Attal : « L'affaire Benalla ? 15 tonnes de mousse avec 150 grammes de savon »

Le porte-parole de La République en marche revient sur l'affaire Benalla, la gestion de la crise par l'Élysée, et ses conséquences sur le quinquennat.

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Temps de lecture : 9 min


Depuis le 18 juillet, date des premières révélations du Monde sur l'affaire Benalla, l'Élysée doit gérer ce que l'opposition a qualifié de « scandale d'État ». Chaque jour, les révélations s'accumulent, tandis que les témoignages se contredisent. Fragilisée, la majorité doit faire face à une opposition plus soudée que jamais, qui pointe du doigt la manière dont le président de la République a choisi de gérer l'affaire. Gabriel Attal, porte-parole de la République en marche et député des Hauts-de-Seine revient longuement sur l'affaire et ses conséquences pour la suite du quinquennat.

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Le Point : Quelle a été votre réaction, mercredi 18 juillet, au moment où l'affaire a éclaté ?

Gabriel Attal : J'ai été choqué par la violence des images, forcément. Et d'autant plus choqué que les images se concentraient sur l'intervention d'Alexandre Benalla sans qu'on ait les éléments de contexte. Des explications ont été données ensuite, un contexte a été rappelé, qui n'excuse pas l'erreur d'Alexandre Benalla. Mais qui éclaire sur la situation dans laquelle ils se trouvaient avec les forces de l'ordre. Et qui explique, selon lui, son intervention face à ces deux manifestants qui venaient d'attaquer les forces de l'ordre.

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Connaissiez-vous Alexandre Benalla ?

Oui. Tous ceux qui ont participé activement à la campagne d'Emmanuel Macron connaissent Alexandre Benalla. Il était en charge de la sécurité du candidat à un moment où le ministère de l'Intérieur refusait à Emmanuel Macron une protection policière. Il était présent à tous les événements importants et participait aussi à l'organisation. Au moment où l'affaire a éclaté, j'ai ressenti de l'incompréhension. Pourquoi était-il là ? Pourquoi est-il intervenu de manière assez violente face à ces deux manifestants ?

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Comprenez-vous que cette affaire soit qualifiée d'affaire d'État ?

Je comprends la logique de l'opposition, qui est d'essayer de déstabiliser l'État, le gouvernement et le président de la République avec cette affaire. Des questions ont été posées sur des erreurs qui auraient été commises, à la préfecture ou à l'Élysée. Elles sont peu à peu levées avec les auditions. Rien de tout cela n'est une affaire d'État. La réalité c'est que, avec cette affaire, l'opposition et les médias font 15 tonnes de mousse avec 150 grammes de savon.

Je vois bien comment tout un système médiatique et politique s'attendait à ce que le président de la République prononce une intervention depuis l'Élysée [...] Ce n'est pas une affaire d'État. Donc cela ne justifiait pas ce type d'intervention.

Justement, comment analysez-vous le silence du président sur cette affaire, qu'il n'a rompu que le 25 juillet ?

J'ai immédiatement compris que le président ne s'exprime pas par la voie officielle, parce qu'à partir du moment où il y a plusieurs enquêtes en cours – une enquête judiciaire, une enquête interne de l'IGPN et deux commissions d'enquête parlementaires –, il me semblait légitime qu'il ne le fasse pas. La parole d'un président de la République a un poids, c'est le garant des institutions, s'il s'était exprimé, on aurait vu des commentateurs ou des oppositions nous expliquer que sa parole venait percuter les enquêtes en cours et potentiellement influer dessus. Il a parlé face à nous, les députés de la majorité, dans un cadre informel. Des vidéos sont sorties, mais on n'était pas dans une intervention officielle. Ensuite, il a répondu aux questions des journalistes. Il me semble, donc, qu'aujourd'hui, il s'est exprimé sur le sujet.

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Et pourquoi s'exprimer seulement devant les députés de la majorité, quand le public et l'opposition attendaient aussi des réponses ?

Je vois bien comment tout un système médiatique et politique s'attendait à ce que le président de la République prononce une intervention ex cathedra depuis l'Élysée ou à l'occasion d'un 20 Heures. Mais je le répète : ce n'est pas une affaire d'État. Donc cela ne justifiait pas ce type d'intervention. Et encore une fois je pense qu'il faut faire attention, avec les enquêtes qui sont en cours, à ne pas donner le sentiment que le président vient s'immiscer dans les enquêtes.

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C'est la première fois qu'une affaire ébranle l'assise d'Emmanuel Macron. L'image de la présidence jupitérienne est-elle entachée ?

Ce qui est certain, c'est que les oppositions, si elles font monter cette affaire, si elles font autant de mousse autour de cette affaire, c'est parce qu'elles essayent de casser le travail fait par cette majorité et qu'on continue à faire sur l'exemplarité en politique. Ma conviction est qu'elles n'y arriveront pas.

L'instrumentalisation politique et le blocage du processus législatif fait par l'opposition leur coûteront en termes d'image.

Pour vous Emmanuel Macron est donc toujours exemplaire ?

Bien sûr. La première loi qu'on a votée à l'Assemblée nationale, c'est une loi sur la confiance dans la vie publique pour la République exemplaire. On a interdit aux parlementaires d'employer des membres de leur famille, d'avoir des activités de conseil à côté de leur mandat, on a exigé le casier judiciaire vierge pour se présenter à une élection... La République exemplaire n'interdit pas que certains fassent des fautes. Par définition, l'humain est faillible, il peut faire des erreurs. La question de l'exemplarité se pose avant, avec des règles claires, et après, dans la réaction et dans la manière de répondre à ces erreurs en les sanctionnant et en garantissant qu'il y ait une transparence. Or, il y a eu une sanction immédiate. Et il y a une transparence. Si la majorité à l'Assemblée n'avait pas souhaité qu'il y ait de commission d'enquête parlementaire, il n'y en aurait pas eu. Si la présidence de la République n'avait pas souhaité, du fait de la séparation des pouvoirs, que le bureau d'Alexandre Benalla soit perquisitionné à l'Élysée, cela n'aurait pas été le cas. Depuis le départ, il y a une transparence et un respect des procédures judiciaires. Les erreurs ont été reconnues, les sanctions assumées, et, aujourd'hui, tout le monde est engagé dans un processus qui vise à permettre d'accéder à la vérité dans cette affaire. Pour moi, l'exemplarité, c'est ça.

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Malgré tout, l'opposition a remporté une bataille politique : l'examen de la réforme constitutionnelle a été reporté à la rentrée...

Il est reporté, mais aura lieu. Emmanuel Macron a été élu sur des engagements forts, notamment le fait de réduire d'un tiers le nombre de parlementaires et d'interdire le cumul de mandats dans le temps. Les Français souhaitent que ces mesures soient appliquées, parce qu'ils ont voté pour ces mesures. La révision aura lieu. J'ajoute que l'instrumentalisation politique et le blocage du processus législatif fait par l'opposition leur coûteront en termes d'image. Pendant toute cette séquence, le monde ne s'est pas arrêté de tourner, seuls les députés de l'opposition ont décidé de faire grève. Je ne crois pas que c'est ce que les Français attendent d'eux. On a vu des images hallucinantes : une conférence de presse commune improvisée entre des députés Insoumis et Marine Le Pen, un rapporteur LR de commission d'enquête [Guillaume Larrivé, NDLR] se prenant pour un procureur, des députés d'opposition se comportant de manière honteuse en commission. Personnellement, j'ai été choqué par des députés de l'opposition en commission d'enquête. Il fallait être dans la salle pour l'entendre, parce que c'était hors micro, mais je les ai entendus invectiver des grands serviteurs de l'État à base de « marionnette », « menteur », « Benalla a acheté sa radio chez Darty »... Être député, ce n'est pas être un colombo au café du commerce, c'est être garant de la séparation des pouvoirs, de l'État de droit et respectueux des institutions.

Mardi, les oppositions ont créé un incident de séance et fait suspendre l'examen de la loi sur l'avenir professionnel. On leur a expliqué que nous étions en train d'examiner des mesures pour favoriser l'emploi des personnes handicapées, ils ont donc fini par se raviser. On voit à quel niveau ils en sont. Les oppositions se sont abîmées dans cette séquence.

L'affaire Benalla se fait déjà sentir sur la popularité du président. Quelles incidences pour la suite du quinquennat ?

Que des Français aient été choqués, évidemment. Les faits sont choquants. Évidemment qu'il y a un doute derrière, notamment face aux contre-vérités assénées par l'opposition et certains journalistes sur des avantages dont aurait bénéficié Alexandre Benalla. C'est légitime. On y a répondu point par point, on continue à y répondre. Mais je pense que les Français se rendront aussi vite compte, encore une fois, qu'on a fait beaucoup de mousse avec peu de savon. Il y a eu un emballement, une instrumentalisation de la part de l'opposition. Le cœur de l'affaire qu'est-ce que c'est ? Un chargé de mission de l'Élysée invité par la préfecture de police à se rendre en tant qu'observateur sur une manifestation, qui au moment ou des CRS se font attaquer intervient alors qu'il n'aurait pas dû le faire pour interpeller deux manifestants. Je ne nie pas l'erreur qui a été la sienne, que les choses auraient pu être mieux gérées, mais ça ne méritait pas tout ce battage politique et médiatique.

L'opposition, en tout cas, a été dynamisée par l'affaire et montre un front uni. La rentrée risque de s'avérer difficile...

On voit d'ailleurs des alliances contre nature. Mais quand on regarde ce qui se passe en Italie, où le mouvement Cinq étoiles et la Ligue – c'est-à-dire l'extrême gauche et l'extrême droite – s'unissent, on se demande si le même mouvement n'est pas en train de s'engager en France entre La France insoumise et le Rassemblement national. L'ensemble des oppositions s'est mêlé à l'instrumentalisation politique et a cherché à atteindre le président avec cette affaire. Parce qu'elles n'ont toujours pas digéré la claque des élections présidentielle et législative. Ils ont essayé de gagner dans les urnes, ils n'ont pas réussi, ils ont essayé de gagner dans la rue, avec les manifestations, ils n'ont pas réussi ; aujourd'hui, ils essayent de gagner médiatiquement en montant en épingle cette affaire. Mais ils n'y arriveront pas. Quand je discute avec des gens, je mesure qu'il y a eu un choc face aux images évidemment, et des doutes sur la manière dont les choses auraient pu être gérées, sur la proportionnalité de la sanction prise, mais il y a aussi une vraie lucidité sur l'attitude de l'opposition qui n'est pas au niveau attendu par les Français aujourd'hui.

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Commentaires (281)

  • baltazaroued

    Souvent la mousse pique les yeux. Dans certains cas, il faut consulter car s'il s'agit d'une allergie, cela peut être grave.

  • corocouco

    Effectivement. Toute cette mousse pour une affaire qui n'en n'est pas une, les tonnes de papier des médias, les citernes de salive des politiques, pour vraiment pas grand chose. Juste un agent de sécurité mythomane trop zélé, un peu trop soutenu par le pouvoir. Où sont les neiges d'entant ? Les écoutes téléphoniques de François Mitterand, le pimpant scooter de François Hollande, pétaradant sous les fenêtres de sa belle, ça au moins ça avait de l'allure. Enfin il faut se mettre à la place de l'opposition et des journaux qui n'avaient rien à se mettre sous la dent depuis quelques mois, voyant apparaître au loin une oasis qui n'était peut être qu'un mirage.

  • patachon91

    (ce fait divers en fait), on comprend ce qu'il en aurait été avec l’élection d'un fillon, dont le montant des actes poursuivis s'éléverait à +/- 1 000 000 d'euros !

    Les tenants d'une droite extrême (sarkofillonowauquiérolepénistes) tentent ce qui fut leur quotidien de 2012 à 2017, ce hollandebashing de toutes les flétrissures mais aujourd'hui, le macronbashing sur la base de tels faits passe beaucoup moins bien qu'une petite virée à scooter (dont il se dit que la garde rapprochée de Hollande se lassait et dont se plait à penser qu'elle serait déjà à l'origine des fuites... ).

    Non, que tous ceux sortis de leur torpeur, pour l'occasion, absents depuis belle lurette, ne s'y trompent pas : cette surexploitation en aura lassé plus qu'elle n'en aura choqué pour un scandale d'Etat ou une supposée organisation de police parallèle, reposant sur une seule personne.

    La preuve : ils en viennent à mettre en cause le nombre et la présence de pseudos qui ne leur ont pas été présentés ou qui n'auraient pas obtenus leur autorisation de commenter.

    C'est aussi dérisoire et affligeant que le reste...