Pakistan : Une campagne électorale marquée par de graves atteintes à la liberté de la presse

Les Pakistanais se rendent aux urnes le 25 juillet au terme d'une campagne électorale particulièrement difficile pour les journalistes, victimes de nombreuses violences et arrestations. Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement ces graves atteintes à la liberté de la presse et appelle les autorités locales à laisser les journalistes couvrir le déroulement des élections en toute liberté.

Dans deux jours, mercredi 25 juillet, les Pakistanais iront voter pour désigner leur prochain gouvernement, à l’issue d’une campagne électorale laborieuse et agressive, marquée par de nombreuses violences contre les journalistes et de flagrantes atteintes à la liberté de la presse.  Déjà en juin, RSF, avec son partenaire Freedom Network (FN), dénonçait dans une lettre au gouvernement intérimaire les nombreuses exactions commises contre journalistes et médias locaux, dont le blocage de la distribution du journal Dawn, des enlèvements, des cambriolages et des violences contre de nombreux journalistes.


“Nous constatons, à quelques jours des élections, une censure accrue imposée aux médias et une augmentation des violences à l’encontre des journalistes qui osent couvrir la campagne électorale avec indépendance, dénonce Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. La volonté de contrôle de l’information par l'establishment militaire témoigne de son échec à se soumettre à l’exercice démocratique. Nous appelons les autorités à laisser les journalistes exercer librement leur profession et à couvrir le déroulement des élections et leurs résultats, quels qu’ils soient.”


Autocensure généralisée


Le 13 juillet, alors que l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif, condamné à 10 ans de prison une semaine plus tôt, était arrêté par les forces de l’ordre à son arrivée à Lahore, les autorités ont interdit toute couverture médiatique de l'événement. Plusieurs médias se sont pliés aux consignes, poussés à l’autocensure, tandis que l’accès à Internet et les réseaux de télécommunications ont été bloqués.


Le même jour, le journaliste norvégien Kadafi Zaman, qui couvrait à Gujrat des manifestations en faveur du parti de Nawaz Sharif, le PML-N, pour la chaîne TV2, a été violemment frappé par les forces de sécurité, puis arrêté et poursuivi pour “tentative de meurtre” et “perturbation de l’ordre public”. Le reporter avait pourtant présenté sa carte de presse. Il a été libéré sous caution quelques jours plus tard.


Le journaliste Zaibdar Marri, correspondant pour la chaîne TV Express News et président du club de presse local, est porté disparu depuis le 13 juillet à Kolhu, dans le Baloutchistan.  Selon des témoins, il aurait été enlevé par des hommes non-identifiés alors qu’il couvrait la campagne électorale d’un homme politique dont la candidature n’est pas soutenu par l’armée, accusée de vouloir manipuler le résultat de ces élections en faveur du parti PTI.


A l’approche des élections, RSF recommande aux autorités pakistanaises :

  • de respecter et garantir le droit du peuple à être informé et de permettre une couverture indépendante des élections du 25 juillet et de leurs résultats
  • de s’assurer que les forces de sécurité s’abstiennent d’actes de violence à l’encontre des journalistes (notamment de disparitions forcés et de torture)
  • d’assurer la protection des droits des journalistes et de leur sécurité physique au cours des élections et des manifestations
  • d’enquêter de manière sérieuse et indépendante sur les crimes commis contre les journalistes, et de poursuivre les auteurs, afin de renforcer l’Etat de droit de mettre fin à l’impunité
  • de permettre aux journalistes de couvrir en toute sécurité les événements officiels.  
  • d’autoriser la couverture médiatique des évènements au Baloutchistan et dans le Sindh.


Le Pakistan se situe en 139e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2018 que RSF vient de publier.

Publié le
Mise à jour le 23.07.2018