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Moindre attirance des femmes pour les filières scientifiques et techniques, difficultés à mener de front vie familiale et professionnelle en raison d’horaires compliqués, influence de l’éducation où dans une fratrie c’est le garçon qui sera poussé à faire des études coûteuses, image du pilote viril véhiculée par le cinéma ou la publicité, sont autant de freins conscients ou inconscients à une féminisation du métier, selon les femmes pilotes interrogées.
On nous montre souvent l’image d’un homme pilote et d’une femme hôtesse de l’air. Cela pourrait renvoyer aux jeunes filles le message que si elles voulaient travailler dans l’aviation, ça ne pourrait pas être en tant que pilote.
L'organisation de pilotes Balpa
En novembre dernier, l’OACI a estimé que d’ici 2036, le «réseau mondial aura besoin de quelque 620 000 pilotes, dont au moins 80% seront en début de carrière» en raison du vieillissement de la profession et d’une croissance annuelle du trafic aérien mondial de 4 à 5% qui fera doubler le nombre de passagers d’ici 15 à 20 ans.
L’organisation cherche à «promouvoir plus activement l’aviation» auprès des jeunes «et tout particulièrement les jeunes filles».
La recherche de la mixité
«Aujourd’hui avec cette énorme pénurie de pilotes qui se manifeste», le fait de ne «pas arriver à intéresser les jeunes filles» va encore peser d’avantage, souligne Liz Jennings Clark, 55 ans, pilote chez Transavia Hollande et membre de l’International society of women airline pilots, créée aux Etats-Unis en 1978.
Air France, qui compte entre 7 et 8% de femmes parmi ses pilotes, en a fait l’expérience dans son récent recrutement d’une centaine de «cadets».
Sur 4300 candidats inscrits, seuls 13% étaient des femmes. Pourtant la compagnie avait choisi d’élargir son champ de recrutement à des écoles de commerce par exemple, à la recherche de davantage de mixité.
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Manque de modèles
Si au début des années 80, les commentaires sexistes étaient monnaie courante dans les avions, aujourd’hui ils se font plus rares, estime Liz Jennings Clark.
Mais il arrive encore que lorsqu’elle salue les passagers à la sortie de l’avion, certains lui collent entre les mains leurs détritus persuadés qu’il s’agit d’une hôtesse de l’air, en dépit de son uniforme de pilote.
Bien souvent, «on nous montre l’image d’un homme pilote et d’une femme hôtesse de l’air. Cela pourrait renvoyer aux jeunes filles le message que si elles voulaient travailler dans l’aviation, ça ne pourrait pas être en tant que pilote», estimait récemment l’organisation britannique de pilotes Balpa.
A l’image de l’admiration suscitée en 2009 par l’amérissage forcé et héroïque sur le fleuve Hudson réussi par Chesley Sullenberger dit «Sully», Liz Jennings Clark espère que l’exploit réalisé en avril par une femme commandant de bord, Tammie Jo Shults, serve de catalyseur aux jeunes filles qui doutent de leur légitimité dans un cockpit.
«Une censure consciente ou inconsciente»
Aux commandes d’un Boeing 737 de Southwest Airlines, Tammie Jo Shults avait réussi un atterrissage d’urgence après l’explosion d’un réacteur. Pour Sophie Coppin, responsable sociétale de l’Ecole nationale de l’aviation civile (Enac), les jeunes filles «manquent de modèles».
«Il y a une censure consciente ou inconsciente» de leur part dont l’ensemble de la société, parents et enseignants compris, est responsable, estime-t-elle.
La compagnie à bas coûts easyJet, qui compte 6% de femmes parmi ses pilotes, s’est fixée pour objectif de compter 20% de femmes dans ses recrutements en 2020 et, pour preuve de son engagement, a fait atterrir sur le tarmac du salon de l’aéronautique de Farnborough un A321neo flambant neuf avec un équipage 100% féminin. «Ce que nous souhaitons, c’est créer des modèles pour les générations à venir», a commenté le directeur général d’easyJet, Johan Lundgren.