Marlène Schiappa : «Les premières amendes contre le harcèlement de rue seront mises à l’automne»

Marlène Schiappa, la secrétaire d’État à l’Egalité femmes-hommes, réagit à la vidéo d’une femme frappée au visage pour avoir répondu à son harceleur. Elle l’assure, la réponse politique sera «à la hauteur».

 Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, le 20 mai 2018.
Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, le 20 mai 2018. LP/Philippe Lavieille

    « Outrée », bien sûr, mais « malheureusement », nous confie-t-elle, Marlène Schiappa n'a pas été surprise par la vidéo montrant une jeune femme frappée au visage pour avoir répondu à son harceleur. Ce document, qui suscite beaucoup d'émotion en France, conforte la secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes qu'il y a urgence à adopter la loi de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Cela devrait être fait en fin de semaine.

    Encore une femme frappée, en plein Paris, en pleine journée… Et maintenant, on fait quoi ?

    MARLÈNE SCHIAPPA. L'enjeu est grave : c'est celui de la liberté des femmes de circuler librement dans l'espace public. La réponse politique doit être forte et elle l'est. Car, enfin, pour la première fois en France, on va verbaliser le harcèlement de rue. Dans le projet de loi qui doit être adopté en fin de semaine, il sera établi qu'importuner, suivre, menacer une femme… est interdit. Toutes ont déjà été concernées. Ma fille de onze ans échafaude déjà des techniques avec ses copines pour échapper au harcèlement de rue. Nous avons fait de ce sujet, longtemps hors radar des politiques, une préoccupation majeure.

    La scène en question dépasse le harcèlement. Il s'agit d'une agression physique caractérisée…

    Oui, et le droit actuel sanctionne ce type d'agression. La grande nouveauté est que la loi va permettre d'agir en amont pour empêcher la gradation de la violence. C'est primordial. En interdisant le harcèlement de rue, en sanctionnant par une amende de classe 4 (NDLR : entre 90 et 750 euros) les outrages sexistes, on abaisse le seuil de tolérance, on dit qu'il n'y a plus de fatalité. Le temps de la promulgation de la loi, les premières amendes devraient être mises à l'automne.

    Est-ce applicable au quotidien ?

    Il n'y aura évidemment pas un policier derrière chaque femme, comme il n'y a en pas un derrière chaque panneau Stop. La plupart des gens avertis respectent la règle. Il s'agit de poser un interdit social clair et de l'accompagner de pédagogie. À la rentrée, nous déploierons ainsi une campagne massive -4 millions d'euros- contre le harcèlement.

    Encore faut-il mettre la main sur les harceleurs. Celui de Marie L. court toujours !

    C'est pour cela que j'invite les témoins à se manifester. Ils ont un rôle clé pour identifier l'agresseur et le faire condamner. Cela vaut aussi pour les personnes qui ont assisté à des scènes d'agression lors de la Coupe du monde ou de tout autre événement. Les victimes ne doivent plus porter seules la responsabilité du témoignage.

    En juin 2017, vous déclariez : «Les lois de la République protègent les femmes à toute heure et en tout lieu.» Cette vidéo, en pleine rue, ne montre-t-elle pas l'inverse ?

    Je continue d'affirmer qu'elles doivent s'appliquer partout. Je ne suis pas dupe pour autant. J'ai grandi à deux rues du bar où s'est passée l'agression (NDLR : boulevard de la Villette, dans le XIXe arrondissement de Paris), je sais très bien ce qui se passe dans le quartier. C'est pour cela que nous allons mettre toutes nos forces sur les quartiers dits de « reconquête républicaine », près des gares, des transports. Et ce, à Paris comme en Province. Il y a urgence. C'est la grande cause de ce quinquennat.