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Santé

Scandale de vaccins en Chine : 15 personnes en détention, dont la PDG du laboratoire

Une firme pharmaceutique chinoise vient d'avouer avoir écoulé des vaccins non-conformes. Quinze personnes viennent d’être arrêtées. Le Premier ministre et le président souhaite établir des "sanctions sévères", alors que de nombreux citoyens chinois préfèrent maintenant utiliser des vaccins importés d'autres pays.

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Depuis le Rwanda où il est en visite, le président chinois Xi Jinping a appelé lundi à la "sévérité" contre une compagnie pharmaceutique aux pratiques "odieuses", à Kigali le 23 juillet 2018

Depuis le Rwanda où il est en visite, le président chinois Xi Jinping a appelé à la "sévérité" contre une compagnie pharmaceutique aux pratiques "odieuses".

AFP - SIMON MAINA

Le laboratoire pharmaceutique Changchun Changsheng a été forcé de stopper la production d’un vaccin contre la rage après l'annonce par l'autorité chinoise de régulation des médicaments et des aliments (CFDA) qu'elle y avait découvert des données falsifiées et d'autres problèmes au cours d'une inspection. La firme a également admis avoir écoulé des vaccins diphtérie-coqueluche-tétanos non conformes. Quelque 250.000 doses auraient ainsi été vendues dans la province du Shandong en 2017. Mardi 24 juillet 2018, la police de la ville de Changchun, où la compagnie a son siège, a annoncé avoir arrêté 15 personnes, dont la PDG du laboratoire pour "infractions pénales".

Premier ministre et président monte au créneau

Le gouvernement a promis de faire tomber des têtes si ces négligences étaient avérées. "Peu importe quelles sont les entreprises ou les personnes impliquées, elles feront l'objet de sanctions sévères et nous ferons preuve d'une tolérance zéro", a martelé le Premier ministre chinois Li Keqiang dans un communiqué publié le dimanche 22 juillet sur le site internet du gouvernement. Pour lui, la firme a "franchi la ligne rouge de l'éthique".

Le lendemain, le président chinois Xi Jinping a réagi depuis l'Afrique où il est actuellement en tournée. Il a appelé à la "sévérité" contre une compagnie pharmaceutique aux pratiques "odieuses", après ce nouveau scandale de vaccins de mauvaise qualité. "Cette violation des lois et règlements dans la production de vaccins est odieuse et choquante", a-t-il déclaré selon la télévision d'Etat CCTV. "Les autorités et les services concernés doivent attacher la plus grande importance à cette affaire et immédiatement mener une enquête afin d'établir les faits. Elle devra aller jusqu'au bout et établir les responsabilités de chacun. Tout cela doit être traité avec sévérité, conformément à la loi."

Des citoyens méfiants

Malgré ces promesses de sanctions, le scepticisme semble dominer au sein de la population. Les Chinois ont pris d'assaut les réseaux sociaux pour critiquer l'industrie pharmaceutique et dénoncer une possible affaire de corruption. Ce sentiment a été décuplé ces derniers jours au sein de la population, lors de la diffusion virale sur les réseaux sociaux d'un article accusant l'entreprise d'avoir corrompu les autorités pour pouvoir écouler ses produits.

Les censeurs de l'internet se sont empressés d'empêcher sa diffusion. Mais malgré le très étroit contrôle de l'information dans le pays communiste, des millions d'internautes en colère l'avaient déjà partagé, ainsi que d'autres articles dénonçant les travers du secteur. Une annonce qui a encore accentué la défiance contre les médicaments chinois. Et poussé les parents inquiets à s'approvisionner en produits étrangers.

Les vaccins étrangers privilégiés

"Je ne fais plus confiance aux vaccins fabriqués ici", a déclaré le 24 juillet 2018 à l'AFP Mme Zhou, une maman qui patientait avec sa fille dans un hôpital pédiatrique de Pékin. Elle dit désormais préférer payer des doses importées plutôt qu'utiliser celles fournies par le gouvernement. À Hong Kong, région administrative chinoise qui jouit d'une vaste autonomie, une hausse de la demande de vaccins a été constatée dans les hôpitaux, de la part de clients originaires du reste de la Chine, selon des sources médicales. Les autorités s'évertuent désormais à canaliser la crise. La CFDA a assuré qu'il n'y avait "absolument aucune nécessité" d'importer des vaccins, car la Chine dispose d'un système "complet" pour garantir leur qualité. La sécurité des enfants est un sujet explosif en Chine, où la plupart des parents n'ont longtemps eu droit d'avoir qu'un seul bébé, en raison de la politique de limitation des naissances.

Dégringolade boursière

L'affaire provoque également des répercussions sur l'économie du pays. Les actions des principaux producteurs chinois de vaccins ont chuté le lundi 23 juillet. À la Bourse de Shenzhen, trois d'entre eux ont vu leur titre plonger de 10% (la limite maximale autorisée) : Walvax Biotechnology, Shenzhen Kangtai et Chongqing Zhifei. La maison mère de Changchun Changsheng, l'entreprise au coeur du nouveau scandale, a également vu son titre s'écrouler de 10%. C'est le deuxième plus gros producteur de vaccins contre la rage en Chine.

Un scandale qui s'ajoute à une longue liste

Les Chinois restent très méfiants face aux promesses de sanction car leur gouvernement a déjà fait ces dernières années de nombreuses promesses sans lendemain en matière de sécurité sanitaire. Nombre d'internautes pointent l'exemple de Sun Xianze, un haut responsable chargé de la sécurité alimentaire durant le scandale du lait en poudre contaminé à la mélanine qui a frappé le pays en 2008. L'opinion publique s'était alors enflammée pour ce scandale qui avait tué six enfants et rendu malade 300.000 autres. Sun Xianze avait depuis été promu directeur adjoint de la CFDA, de hautes fonctions qu'il a assumées jusqu'au début 2018. Un autre scandale lié aux vaccins avait déjà éclaté en 2016. Les autorités avaient alors arrêté 200 personnes, jurant de s'attaquer à ce que le Premier ministre Li Keqiang décrivait alors comme des "failles réglementaires".

Pourtant, selon de nombreux experts, la Chine améliore progressivement son système de contrôle des médicaments. Mais l'immensité du pays et son manque d'ouverture constituent des difficultés majeures. "Le problème, c'est surtout à qui on confie ces enquêtes", s'indigne un utilisateur du réseau social chinois Weibo. "Si vous enquêtez uniquement sur vous-même, à quel type de conclusion pouvez-vous bien aboutir ?"

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