Des migrants interceptés par les garde-côtes libyens sont renvoyés en Libye, le 29 juin 2018. Crédit : Reuters
Des migrants interceptés par les garde-côtes libyens sont renvoyés en Libye, le 29 juin 2018. Crédit : Reuters

Sur décision européenne, les garde-côtes libyens sont désormais responsables de la gestion des secours des migrants au large des côtes libyennes. Jusque-là, la zone de recherche et de sauvetage en Méditerranée était contrôlée par les autorités italiennes. Une aberration pour les navires humanitaires qui refusent de ramener les migrants secourus dans des ports libyens.

Depuis le 28 juin, la gestion des secours des migrants en mer Méditerranée dépend des autorités libyennes et non plus de l'Italie. Concrètement, cela signifie que les opérations de sauvetage menées dans la "SAR zone" - zone de recherche et de sauvetage au large de la Libye - sont désormais coordonnées par les Libyens, depuis Tripoli. Ce sont eux qui auront toute autorité : ils pourront par exemple refuser en toute légalité qu’un navire humanitaire (comme l’Aquarius, l’Open Arms…) s’approche d’une embarcation en danger.

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Pour les ONG, la nouvelle est un choc. La récente réglementation permet aux garde-côtes libyens de ramener en Libye toutes les embarcations interceptées en mer. Les migrants qui prennent la mer ont donc de moins en moins de chances d’atteindre les côtes européennes. "Etre ramené dans un port libyen est un risque [pour les migrants] qui n’a jamais été aussi élevé", s’inquiète Francis Vallat, président de SOS Méditerranée en France, interrogé par InfoMigrants.

"Hors de question de ramener les migrants en Libye"

Avant cette date, les navires humanitaires contactaient, avant chaque intervention, le MRCC (Centre de coordination des secours maritimes sous autorité du ministère des transports italien) de Rome pour l’informer de la situation et demander un feu vert pour lancer une opération de sauvetage. Les ONG ne prenaient aucune initiative sans l’aval des autorités italiennes. En théorie, ces mêmes navires humanitaires ne pourront donc pas se lancer dans un sauvetage sans l’aval des Libyens.

"Nous sommes très inquiets. Nous avons déjà vu à l’œuvre les garde-côtes libyens qui ont un comportement erratique voire dangereux. Quand ils interviennent, nous ne pouvons pas parler de ‘sauvetages’ de migrants", explique encore le président de SOS Méditerranée en France. Selon lui, certains garde-côtes libyens sont même impliqués dans des trafics de corruption. "Pour certains d’entre eux, il est important d’entretenir le business [des migrants]", affirme-t-il.

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Tripoli décide aussi du port de débarquement. Or les associations refusent catégoriquement que les migrants soient pris en charge par la Libye et ramenés dans un port libyen. "Il est absolument inenvisageable de débarquer des migrants en Libye. C’est notre ligne rouge absolue. Il est hors de question de ramener des migrants dans l’enfer qu’ils viennent de quitter", soutient Francis Vallat.

Les navires humanitaires vont-ils encore pouvoir secourir les migrants en Méditerranée ?

"On ne cessera jamais notre mission", insiste Francis Vallat. "Il n’est pas question que l’on renonce. Nous ne sommes pas dans l’illégalité [quand nous portons secours aux migrants]. L’Aquarius ne l’a jamais été".

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Les associations mettent en avant le droit maritime international selon lequel toute personne secourue en mer doit être secourue et ramenée dans les meilleurs délais vers le "port sûr" le plus proche. À leurs yeux, la Libye ne dispose d’aucun "port sûr".

Les ONG vont-elles désobéir aux ordres de Tripoli ?

Pour l’heure, peu de réponses. Aucun navire humanitaire n’a, pour le moment, été confronté à cette situation.

Si les ONG mènent une opération de sauvetage et refusent de rentrer dans un port libyen, où aller ? Là encore, pas de réponse. SOS Méditerranée dit réfléchir à plusieurs options, sans en dire davantage. "S’il faut faire des trajets plus longs [vers d’autres ports], nous le ferons", se contente de déclarer Francis Vallat.

Qu’est-ce que la "SAR zone", la zone de recherche et de sauvetage des migrants ?

Cette zone maritime est définie en fonction de plusieurs critères : les endroits où il y a eu le plus grand nombre de victimes par le passé, et les lieux où se sont déroulés les précédents sauvetages (souvent concordants).

 

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