Les Bleus, une «équipe africaine» ? Les chiffres qui démontent les clichés

Formation, lieu de naissance... Les joueurs de l’équipe de France sont des purs produits du football français.

 Des critiques s'élèvent contre l'équipe de France depuis sa victoire, dimanche, en finale de Coupe du monde.
Des critiques s'élèvent contre l'équipe de France depuis sa victoire, dimanche, en finale de Coupe du monde. LP/Arnaud Journois

    Des « champions africains mêlés à de très bons joueurs blancs ». C'est avec ces mots que le Corriere Della Sera, le quotidien le plus diffusé en Italie, décrivait l'équipe de France, dimanche, avant la finale de la Coupe du monde contre la Croatie. Une allusion à la diversité des pays d'origine des Bleus qui en annonçait bien d'autres à venir.

    Car ce sujet a nourri plusieurs polémiques cette semaine, depuis la victoire des Bleus face à la Croatie. Du président vénézuélien, Nicolas Maduro, estimant que « c'est l'Afrique qui a gagné » le Mondial russe, à l'humoriste américain Trevor Noah, pour qui « l'équipe de France est l'équipe de substitution du continent africain ». Sans oublier le plaidoyer de Barack Obama (« Ils sont français ! Ils sont français ! ») ou encore la mise au point de Benjamin Mendy sur Twitter.

    Ces accusations, auxquelles s'ajoute parfois une couche de racisme, notamment sur les réseaux sociaux, reposent en partie sur le métissage de l'équipe de France, où l'on compte des origines diverses et sept joueurs à la double nationalité. Il serait pourtant erroné de croire que l'effectif des Bleus compte plus de joueurs nés ailleurs que ses adversaires de la Coupe du monde.

    En analysant les données de l'Observatoire du football CIES, on se rend ainsi rapidement compte que l'équipe de France recense dans ses rangs deux joueurs nés à l'étranger : Samuel Umtiti, né à Yaoundé, au Cameroun, et Steve Mandanda, né en République démocratique du Congo.

    Autant qu'en 1986 ou 1998

    Deux joueurs nés à l'étranger, c'est par exemple moins que la sélection espagnole (trois), la Croatie (trois) ou la Serbie (quatre). Et beaucoup moins que le Portugal (sept), la Suisse (sept) ou surtout le Maroc (19), champion des joueurs nés ailleurs. C'est aussi autant qu'en 1986 (Luis Fernandez a vu le jour en Espagne et Jean Tigana au Mali) ou qu'en 1998 (Marcel Dessailly est né Ghana et Patrick Vieira au Sénégal).

    L'intégralité des joueurs de l'équipe de France a par ailleurs effectué sa formation en France, à l'exception de deux joueurs : Antoine Griezmann, parti tôt à la Real Sociedad, en Espagne, et Lucas Hernandez, formé, lui, à l'Atlético de Madrid. Deux joueurs que l'on peut dire plutôt épargnés par les questions autour de la nationalité des Bleus...

    Ce bilan de 21 joueurs sur 23 formés en France constitue un meilleur ratio qu'au Portugal (20) et surtout que dans la plupart des équipes africaines : trois joueurs seulement du Maroc y ont été formés, contre 13 au Sénégal, 13 en Tunisie ou encore 16 au Nigéria.

    La formation française sur-représentée

    Comme nous le remarquions avant le lancement du Mondial, la formation française a même été largement à l'honneur en Russie. En tout, cinquante joueurs nés en France étaient présents dans le tournoi. On en trouvait ainsi neuf en Tunisie, huit au Maroc et autant au Sénégal. Ce chiffre plaçait la France comme le pays de naissance le plus représenté de la compétition, loin devant le Brésil (28 joueurs) ou l'Allemagne (25).

    Plutôt que des joueurs venus de l'étranger pour intégrer l'équipe de France, on a donc plutôt assisté à un vivier de joueurs nés et formés en France et qui se sont tournés vers d'autres sélections avec lesquelles ils possédaient un lien.

    Comme nous l'expliquait Loïc Ravenel, chercheur au CIES, ce mouvement de « migration inversée » répond « plus à un choix sportif qu'au fameux choix du cœur ». « On y retrouve quasi systématiquement des joueurs n'ayant pas les capacités d'évoluer dans les très huppées écuries européennes », précisait-il.

    Fin des naturalisations de complaisance

    Cette logique pourrait encore se développer dans les prochaines années, avec le passage de la Coupe du monde à 48 équipes, en 2026. « Cela va donner des idées à de nombreux joueurs souhaitant goûter au niveau international », présage le chercheur.

    Pour éviter les abus qui ont eu trait il y a quelques années et qui existent toujours dans le handball - par exemple au sein de l'équipe du Qatar -, les réglementations du football exigent désormais qu'un « lien évident » avec le pays en question soit prouvé. Autrement dit, qu'un parent ou un grand-parent soit bien né dans ce pays ou que le joueur y réside effectivement depuis au moins cinq ans.