«Si Hollande avait été réélu, je n’aurais pas fait ce choix. » Après mûre réflexion, ce businessman français installé à Bruxelles a en effet décidé de rentrer à Paris début septembre. Pas question pour autant de le clamer haut et fort. Patron d’une PME spécialisée dans le conseil en stratégie digitale, il préfère avancer des raisons familiales pour justifier son choix. Mais, « en même temps », il reconnaît volontiers que la France d’Emmanuel Macron « lui est bien plus favorable que celle de son prédécesseur sur le plan fiscal ». Comme l’atteste Manon Sieraczek-Laporte, avocate fiscaliste, élue LR d’Ile-de-France et auteur du livre Exilés fiscaux : tabous, fantasmes et vérités (Editions du Moment), « cela gamberge fort en ce moment ».
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Avant l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, ils étaient entre 600 et 800 assujettis à l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à s’expatrier chaque année. Où en est-on ? Bien sûr, les nouvelles dispositions ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier, mais celles-ci semblent avoir déjà vidé de leur sens l’expatriation fiscale. « Je ne suis presque plus sollicité depuis quelques mois », constate Christian Nouel, avocat fiscaliste, associé au cabinet Gide. Même si aucune donnée chiffrée ne permet encore de le vérifier côté français, la tendance est palpable côté terre d’accueil. « La réduction du flux commence à peser sur le prix des quartiers préférés des exilés français à Bruxelles, comme Uccle et Ixelles », concède Philippe Rosy, président du premier réseau d’agences immobilières bruxellois Engel & Völkers Brubel. A Londres, le flot des arrivées a lui aussi considérablement diminué. « L’aspect repoussoir du Brexit se cumule sans aucun doute à l’effet Macron, analyse Arnaud Vaissié, président de CCI France International et PDG d’International SOS. La chute des demandes d’inscription dans les écoles françaises en témoigne. » Même tendance à la baisse en Suisse, selon Philippe Kenel, avocat fiscaliste à Genève : « Sous François Hollande, j’épaulais chaque année une dizaine, voire une quinzaine de gros patrimoines. Si j’ai six dossiers cette année, ce sera déjà bien. »
Pourtant, si le big bang fiscal du président a un effet dissuasif sur les prétendants au départ, celui-ci ne provoque pas le moindre rush d’exilés fiscaux vers la France. En réalité, comme dit le proverbe : « Chat échaudé craint l’eau froide. » « Beaucoup de mes clients, en particulier ceux qui sont partis à la suite d’un contrôle fiscal violent, ont peur de se retrouver dans le collimateur de Bercy dès leur arrivée à Paris », plaisante à moitié Manoël Dekeyser, avocat fiscaliste à Bruxelles. Car c’est surtout l’instabilité fiscale, légendaire en France, qui les a rendus méfiants. « Macron va dans le bon sens, mais s’il n’est pas réélu en 2022, ne va-t-on pas revenir en arrière », se demande Pierre-Edouard Stérin, fondateur de Smartbox, le roi français du coffret cadeau et business angel installé à Bruxelles.
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Les considérations fiscales ne sont pas les seuls freins au retour. « Vendre sa maison, en acheter une autre… C’est deux ans minimum ! » confie un riche exilé qui coule une retraite paisible à Bruxelles et s’est reconstitué un cercle d’amis sur place. « En outre, rien ne vous interdit de passer plusieurs mois en France en toute légalité », s’exclame Paul Dubrule, 84 ans, cofondateur du groupe hôtelier Accor, installé depuis douze ans à Genève, qui témoigne « n’avoir aucune envie de revenir en France ».
Pour les exilés de la jeune génération, l’approche est radicalement différente. « Si je suis parti à Londres, c’est pour développer mon business et dans le but de donner une éducation anglo-saxonne à mes enfants, affirme Frédéric Jousset, cofondateur de la société Webhelp. La question fiscale passe bien après croyez-moi ! » Il n’a donc pas l’intention de revenir… Même après sa nomination il y a un mois comme président d’HEC Alumni, l’association des anciens diplômés. Sise à Paris, mais ravie d’avoir un globetrotteur comme nouvelle figure de proue.