ENVIRONNEMENT - Et si l'on reconnaissait enfin que l'alimentation a un rôle majeur à jouer dans la lutte contre le changement climatique? Anthony Myint, chef de The Perennial à San Francisco, en est persuadé. Dans son établissement, il met en place depuis 2013 de bonnes pratiques pour atteindre "l'empreinte carbone zéro". Ses conseils, il les transmet ensuite à de nombreux restaurateurs intéressés via son entreprise : ZeroFoodPrint.
Avec plusieurs projets solidaires derrière lui et quelques années de pratique, le chef devient en peu de temps un expert passionné, capable de discuter de la richesse des sols autant que de la bonne cuisson d'une entrecôte. Il fait partie des finalistes du prix "Basque culinary world" qui récompense des initiatives porteuses de changement en cuisine.
Son restaurant ne compte pas révolutionner ce qu'il y a dans notre assiette, mais plutôt la manière dont le contenu y arrive. Selon lui, pas besoin donc de se mettre au veganisme ou à la tendance du "100% cru" pour amorcer un vrai changement.
Déjà pionnier dans le milieu de la restauration caritative avec des établissements devenus des exemples comme Mission Chinese Food ou Mission Burger, son travail du quotidien lui fait réaliser à quel point il est facile de commencer par "de petits changements" qui finissent par avoir un grand impact. La naissance de sa fille a été le déclic. "J'ai compris que l'enjeu climatique était primordial, raconte le chef californien au HuffPost, et que surtout, si la restauration est une grande partie du problème, elle fait aussi partie de la solution".
Fini de culpabiliser en mangeant un hamburger
En 2013, le chef ouvre The Perennial à San Francisco, un restaurant dont l'ambition affichée est d'atteindre l'empreinte carbone neutre, à travers un choix drastique quant à la provenance des aliments.
"Il ne s'agit pas de se priver. Le bœuf par exemple [considéré comme l'industrie la plus polluante de l'agriculture, voire du monde] peut être bon pour l'environnement si l'on sait comment le bétail est élevé et surtout si l'agriculteur respecte la teneur en matière organique des sols et pratique le 'carbon-ranching'", détaille-t-il. Une nouvelle méthode d'élevage, détaillée dans cette vidéo publiée par le restaurant:
"Nos 140 hectares de 'ranch carbon' représentent l'économie d'un million de litre d'essence chaque année", lance-t-il.
Une technique qu'il estime révolutionnaire et primordiale dans la lutte contre le changement climatique et qu'il compte bien démocratiser, notamment via son ONG The Perennial Farming qui affiche l'objectif de "combattre le changement climatique avec l'alimentation et l'agriculture". Anthony espère même établir une norme "neutre en carbone", qui fixerait des règles à respecter pour les entreprises.
En attendant, l'organisation Zero FoodPrint entraîne dans son sillage d'autres restaurateurs: ils sont plus de 175 à avoir rejoint le mouvement, dont notamment le prestigieux Mirazur de Menton.
Des plantes "durables"
Au niveau des matières premières, Anthony Myint et son restaurant évitent au maximum "n'importe quel ingrédient qui a pris l'avion", et préfèrent toujours avoir un label "durable". "Nous visons des plantes et légumes vivaces qui ont poussé dans des sols avec beaucoup de matière organique. C'est notre critère principal, et c'est déjà beaucoup", assure le chef qui concède toutefois que c'est un vrai défi quotidien. "Nous essayons de créer un marché pour ces ingrédients justement", précise-t-il.
Il vante notamment les bienfaits d'une nouvelle céréale vivace, le Kernza, qui s'adapte à n'importe quel sol et a pour avantage de les régénérer grâce à des racines d'une profondeur de trois mètres en moyenne. Une céréale "'révolutionnaire", fruit de quinze ans d'expériences, avec laquelle il réalise quotidiennement son pain, à The Perennial.
Ce qui peut apparaître comme une excentricité dans un établissement bobo a pourtant vocation à s'adresser au plus grand nombre: n'oublions pas qu'Anthony Myint a commencé sa carrière de restaurateur engagé à travers le monde caritatif. "Le principe d'inclusion est pour moi une priorité tout aussi importante! Il faut pouvoir intégrer des acteurs comme McDo ou la mère au foyer en difficulté dans la démarche, sans quoi cela ne fonctionnerait pas", insiste-t-il, citant notamment le rapport Draw and Down qui intègre notamment "l'éducation des filles" comme l'une des premières solutions dans la lutte contre le réchauffement climatique.
L'avenir pour dollar de plus
Anthony Myint assure que son restaurant n'a rien d'extravagant. Certes, le pain est fait sur place et la boucherie est maison, mais rien qu'un grand établissement ne puisse atteindre. "Notre but c'est de montrer que si un chef est prêt à payer 1 dollar de plus par repas, il est possible de travailler avec des produits, du bœuf et des céréales par exemple, qui ont un impact positif sur l'environnement". Et ce, tout en continuant de manger à notre goût.
Pour le moment en tout cas, les clients y sont plus que prêts: son restaurant s'attire les meilleures critiques de San Francisco depuis plusieurs années. Une aubaine pour les affaires, et pour faire passer son message. "Notre but, c'est de déclencher une révolution délicieuse pour engager l'industrie de la restauration tout entière", conclut-il.
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