Obésité infantile : quand s’inquiéter ?

Publié par Manon Duran  |  Mis à jour le par Madison PetitExperte : Dr Véronique Nègre, pédiatre, coordinatrice des Centres spécialisés obésité de la région PACA et présidente de l'APOP (Association pour la prévention et la prise en charge de l'obésité pédiatrique)

L’obésité infantile peut être liée à une alimentation trop riche et/ou à un manque d’activité physique, le plus souvent associé à des prédispositions familiales. Elle doit être prise en charge rapidement afin d’éviter des conséquences graves et durables sur la santé des enfants. 

L’obésité infantile est une maladie chronique qui doit être détectée le plus tôt possible et prise en charge de façon progressive, en tenant compte des spécificités de chaque patient. Quels sont les facteurs de risques et les causes de l’obésité chez l’enfant ? Quels signes doivent alerter ? Comment se déroule la prise en charge ? Réponses du Dr Véronique Nègre, pédiatre, coordinatrice des Centres Spécialisés Obésité (CSO) de la région PACA et présidente de l'Association pour la Prévention et la prise en charge de l'Obésité Pédiatrique (APOP).

Qu’est-ce que l’obésité infantile ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’obésité comme "une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui peut nuire à la santé" (source 1). Chez les enfants et les adolescents, il est parfois difficile de l’identifier à l'œil nu. On se réfère alors à l’indice de masse corporelle (IMC) chez l'enfant, au tour de taille (TT) et aux courbes de corpulence établies en fonction des âges et des sexes

"Il est normal qu’un bébé soit potelé jusqu’à l’âge d’un an. Mais dès qu’il commence à marcher, l’enfant commence à s’affiner, jusqu’à l’âge de cinq-six ans environ, indique Véronique Nègre. Ensuite, et jusqu’à la fin de la croissance, sa corpulence augmente à nouveau pour se rapprocher de sa morphologie d’adulte". 

Il convient idéalement de surveiller deux à trois fois par an l’évolution de la courbe de corpulence d’un enfant, pour s’assurer qu’elle ne présente pas une ascension brutale qui témoignerait d’une prise de poids préoccupante. 

Comment calculer l'IMC de mon enfant ?

Le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC) est extrêmement important pour dépister précocement une obésité infantile. L'IMC est par ailleurs le seul indicateur approuvé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il se différencie selon des fourchettes et s’établit en kilos/m2.

Si vous souhaitez calculer l'indice de masse corporelle de votre enfant, vous pouvez utiliser notre calculateur d'IMC ci-dessous :

Calcul de l'IMC de mon enfant

Les données saisies ne sont utilisées que pour calculer un résultat et ne sont pas conservées sur nos serveurs

Qu’est-ce que le rebond d’adiposité ? Pourquoi faut-il le surveiller ?

Le rebond d'adiposité correspond au moment où l’enfant reprend naturellement du poids vers l’âge de cinq ou six ans. Si celui-ci survient avant cinq ou six ans, on parle de rebond d’adiposité précoce. C’est un signal d’alerte à prendre très au sérieux, car plus le rebond d'adiposité est précoce, plus il prédispose à la prise de poids.  

"La courbe de corpulence des enfants souffrant d’obésité montre souvent un rebond d’adiposité vers l’âge de 3 ans. Ce phénomène témoigne d’une prédisposition, en particulier génétique, au surpoids ou à l’obésité : les enfants naissent avec un appétit trop important par rapport à leurs besoins", souligne la pédiatre. 

Il est donc important d’identifier ce rebond d’adiposité précoce afin de mettre en place un suivi et un accompagnement des parents permettant à l’enfant d’apprendre à manger à la juste quantité. 

Combien d’enfants sont touchés par l’obésité en France et dans le monde ?

En 2019, l’OMS estimait que 38,2 millions d’enfants de moins de 5 ans étaient en surpoids ou obèses à travers le monde. Et plus de 340 millions d’enfants et d’adolescents âgés de 5 à 19 ans étaient en surpoids ou obèses en 2016. "Cette prévalence a augmenté de façon spectaculaire, passant d’à peine 4 % en 1975 à un peu plus de 18 % en 2016", précise l’organisme (source 1).

En France, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’obésité infantile concerne 16% des garçons et 18% des filles : "des chiffres à peu près stables depuis une dizaine d’années" (source 2).

Quels sont les causes et facteurs de risque de l’obésité infantile ?

"Nous ne sommes pas tous égaux face à la prise de poids et l’alimentation n’est pas la seule cause d’obésité chez l’enfant", insiste la Dre Véronique Nègre. Plusieurs autres facteurs de risque, souvent imbriqués, peuvent aussi expliquer une obésité infantile. 

Dans le cas d’une obésité dite "commune" (la plus courante)

L’obésité peut être favorisée par des facteurs génétiques, environnementaux, sociaux et psychologiques : 

  • un surpoids ou une obésité parentale, notamment de la mère ;
  • l'exposition du fœtus à plusieurs facteurs prédisposants pendant la grossesse : tabagisme maternel, prise de poids importante, ou encore diabète mal équilibré ;
  • un manque d’activité physique et une augmentation de la sédentarité (multiplication des heures devant l’ordinateur, le téléphone, les consoles de jeux vidéo, réduction des déplacements, etc) associés à une alimentation trop riche en produits gras et sucrés, ou gras et salés (chips, frites, sucreries, sodas, etc) ;
  • un manque de sommeil ;
  • des facteurs psychologiques (dépression, mais aussi négligences parentales, harcèlement scolaire ou abus sexuels) ;
  • des troubles du comportement alimentaire, par exemple l’hyperphagie boulimique ;

  • Il faut aussi relever l’attitude parfois inadaptée de l’entourage (mesures alimentaires trop restrictives ou permissives).

"Les difficultés socio-économiques favorisent également l’obésité infantile", relève la Dre Véronique Nègre. Les femmes sont parfois moins bien suivies et sensibilisées pendant leur grossesse. Et pour certaines familles, la priorité n’est pas de manger équilibré, mais de manger, tout simplement. À ce titre, l’industrie agro-alimentaire est de plus en plus pointée du doigt. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’elle pourrait jouer un "rôle non négligeable pour réduire l’obésité de l’enfant, en abaissant la teneur en graisses, en sucres et en sel des aliments manufacturés pour nourrissons et jeunes enfants, en garantissant à tous les consommateurs la disponibilité et l’accessibilité économique d’aliments sains et nutritifs et pratiquant une commercialisation responsable ciblant les parents de nourrissons et d’enfants".

"Les pouvoirs publics ont aussi un rôle majeur à jouer, tout particulièrement en adaptant l’espace public pour un accès facile à l’activité physique : zones de jeux de plein air pour les enfants et les jeunes, axes de promenade sécurisés, développement des transports publics, accès facilité à des activités sportives de loisirs, etc", souligne la pédiatre.

Dans le cas d’une obésité dite "secondaire" (plus rare)

L’obésité peut aussi être liée : 

  • à la prise de médicaments, notamment d’antiépileptiques, de psychotropes ou de corticoïdes (obésité iatrogène), 
  • à une anomalie hormonale (obésité endocrinienne), 
  • ou à une anomalie génétique, par exemple le syndrome de Prader-Willi (obésité génétique). 

Au moment de la puberté, les jeunes filles ont plus de risque de prendre du poids. "Leur corps se prépare à une éventuelle maternité et stocke plus de masse grasse, tandis que les jeunes garçons ont plutôt tendance à prendre de la masse musculaire et à s’affiner à l’adolescence", explique la pédiatre. Une fois que l’obésité est installée à l’adolescence, les jeunes filles ont également plus de mal à perdre du poids. 

Obésité infantile : quelles conséquences pour la santé ?

Certaines conséquences s’installent silencieusement et risquent de resurgir à l’adolescence ou à l’âge adulte, tandis que d’autres se manifestent plus directement. 

Des risques psycho-sociaux

L'enfant ou l’adolescent en surpoids peut être l'objet de moqueries, voire de harcèlement dès le plus jeune âge et se sentir exclu socialement. Cela peut générer une baisse de confiance en lui (en particulier chez les adolescents), un risque élevé de troubles du comportement, de désinvestissement scolaire ou de difficultés d’apprentissage

Les angoisses, le rejet et le manque d’estime de soi peuvent aussi être à l’origine de conduites addictives ou de troubles du comportements alimentaires (TCA) qui participent à l’aggravation de l’obésité.

"L'environnement joue un rôle essentiel, mais l’entourage doit aussi se mobiliser pour soutenir l’enfant ou l’adolescent en situation d’obésité. Les professionnels de santé sont là pour permettre la prise de conscience et la motivation de l’enfant et de son entourage, sans les culpabiliser ou les stigmatiser", insiste Véronique Nègre.

Pour aider votre enfant à avoir une meilleure image de lui et à reprendre confiance en lui, il faut par exemple éviter les commentaires négatifs sur son poids ou son apparence et mettre l'accent sur les bonnes habitudes à prendre. Vous pouvez par exemple le complimenter sur ses progrès, des aspects de sa personnalité ou de son comportement (par exemple, le fait qu’il se serve de plus petites portions, qu’il sourit, qu’il gagne en autonomie, etc). 

Des risques médicaux

Outre les complexes, il ne faut pas négliger les conséquences physiques à long terme. Les enfants en situation d’obésité sont plus susceptibles de le rester à l’adolescence l’âge adulte. Ils sont alors exposés à plusieurs maladies, en fonction de l’âge auquel l’obésité s’est constituée, et de sa durée : 

  • risque de résistance à l’insuline (souvent le signe avant-coureur d’un diabète), 
  • risque accru d’anomalies sanguines du cholestérol et/ou des triglycérides, 
  • risque accru d'hypertension ou d’asthme,
  • risque accru de troubles du sommeil (apnées obstructives du sommeil, ronflements, somnolence, réveils nocturnes), 
  • risque de troubles musculo-squelettiques (douleurs, etc),

  • mauvaise tolérance à l’effort (essoufflement, etc).

Et à l’âge adulte risque de complications cardiovasculaires et risque accru de développer certains types de cancer (cancer de l’endomètre, cancer du sein ou cancer du côlon).

L’excès de poids entraîne aussi des conséquences morphologiques et esthétiques (vergetures, gynécomastie, hypersudation, verge enfouie, etc) qui peuvent être source de souffrance physique et psychique pour l’enfant et l’adolescent.

Mon enfant est-il obèse ? Quels signes doivent alerter ?

Les parents et l’entourage ont parfois du mal à se rendre compte que l’enfant ou l’adolescent glisse dans l’obésité. Mais certains signes ne trompent pas, rappelle l’Assurance maladie (source 3) : 

  • vous devez habiller votre enfant avec des vêtements dont le tour de taille est de plus en plus large ;
  • votre enfant est essoufflé durant ses déplacements quotidiens ou lorsqu’il pratique une activité physique ; 
  • votre enfant se plaint des moqueries de son entourage sur son apparence, se renferme sur lui-même (phobie scolaire, addiction aux jeux vidéo, etc) ou adopte des comportements à risque (trouble du comportement alimentaire par exemple). 

Certains signes alertent particulièrement les professionnels de santé

Certains signes alertent particulièrement les professionnels de santé lors des visites médicales : 

  • un rebond d’adiposité précoce ou une ascension continue de la courbe IMC depuis la naissance,  
  • une évolution très précoce et/ou rapide de la courbe de corpulence, quel que soit l’âge de l’enfant. 

D’autres signes peuvent parfois amener à rechercher une obésité "secondaire" :

  • un ralentissement de la croissance, visible sur la courbe de taille du carnet de santé,
  • une anomalie morphologique ou sensorielle,
  • un retard de développement physique ou mental.

Existe-t-il un poids idéal pour les enfants ?

Le poids idéal n’existe pas (ni chez l’enfant, ni même chez l’adulte). "Les courbes de corpulence que l’on retrouve sur le carnet de santé définissent des fourchettes de poids ‘idéal’ en fonction du sexe et de la taille de l’enfant. La marge de poids est très large entre le haut et le bas de la fourchette, l’écart peut être de 10 à 15 kg", insiste le Dr Nègre. Ce qui importe donc, plus que le poids, c’est l’harmonie de l'évolution de la courbe de corpulence chez l’enfant. 

Faut-il mettre son enfant au régime ?

Surtout pas ! Cela risquerait d’induire des carences ou des comportements alimentaires compulsifs. Les régimes à visée amaigrissante, quelle qu'en soit la nature (hypocalorique ou hyperprotidique, etc.), sont proscrits chez l'enfant. Au mieux, ils sont inefficaces ; au pire, ils sont nocifs à long terme et deviennent le terreau d’addictions amplifiées à la nourriture. 

"On ne cherche jamais à faire 'maigrir' un enfant en surpoids par le biais d’un régime. L’idée est plutôt de l’aider à ralentir sa prise de poids, le temps qu’il s’affine naturellement pendant la croissance. Cela n’a aucun intérêt et cela peut-être dangereux de faire perdre du poids à un enfant en période de croissance, qui en reprendra forcément avant d’arriver à sa morphologie d’adulte", insiste la pédiatre. 

Les professionnels préconisent en revanche que toute la famille participe à l’effort fourni par l'enfant ou l’adolescent en situation d’obésité : "manger plus équilibré et pratiquer une activité physique est intéressant pour tous, que l'on soit en surpoids ou non.

L’enfant intégrera beaucoup plus rapidement les nouvelles normes alimentaires ou sportives s’il les pratique collectivement, en famille", poursuit-elle.

Obésité infantile : qui consulter ? quelle prise en charge ?

"La clé d’une prise en charge réussie est la proximité", insiste Véronique Nègre. La prise en charge de l’obésité infantile débute généralement chez le médecin traitant (pédiatre et généraliste). Idéalement, elle doit être pluridisciplinaire (médicale si besoin, alimentaire, sportive, psychologique, etc). Si le médecin détecte l’obésité suffisamment tôt, il peut assurer lui-même le suivi et coordonner l’accompagnement de l’enfant ou de l’adolescent par plusieurs professionnels. "Les rendez-vous peuvent être assez rapprochés au début, tous les mois par exemple, et être assurés par différents professionnels si possible, puis on espace les délais progressivement en fonction des situations", préconise le Dr Nègre. 

Concernant l'accueil des enfants ou adolescents souffrant d’obésité en établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR), le Dr Véronique Nègre se veut mesurée : "ce type de prise en charge en hospitalisation complète (internat) peut avoir un impact psychologique sur les plus jeunes enfants et adolescents du fait de la séparation avec la famille. De plus, il peut être alors difficile d’amener la famille à opérer les changements indispensables après le retour de l’enfant. Ces séjours doivent donc être réservés à de grands adolescents, capables d’autonomie. Une prise en charge en SSR de proximité, en hospitalisation de jour peut être par contre particulièrement intéressante quel que soit l’âge de l’enfant".

Pourquoi la chirurgie bariatrique est-elle déconseillée chez l’enfant ? Quelles sont les conditions exceptionnelles qui peuvent la justifier ?

La chirurgie de l’obésité (chirurgie bariatrique) ne peut être envisagée qu’en dernier recours chez les mineurs, après échec d’une prise en charge pluridisciplinaire et après une période de préparation d’un à deux ans en CSO à compétence pédiatrique. “On fait tout pour l’éviter, insiste la pédiatre. Les opérations sont inenvisageables avant 15 ans, sauf cas très exceptionnel, car la croissance de l’enfant doit être terminée. On pratique principalement des sleeve gastrectomies (qui consistent à réduire d’environ deux tiers la taille de l’estomac) ou la pose d'anneaux gastriques (permettant de diminuer le volume de l’estomac qu’on peut remplir en mangeant et de ralentir le passage des aliments). 

Des critères physiologiques et psychologiques spécifiques permettent d’établir la pertinence de l’opération, comme le rappelle la Haute Autorité de santé dans un avis publié en juin 2019 (source 4). L’enfant ou l’adolescent doit :

  • être âgé d’au moins 15 ans (entre 13 et 15 ans la décision est prise au cas par cas) ;
  • avoir atteint un stade de croissance osseuse et de puberté suffisant ;

  • présenter un IMC équivalent à plus de 35 kg/m² avec au moins une comorbidité sévère ou un IMC équivalent à plus 40 kg/m² avec une altération majeure de sa qualité de vie ;
  • avoir la maturité psychologique assurant sa bonne compréhension des risques (et celle de son entourage) ;
  • s’engager à adapter durablement son mode de vie et à mettre en place un suivi médical régulier.

Comment prévenir l’obésité infantile ?

"L’objectif de la prévention contre l'obésité de l'enfant consiste à atteindre un équilibre énergétique susceptible d'être maintenu pendant toute la vie de l'individu", rappelle l’OMS (source 1). Elle recommande : 

  • de limiter l’apport énergétique provenant de la consommation de graisses et de réduire la consommation des graisses saturées au profit de graisses non-saturées, 
  • de limiter la consommation de sucre
  • d’augmenter la consommation de fruits, de légumes, de légumineuses, de fruits secs et de céréales complètes
  • et d’inciter les enfants à pratiquer une activité physique modérée à intense, au moins 60 minutes par jour, qui soit appropriée du point de vue du développement et qui implique diverses activités.

Pour plus d’informations : 

L’enfant en surpoids - Conseils de vie au quotidien, Ed.John Libbey Eurotext, Dr Véronique Nègre et Dr Blandine Mellouet-Fort, juin 2020

- Webdocumentaire “Surpoids de l’enfant : comment (re)trouver l’équilibre ?”, écrit et réalisé par le Dr Blandine Mellouet-Fort 

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