Cosm'éthique : les progrès green des marques de beauté qu'on salue

Par Marie-Françoise Dubillon
initiatives écologie environnement marques
Depuis quelques années de nombreuses marques cosmétiques se veulent éco-responsables. Démarche marketing ou véritable volonté écologique ? Décryptage de cette nouvelle "green attitude" qui s'installe progressivement.

Il y a quelques mois la Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA) a listé les bonnes pratiques de leurs adhérents. Nous en avons retenu quelques-unes, certaines indispensables, d’autres plus inattendues, mais toutes particulièrement précieuses pour notre environnement.

Elles favorisent l’utilisation durable des ressources et aident les populations locales

Pourquoi ? Les ressources naturelles disponibles sont limitées et la préservation de la biodiversité doit être une préoccupation majeure. En même temps, il est indispensable d’aider les populations locales pour éviter la désertification ou la disparition des cultures.

Quelques exemples : L’Occitane a été la première marque à développer un programme de plantation d’immortelles à grande échelle pour préserver l’immortelle sauvage. Elle a aussi développé une filière équitable pour acheter plusieurs dizaines de tonnes de karité à des coopératives de femmes du Burkina Faso. Le beurre est acheté à un prix deux fois supérieur à celui du beurre conventionnel.

En Bolivie, le Groupe L’Oréal achète du son de quinoa, auparavant considéré comme résidu, mais qui contient des saponines et des polyphénols, précieux en cosmétique. En soutenant cette production durable le groupe favorise la formation des fermiers locaux aux bonnes pratiques agricoles, lutte contre l’érosion de sols par la plantation de légumineuses, arbustes et herbacées.

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Guerlain développe l’ethnobotanique et tout le groupe a mis en place plusieurs filières durables, autour du vétiver en Inde, de la lavande en France et du santal en Asie. Il a aussi signé un partenariat durable (pour dix ans) avec une réserve chinoise où près de 10 000 orchidées ont été replantées depuis 2009.

À Madagascar, Clarins reverse 5% du prix de vente du katafray, de la centella et de l’ambiaty, indispensables à ses produits de soin et aux partenaires locaux afin de financer écoles, puits, ou forages dans la zone collectée.

Garnier, chez qui 79 produits contiennent de l’huile d’argan, on soutient des communautés de femmes qui ramassent les noix et les transforment en huile dans la région d’Agadir. Ainsi, 560 femmes de six coopératives ont accès à l’indépendance financière, à des soins médicaux dans leur village, à des cours d’alphabétisation et des solutions de garde pour leurs enfants.

Omoyé fait partie du Fond de Dotation pour la Biodiversité qui lutte contre la désertification du Ferlo, au Sénégal, et la disparition d’espèces menacées, dont le baobab, appelé "arbre du pharmacien" en Afrique. À chaque soin vendu, 1 euro est reversé au fond pour contribuer au maintien de l’écosystème du Ferlo.

Elles privilégient les ingrédients locaux et valorisent leurs récoltes

Pourquoi ? Prélever les ingrédients à proximité du lieu de production permet de réduire l’empreinte carbone du produit final. Cela nécessite moins de transport et valorise l’économie locale.

Quelques exemples : le Groupe Rocher cultive 55 hectares en Agriculture Biologique afin de produire douze tonnes de plantes pour les besoins de la marque. Neuf extraits sont fabriqués à partir des sept plantes emblématiques cultivées sur place.

Clarins a son propre jardin de plantes médicinales dans les Alpes. Pierre Fabre consacre 200 hectares de terres agricoles bio dans le Tarn pour ses produits. Mais des marques, peut être moins médiatisées, ne sont pas en reste.

Phytomer utilise essentiellement des actifs cosmétiques fabriqués à partir d'ingrédients d’origine naturelle. Ainsi, 80% du sourcing de la marque est local grâce à un réseau de partenaire : cultivateurs, starts up… Les algues les plus rares et les plus fragiles sont cultivées sur corde, en pleine mer ou en laboratoire. Le Groupe Panther (Institut Arnaud, Pacoma, Cottage...) privilégie quant à lui des ingrédients d’origine biologique. Il fait appel à des fournisseurs qui procèdent à la culture in vitro d’actifs cosmétiques afin de minimiser le prélèvement des ressources dans leur milieu naturel. 

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Elles réduisent le nombre d’ingrédients et concentrent les formules

Pourquoi ? La réduction du nombre d’ingrédients dans une formule est important pour leur éco-conception (et pour la peau aussi car cela diminue le risque d’intolérances !) Pourtant les scientifiques se heurtent à bien des contraintes : promesses de produits multifonctions, (anti-âge, anti-taches, anti-imperfections…), et difficultés de la conservation des formules liées à la suppression des parabènes, entre autres.

Quelques exemples : plusieurs marques ont relevé le challenge comme Chanel et sa Solution 10, riche de seulement 10 ingrédients. Pour Biolage et sa gamme "RAW", Matrix a développé une liste d’ingrédients très resserrée sans sulfates ni silicones ni parabènes. Certaines références affichent même 100% d’ingrédients naturels.

Quant aux Laboratoires Dermatologiques A-Derma et Avène, ils garantissent des produits contenant un minimum d’ingrédients utiles pour la peau avec une stérilisation tout au long de la fabrication et un packaging parfaitement hermétique. La marque Cha Ling L’esprit du Thé, développée avec la Recherche LVMH, respecte une charte drastique qui stipule d’utiliser très peu d’ingrédients, la plupart issus de matières naturelles et rigoureusement tracés.

Enfin chez Yves Rocher, on a mis au point une nouvelle formule de gel douche ultra concentré : 100ml permettent 40 utilisations, soit l’équivalent d’un bidon de 400ml ! Le flacon, plus petit, permet de réduire de moitié le plastique de l’emballage, d’où une moindre libération de gaz à effet de serre.

Elles ont recours à la Chimie Verte

Pourquoi ? La Chimie Verte a pour objectif de créer des matériaux ayant un impact minimum sur l’environnement et la santé. Elle préconise l’utilisation de ressources renouvelables et des procédés économes en énergie.

Quelques exemples : Eclaé pratique, pour s’approvisionner en extrait de l’algue Dunaliella Salina, une méthode douce d’extraction par macération. Le Groupe L’Occitane limite le gaspillage énergétique en utilisant des procédés à froid pour certains produits comme les gels douche, shampooings, ou la lotion tonique.

Les Laboratoires Expanscience (Mustela) et Pierre Fabre extraient des molécules spécifiques des plantes sans utilisation de solvants nocifs. Pour fabriquer ses actifs marins, Phytomer utilise des procédés innovants sans aucun solvants chimiques : extraction aqueuse, enzymatique ou encore au C02 supercritique. Cette technique utilisée aussi par le Groupe Panther permet d’isoler et de prélever une ou plusieurs molécules, tout en respectant leur intégrité grâce aux faibles températures utilisées (entre 40° et 60°).

Elles favorisent la biodégradabilité des ingrédients dans les produits que nous rinçons 

Pourquoi ? La biodégradabilité d’une substance est sa capacité à se dégrader en micro-organismes (champignons, levures, bactéries, algues).

Quelques exemples : chez L’Oréal, les nouveaux shampooings Kérastase "Aura Botanica" ont un taux de biodégradabilité de plus de 98%, tout comme les shampooings et après-shampoing Biolage "R.A.W", le shampooing Garnier "Ultra doux" aux Cinq Plantes, ou encore l’Huile Précieuse Absolue de Lancôme.

Chez Ducray, 95% des formules de shampooing le sont aussi sans perte d’efficacité. Cette biodégradabilité est aussi bonne pour nos océans et de nombreuses marques s’attachent aujourd’hui à les protéger : Ren vient de créer un nouveau flacon 100% recyclé, dont 20% provient de flacons récoltés dans les océans. Chez Avène, les solaires ne contiennent que quatre filtres, non hydrosolubles, et sans silicone. 

inusuke / iStock

Elles utilisent des matériaux recyclables ou recyclés

Pourquoi ? Les emballages partent en général rapidement à la poubelle. Pourtant ils sont utiles et permettent de protéger les produits mais aussi de mieux se faire repérer sur les étagères : c’est une identité de marque. Aujourd’hui les entreprises éco-responsables choisissent donc des matières premières recyclées ou recyclables.

Quelques exemples : les emballages des produits L’Occitane sont composés de plus de 20% de matériaux recyclés ou renouvelables. 63% des matériaux chez Clarins, 74% chez Thierry Mugler, et 83% chez Azzaro sont recyclables.

Elles réduisent le poids et la taille des emballages

Pourquoi ? Les marques ont à cœur de proposer aux consommateurs des produits tendance, c’est à dire nomade, aux formats allégés. Mais elles optimisent en même temps la quantité de produits par palettes pour chaque transport (d’où des frais moindre).

Quelques exemples : Guerlain a déjà économisé 35 tonnes de carton par an en réduisant la taille de ses coffrets parfums de 15%. Les flacons Abeille se remplissent à l’infini et le poids du pot de la Crème Orchidée Impériale a été réduit de 40% sans toucher à la contenance du produit. Les déodorants Compressé de Unilever sont deux fois plus petits que les classiques et contiennent deux fois moins de gaz pour le même nombre d’utilisations.

Chez Clarins et Nuxe les pots de crèmes ont été allégés. Lush, dont 40% des produits sont déjà vendus "nus", à ouvert le 1er juin 2018 à Milan un magasin dans lequel tous les produits sont vendus sans aucun emballage.

Elles proposent des recharges de produit

Pourquoi ? Les contenants de ces produits ont l’avantage de pouvoir être utilisés plusieurs fois, ce qui compense un prix souvent un peu plus élevé à l’achat. Ils s‘invitent donc dans la démarche éco-responsable, mais à condition d’être renouvelé trois ou quatre fois.

Quelques exemples : les fontaines à parfum de Mugler, les soins My Blend rechargeables à l’infini, la bouteille rechargeable Kérastase "Fusio Dose" (une bouteille multi-doses remplace vingt mono-doses). Chez Dior, 80% des sérums et des crèmes sont aujourd’hui rechargeables et c’est encore le cas pour du fameux" Cushion Dream Skin Perfect Skin".

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Elles maitrisent la consommation d’énergie et d’eau

Pourquoi ? La maitrise de ces consommations sur les sites industriels est indispensable tant les installations classiques sont gourmandes en électricité et peuvent facilement gaspiller l’eau potable.

Quelques exemples : les nouvelles installations des laboratoires Expanscience à Epernon ont permis d’économiser 10.000 M3 d’eau par an. Résultat : des coûts de production réduits. Chez Yves Rocher, en Bretagne, on utilise des fours à bois et les 950 salariés en profitent ! Melvita a inauguré une nouvelle "éco-usine" : citernes récupérant les eaux de pluie, toiture végétalisée avec puits de lumière pour économiser l’électricité, panneaux solaires modulables…

Chez Sisley, à Saint Ouen l’Aumône le site est équipé d’une toiture photovoltaïque qui couvre 100% des besoins électriques des bureaux. Phytomer a installé des compresseurs à variateurs de vitesse et des échangeurs de chaleur. Toute l’énergie provient de sources renouvelables : éolienne, solaires isothermiques marines et hydroélectriques.

Le Groupe L'Oréal s’est engagé à réduire de 60% sa consommation d'eau en 2020 par rapport à 2005 pour chaque produit fini. Elle utilise ainsi la réutilisation de l’eau sur les sites de production, comme chez Dop, à Rambouillet : les eaux de rinçage des équipements sont recyclées en interne dans la station d’épuration, puis réutilisées lors du nettoyage des cuves de fabrication.

Elles gèrent mieux les déchets

La plupart des entreprises gèrent les rejets aquatiques, le plus souvent grâce à des bassins de traitement des eaux sales.

Quelques exemples : le groupe L'Oréal traite les effluents sur ses sites à la sortie des stations d’épuration pour en extraire une eau de très haute qualité réutilisée pour le lavage des outils de production ou pour le refroidissement des cuves. Chez Yves Rocher, les boues sorties des stations d’épuration sont compostées.

Phytomer a installé un jardin filtrant qui utilise les capacités naturelles de certaines plantes à épurer les déchets industriels. Mieux encore : ces zones humides constituent des refuges naturels pour les plantes et les animaux. De nombreuses espèces fragilisées par l’urbanisation des sols voisins y trouvent un refuge et un habitat parfaitement adapté.

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