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Récit

David Martinon, un «Sarko-boy» ambassadeur de France à Kaboul

L’ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy prendra ses fonctions en septembre dans un pays particulièrement instable.
par Luc Mathieu
publié le 19 juillet 2018 à 20h06

David Martinon va changer de décor. Après les ors élyséens, le glamour du consulat de Los Angeles et la froideur de sommets internationaux à New York, ce proche de Nicolas Sarkozy et de son ex-femme, Cécilia Attias, a été nommé ambassadeur à Kaboul. Il devrait prendre son poste en septembre dans la capitale afghane. L'information a été confirmée par plusieurs sources à Libération. Il succède à François Richier, autre proche de Nicolas Sarkozy, et Bernard Bajolet, ex-directeur de la DGSE.

David Martinon, énarque de 47 ans, est devenu une figure politique connue en mai 2007, lorsque Sarkozy qui vient d’être élu le nomme porte-parole. Il restera moins d’un an à l’Elysée. Le Président décide de le bombarder candidat aux municipales à Neuilly. Le parachutage se passe mal et se fracasse sur des listes concurrentes qui se sont montées dans son propre camp. David Martinon retire sa candidature et démissionne de son porte-parolat. Il retourne au Quai d’Orsay, qui l’envoie au consulat général de Los Angeles. Il y tombe sur une situation compliquée : les caisses du consulat sont vides et son prédécesseur a été sanctionné avant d’être exfiltré comme conseiller culturel à Kaboul.

Portefeuille

David Martinon est ensuite envoyé en renfort pour quelques mois à la mission française de l'ONU, à New York. «Ce n'est clairement pas un poste prestigieux. Mais il s'est montré très sympathique, très humble, loin de son image bling-bling. Il donnait l'image d'une comète qui était tombée et en avait conscience», explique une source diplomatique. En 2013, il est nommé représentant spécial de la France pour le numérique avant de devenir ambassadeur du numérique, fonction nouvellement créée. Le portefeuille est large, des négociations avec les Google et consorts, la cybersécurité et jusqu'à la lutte contre le terrorisme. «C'est anormalement long de rester cinq ans dans une fonction de ce type. Mais il a réussi à animer politiquement son dossier tout en faisant profil bas. Le poste en Afghanistan est clairement une sortie par le haut», poursuit le diplomate.

A Kaboul, David Martinon arrive dans une ambassade dévastée, au sens propre. Les bâtiments ont été soufflés le 31 mai 2017 par l’explosion d’un camion piégé devant le rond-point qui mène au quartier diplomatique. Ce fut un carnage, même dans une ville coutumière des attentats. Au moins 150 personnes ont été tuées.

L'ambassade est depuis en travaux. Elle était connue jusque-là pour la quiétude de son parc ombragé, où vivait un paon, et sa piscine. L'ambassadeur actuel n'y va plus que durant la journée pour assurer ses rendez-vous. Il vit un peu plus loin, dans ce que les habitants de Kaboul ont surnommé la «zone verte», un quartier qui ne cesse de s'agrandir où se trouvent aussi le palais présidentiel et l'hôtel Ariana, et où s'est installée la CIA. Pour accéder à l'ambassade, il faut passer plusieurs postes de sécurité gardés par des miradors et fermés par des portes blindées coulissantes de quatre mètres de haut. Les menaces qui pèsent sur les diplomates étrangers font du poste d'ambassadeur à Kaboul l'un des mieux payés de la République française, environ 30 000 euros par mois.

La situation politique et sécuritaire n’est guère plus réjouissante que la zone verte. Le président afghan, Ashraf Ghani, réputé pour ses sautes d’humeur et sa propension à vouloir tout diriger, ne parvient pas à réformer le pays. La corruption est généralisée et les seigneurs de guerre ne cèdent rien de leur pouvoir. Personne ne comprend comment les élections législatives pourront se tenir en octobre. L’ONU a tenté de convaincre Ghani de les reporter au printemps suivant, pour qu’elles se tiennent en même temps que le scrutin présidentiel. Ghani a refusé. Plusieurs bureaux d’enregistrement des électeurs ont été visés par des attentats.

Accolade

Le président afghan ne parvient pas non plus à négocier avec les talibans. L'insurrection contrôle des provinces quasi entières et menace régulièrement de s'emparer de Kunduz, dans le nord du pays. Sa direction, où siège le redoutable Sirajuddin Haqqani, directement lié aux services de renseignement militaires pakistanais, reste inflexible : pas question de négocier avec Kaboul tant que des forces étrangères sont déployées. Les talibans se sont en revanche dits prêts à discuter directement avec les Etats-Unis, une offre que Washington ne peut accepter sous peine de délégitimer encore un peu plus le gouvernement afghan, que les talibans traitent déjà «de marionnette des Américains».

Seule lueur d'espoir, la trêve pour fêter l'Aïd à la mi-juin. Durant trois jours, elle a donné des scènes étonnantes, avec des talibans enturbannés, kalachnikov en bandoulière, qui donnaient l'accolade à des policiers et des soldats afghans. «Je suis tombé sur un barrage taliban à côté de chez moi. J'ai cru que j'étais mort. En fait, ils m'ont souhaité des bonnes fêtes d'Aïd et m'ont laissé passer», raconte un entrepreneur afghan qui n'en revient toujours pas.

Le cessez-le-feu n’a pas duré. Les combats ont repris à travers le pays. Aux attaques des talibans s’ajoutent celles de l’Etat islamique qui contrôle peu de districts mais revendique régulièrement des attentats. Les deux groupes se combattent aussi entre eux. Selon l’agence de presse afghane Pajhwok, au moins 250 combattants se sont entre-tués ces dernières semaines lors d’affrontements dans le nord du pays.

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