septembre 1870, c’est au milieu d’un flot de réfugiés affolés que Claude Monet, âgé de 30 ans, et sans clientèle, embarque au Havre avec sa femme et son fils de 3 ans, suivi de peu par le paysagiste Charles-François Daubigny, inspiré par l’école de Barbizon (très appréciée des Anglais), l’impressionniste Camille Pissarro, le sculpteur néobaroque Jean-Baptiste Carpeaux et le marchand Paul Durand-Ruel, qui ouvre aussitôt une galerie sur New Bond Street. Arrivés sur la Tamise, ils pénètrent dans l’épaisse fumée grise émise par les bateaux à vapeur et les usines du premier centre industriel d’Europe. Le mélange d’eau et de brouillard fait de l’œil aux impressionnistes, tandis que les réalistes apprécient la diversité sociale des rues animées…
En mai 1871, l’écrasement de la Commune laisse Paris jonché de ruines fumantes ainsi que vingt mille victimes civiles, et ouvre la voie à une seconde vague d’exilés. Trois mille cinq cents insurgés, dont le sculpteur Jules Dalou, obtiennent l’asile à Londres. En pleine croissance économique, la ville offre la possibilité de vendre des toiles, l’absence de contrôle douanier, l’indépendance de la presse et la présence rassurante d’une communauté française installée là depuis le coup d’Etat de Napoléon III, en 1852.
Avec ses savoureux tableaux mondains alliant réalisme lisse et compositions malicieuses, peuplées de robes froufroutantes, l’exilé nantais James Tissot (né Jacques-Joseph) séduit la Royal Academy. Son ami italien De Nittis, qui résidait à Paris depuis 1867, capte l’atmosphère vivante de Trafalgar Square, Piccadilly et Westminster, saisissant bourgeois en haut-de-forme, femmes à ombrelle, mendiants, dockers et hommes-sandwichs. S’il y découvre Turner et les vues nocturnes de la Tamise par Whistler, Monet ne vend rien et regagne la France bredouille à l’automne 1871, rejoignant Pissarro, qui s’est réinstallé en juin dans sa maison de Louveciennes, saccagée par les Prussiens. Quant au sculpteur Carpeaux, il rentre, ruiné, en 1875.
Dans le sillage de Pissarro, qui retourne dans la capitale britannique en 1890, pour peindre notamment les jardins de Kew et une vue du pont de Charing Cross, déjà immortalisé par Sisley, Monet, désormais célèbre, séjourne à l’hôtel Savoy en 1899-1904 pour réaliser sa fameuse série de vues du Parlement londonien, diluant les variations de lumière et d’atmosphère en un nuage de miettes pâles… En écho à ces toiles, le fauve André Derain se rend à Londres en 1906 pour peindre des toiles explosives, mêlant touches et aplats bleu électrique, jaune citron et orange vif.
Septembre 1870 Paris est assiégée. Première vague d’exil.
Mai 1871 Semaine sanglante et défaite des Communards.
Eté-automne 1871 Retour à Paris de Pissarro et Monet.
Années 1890 Pissarro et Monet reviennent séjourner à Londres.
Hiver 1906 Derain peint une série de vues sur la Tamise.
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