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Nucléaire : l’EPR de Flamanville retardé d’un an, pour un coût augmenté de 400 millions d’euros

Contraint de refaire une partie des soudures du réacteur nucléaire de l’EPR, EDF a annoncé que le démarrage de la centrale était à nouveau décalé.

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Publié le 25 juillet 2018 à 08h53, modifié le 25 juillet 2018 à 10h33

Temps de Lecture 4 min.

Le cauchemar n’en finit pas pour l’EPR de Flamanville. Le projet devait être le fleuron de la renaissance du nucléaire français, il ne cesse de prendre du retard et de coûter toujours plus cher.

Mercredi 25 juillet, EDF a annoncé que les problèmes de soudures rencontrés sur le chantier de la Manche auraient pour conséquence près d’un an de retard et un dépassement de près de 400 millions d’euros. Le démarrage du réacteur ne pourrait avoir lieu avant la toute fin 2019, voire le premier trimestre 2020. Et le coût de construction passe de 10,5 à 10,9 milliards d’euros, a fait savoir le groupe dans un communiqué.

Le chantier, commencé en 2007, devait coûter 3 milliards d’euros et la centrale démarrer en 2012. Ce nouveau report a pour origine des défauts repérés sur des soudures d’une partie clé du réacteur ; ces « écarts de qualité » concernent les soudures sur les tuyauteries du circuit secondaire principal, qui conduit la vapeur des quatre générateurs à la turbine. Les soudures incriminées ne respectent pas les normes de qualité supérieure de la réglementation applicable aux équipements sous pression nucléaire qu’EDF s’est lui-même imposées.

« Sur les 148 soudures contrôlées, 33 présentent des écarts de qualité et vont faire l’objet d’une réparation », explique aujourd’hui le groupe.

« Alerte sérieuse »

En sus, vingt autres soudures devront également être reprises, puisqu’elles sont non conformes aux engagements qu’EDF avait pris auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Dix autres soudures sont toujours en cours d’instruction auprès de l’ASN, même si EDF espère ne pas avoir à les modifier.

« Ces évènements ont freiné la belle dynamique enclenchée depuis trois ans sur le chantier », a reconnu Xavier Ursat, directeur du nouveau nucléaire d’EDF, lors d’une conférence téléphonique mercredi matin. Le groupe a annoncé avoir mis en place une nouvelle méthode de travail avec ses sous-traitants pour ces réparations, et a justifié ces difficultés par la recherche « d’un niveau de qualité exceptionnel sur ses soudures ».

En tout état de cause, l’ASN devra valider chacune des étapes de ces réparations et elle seule est habilitée à autoriser la mise en service, et elle n’est pas tenue au calendrier d’EDF. Après la découverte de ces défauts en avril, le président de l’autorité, Pierre-Franck Chevet, avait qualifié ces anomalies de « sérieuses », en soulignant « un défaut de surveillance » de la part d’EDF et de Framatome (ex-Areva) sur ses sous-traitants.

« Il s’agit d’une alerte sérieuse, qui met en cause à la fois la qualité de réalisation des équipements soudés, le contrôle de leur fabrication et la surveillance exercée par EDF de façon beaucoup trop tardive », jugeait lui aussi en mai Thierry Charles, directeur général adjoint de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

Le Réseau Sortir du nucléaire et Greenpeace avaient déposé, fin juillet, une plainte visant EDF auprès du tribunal de grande instance de Cherbourg. Les associations antinucléaires estiment que l’électricien et ses sous-traitants ont sous-estimé les problèmes à Flamanville et ont sciemment laissé fabriquer et installer sur l’EPR des tuyauteries dont les soudures ne correspondaient pas aux exigences de sûreté.

La fermeture de Fessenheim décalée

Ce décalage dans le temps à une conséquence directe : il repousse d’autant la fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin). L’accord trouvé au moment de la loi de transition énergétique en 2015 imposait une sorte de donnant-donnant pour EDF : lorsque Flamanville démarre, Fessenheim peut fermer. Le secrétaire d’Etat à la transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu, a confirmé mercredi matin que le retard d’un an de l’EPR décalait l’arrêt de la centrale de Fessenheim.

« La fermeture de Fessenheim est irréversible et le processus d’accompagnement des personnes et du territoire a commencé. La date de fermeture effective, quant à elle, est liée au démarrage de l’EPR de Flamanville », a affirmé M. Lecornu sur Twitter.

Une lecture de la situation que ne partagent pas les écologistes, qui accusent le gouvernement de faire le jeu d’EDF. « A ce train-là, Fessenheim ne fermera pas dans le quinquennat de Macron ! », a réagi le Réseau Sortir du nucléaire sur Twitter.

Ces nouvelles difficultés, auxquelles le groupe et le gouvernement s’attendaient depuis plusieurs mois déjà, sont une très mauvaise nouvelle pour le groupe EDF et la filière nucléaire française. L’EPR, qui ne cesse d’accumuler des déboires, était présenté comme une vitrine du savoir-faire français en matière nucléaire, notamment à l’international.

« On ne tient jamais nos promesses »

Mais le seul EPR à avoir été connecté au réseau est celui de Taïshan, en Chine – après six ans de retard. Celui d’Olkiluoto, en Finlande, devrait démarrer en 2019, mais il a lui aussi connu des difficultés rocambolesques. Deux autres réacteurs sont en construction par EDF à Hinkley Point (sud-ouest de l’Angleterre).

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Cette annonce intervient alors qu’EDF est sous pression du ministre de la transition écologique et solidaire. Nicolas Hulot s’est lancé fin juin dans un réquisitoire très dur contre l’industrie nucléaire, estimant qu’elle avait entraîné EDF dans une « dérive ». « On voit bien qu’économiquement, il y a une espèce de règle d’or qui est en train de s’imposer dans cette filière, c’est qu’en réalité, on ne tient jamais nos promesses », avait-il estimé sur Franceinfo.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Nucléaire : pourquoi Nicolas Hulot met la pression sur EDF

Une situation d’autant plus tendue que la France discute actuellement de sa feuille de route énergétique pour les cinq prochaines années, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Or l’un des débats clés de cette PPE est précisément de savoir quelle place le nucléaire doit occuper à l’avenir dans le mix électrique français.

Dans le cadre de ce débat, EDF, avec le soutien de plusieurs acteurs de la filière nucléaire française, a demandé au gouvernement de se positionner clairement en faveur de la construction d’un deuxième EPR pour le parc français. Ces nouveaux déboires ne vont pas plaider en sa faveur.

Lire la tribune de l’économiste Aurélien Saussay : Article réservé à nos abonnés « L’entêtement français sur la voie du nucléaire est une stratégie risquée »
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