En 1610, Galilée, inventeur du premier télescope astronomique, découvrait à travers sa lunette les quatre principaux satellites naturels de Jupiter, que l’on appelle ipso facto les « lunes galiléennes ». De nombreux autres satellites ont depuis été découverts autour de la plus grande planète du Système solaire. On en comptait alors plus d’une soixantaine. En tout cas jusqu’à aujourd’hui. En effet, des chercheurs ont récemment confirmé, lors d’observations menées en Mars 2017, avoir repéré douze lunes supplémentaires dans l’orbite de Jupiter, qui en compte à présent… 79 ! Mais l’observation de ces corps célestes est loin d’être une tâche facile. Explications.  

UNE DÉCOUVERTE SCIENTIFIQUE NÉE DU JEU DU HASARD

Jupiter possède donc officiellement 79 satellites. En effet, l’Union Astronomique Internationale a confirmé ce mardi la découverte de douze nouvelles lunes autour de Jupiter par une équipe de chercheurs dirigée par l’astronome Scott S.Sheppard au Carnegie Institution for Science (Washington, DC). Naturellement, tous ces satellites ne font pas tous la même taille et ne brillent pas tous du même éclat. Les lunes galiléennes (Io, Europe, Callisto et Ganymède) demeurent les corps les plus visibles à observer autour de Jupiter. Mais comment définir et repérer un nouveau satellite ?

A vrai dire, la découverte de Sheppard était quelque peu fortuite. Le but initial de l’observation était de détecter des corps célestes extrêmement lointains afin d’expliquer l’orbite quasi identique de certains objets dans la Ceinture de Kuiper, la fameuse ceinture d’astéroïdes qui se situe dans la bordure extérieure du Système solaire. Ces observations relayaient l’hypothèse d’une potentielle neuvième planète qui serait à l’origine de ces trajectoires étrangement similaires. Or, « Jupiter s’avérait être observable près des champs de recherches où nous cherchions des objets du système solaire extrêmement lointains, donc nous avons été capables de rechercher de nouvelles lunes autour de Jupiter tout en recherchant des planètes à la périphérie de notre Système solaire », a déclaré Sheppard suite à sa publication. Une véritable aubaine.

ENTRE OBSERVATIONS DIFFICILES ET NOEUDS THÉORIQUES

Les observations ont débuté en 2012 à l’aide du télescope Blanco, situé au Chili, équipé du Dark Energy Camera, technologie de pointe pour l’observation des objets transneptuniens (objets situés au-delà de l’orbite de Neptune, planète la plus éloignée – du moins pour l’instant – du Système solaire). La découverte est d’autant plus saisissante qu’elle opère dans un champ d’observation déjà bien saturé : comme on peut le constater dans la vidéo explicative présente ci-dessus, les différents satellites de Jupiter sont répartis sur plusieurs « cercles » d’orbites, progrades pour certains (c’est-à-dire allant dans le sens de la rotation de Jupiter) et rétrogrades pour d’autres (dans le sens inverse de la rotation). Le nombre important d’objets orbitant autour de Jupiter et leurs rotations variables rendent donc la détection de nouveaux satellites joviens d’autant plus délicate.

Une fois dit cela, se pose également la question théorique de la formation de ces lunes, qui varient en masse et en taille : la plus large lune de Jupiter, Ganymède, mesure 5 268 mètres de diamètre (soit 8% de plus que Mercure !), contre un peu moins d’un kilomètre seulement pour Valetudo, découverte par l’équipe de Scott Sheppard, ce qui en fait la plus petite lune de Jupiter à l’heure actuelle. Selon les chercheurs, deux des nouvelles lunes découvertes présentant une orbite prograde auraient potentiellement été formées lors de la dislocation d’un corps plus massif, dont il reste à déterminer la cause de la rupture. Quant aux 9 autres prises dans un mouvement rétrograde, celles-ci proviendraient également de corps plus larges ayant rencontré de multiples collisions avec des comètes, des astéroïdes et peut-être même d’autres lunes.

Europe, quatrième plus gros satellite de Jupiter. Recomposition de données capturées par la sonde Galileo lors de son survol dans les années 1990.

L’IMPACT DE CETTE DÉCOUVERTE SUR NOTRE CONNAISSANCE DES PLANÈTES

Les chercheurs ont notamment observé que l’orbite prograde de Valetudo était inclinée de telle sorte qu’un impact avec les autres lunes en orbite rétrograde serait envisageable dans le temps. Un tel impact serait alors observable au télescope depuis la Terre et constituerait un événement déterminant pour la planétologie, bien qu’un tel événement n’a quasiment aucune chance de se produire dans les années – voire même dans les millions d’années – à venir…

Les astronomes vont donc continuer à observer de près les satellites de Jupiter, en espérant lever un peu plus le voile sur le rôle de ces collisions dans la formation des planètes, et plus encore sur les premiers temps de notre Système solaire. « La vérité est que nous ne comprenons pas encore totalement la nature des opérations qui témoignent de la façon dont les planètes et leurs satellites se sont formés et ont migré dans le système solaire primitif », commente à ce propos le Dr.Sarah Hörst, professeur de sciences planétaires à l’Université John Hopkins. Affaire à suivre donc de (très) près.

Le pôle Sud de Jupiter capturé par la sonde Juno.
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