Un échauffement pour Paul Manafort ? Le procès de l’ex-directeur de campagne de Donald Trump s’ouvre ce mardi et devrait durer au moins trois semaines. Le conseiller politique doit répondre devant la justice à des accusations de fraude fiscale et de blanchiment d’argent. Pour The New York Times, cet épisode judiciaire est à suivre attentivement, car il s’agit du premier procès découlant des accusations portées par Robert Mueller, le procureur spécial chargé d’enquêter sur les soupçons d’ingérence russe dans la présidentielle américaine.

Une situation financière trouble

Paul Manafort est accusé d’avoir blanchi et encaissé, via des comptes offshore, pas moins de 30 millions de dollars provenant du chef du gouvernement ukrainien prorusse Viktor Ianoukovitch (dont il a été le conseiller), et ce depuis 2006. L’ancien conseiller politique est également soupçonné d’avoir enfreint le droit fédéral relatif à l’obstruction à la justice et à l’obligation, pour les lobbyistes représentant des intérêts étrangers, de déclarer leurs activités au ministère de la Justice. Il risque jusqu’à trente ans d’emprisonnement, prévient le New York Times.

Pour prouver la culpabilité de Paul Manafort, “les procureurs doivent démontrer qu’il a sciemment menti au sujet de certains éléments financiers”, explique au NYT Nancy Gertner, ancienne juge de district des États-Unis et professeure de droit à Harvard. Les procureurs entendent établir qu’à partir de 2006 Manafort utilisait des comptes à l’étranger et des sociétés pour dissimuler illégalement des revenus qu’il utilisait pour s’octroyer un mode de vie fastueux (achats de tapis anciens, de vêtements, de plusieurs maisons, etc.).

D’abord assigné à résidence et contraint de porter un bracelet électronique, Paul Manafort a été accusé, en juin dernier, d’influencer des témoins. La juge de la Cour fédérale de Washington avait alors préféré lui retirer sa liberté conditionnelle.

La “chasse aux sorcières”, selon les pro-Trump

Dans ce procès, aucun élément ne relie directement l’ex-directeur de campagne de Trump à l’ingérence russe supposée lors de la présidentielle américaine de 2016. Cependant, l’ancien bras droit de Manafort, Rick Gates, est appelé à témoigner et représente un danger, puisqu’il collabore avec Robert Mueller depuis plusieurs mois, relève le NYT. Les défenseurs de Manafort n’ont d’ailleurs pas hésité à accuser le procureur chargé de l’enquête d’abuser de son pouvoir dans le but de relier cette affaire au président Trump.

Thomas Ellis, juge responsable de l’affaire examinée en Virginie, a fait l’observation suivante aux procureurs lors d’une séance préliminaire : ‘Peu importe la fraude bancaire dont s’est rendu coupable M. Manafort. Ce qui compte, ce sont les informations que M. Manafort peut vous donner sur M. Trump ou qui peuvent mener à des poursuites, à une destitution ou autre chose.’

Ce à quoi l’accusation a répondu : “L’équipe de Mueller a ‘remonté la piste de l’argent versé par des fonctionnaires prorusses’ à Manafort. À ce titre, le procureur était parfaitement dans son droit”, relate le quotidien new-yorkais.

Un procès feuilleton

La justice américaine a décidé de diviser en deux épisodes ce procès pour blanchiment d’argent et fraude fiscale, puisque les chefs d’accusation interviennent dans deux États différents (en Virginie et à Washington). Les avocats de Manafort y voient l’espoir d’une plus grande clémence en Virginie, explique le NYT. Dans cet état, la liste des jurés est plus conservatrice sur le plan politique, alors qu’elle est démocrate à Washington.

En conclusion, résume The New York Times :

Si Paul Manafort est reconnu coupable, il sera plus difficile pour Trump et ses sympathisants d’affirmer que Mueller se livre à une ‘chasse aux sorcières’. S’il est acquitté, les partisans du président insisteront d’autant plus pour que Mueller conclue son enquête.”

Enfin, le feuilleton se poursuivra en septembre, puisque le rôle de l’ancien conseiller dans l’ingérence russe fera l’objet d’un nouveau procès.