Héritage : il n'y a pas qu'en Tunisie que les femmes sont discriminées lors d’une succession

Anaïs Condomines
Publié le 15 août 2018 à 7h24, mis à jour le 15 août 2018 à 7h54
Héritage : il n'y a pas qu'en Tunisie que les femmes sont discriminées lors d’une succession

ÉGALITÉ - La Tunisie s'apprête à examiner un texte inédit dans le monde arabe permettant aux femmes d'hériter autant que les hommes. De nombreux pays, aux quatre coins de la planète, ont aujourd'hui recours à des pratiques inégalitaires en matière de succession. Tour d'horizon de ces discriminations.

Ce pourrait être une petite révolution. En Tunisie, le président Béji Caïd Essebsi a annoncé lundi 13 août son soutien à un projet de loi permettant l'égalité devant l'héritage. Jusqu'à présent dans ce pays, un homme hérite en principe le double d'une femme située au même rang de parenté dans une famille. 

Les associations tunisiennes qui se battent pour les droits des femmes placent un grand espoir dans ce texte inédit. Et croisent les doigts pour que des pays voisins, notamment le Maroc, suivent le même chemin. Mais il n'y a pas que les Tunisiennes et les Marocaines qui n'ont pas les mêmes droits que les hommes en matière d'héritage. Cette discrimination sexiste s'étend en différents endroits du globe, bien au-delà du monde arabe. 

Des lois discriminatoires en Algérie, en Iran, au Liban...

La dernière étude d'envergure sur le sujet remonte à 2014. Il s'agit de l'Index sur les institutions sociales et l'égalité homme-femme (SIGI) de l'OCDE. Postée en ligne sur le site de Gender Index, cette base de données est riche d'enseignements sur l'égalité entre les sexes à travers le monde. On y apprend ainsi que, sur les 160 pays étudiés par cet index, seuls cinquante-cinq accordent les mêmes droits aux hommes et aux femmes dans les deux principaux cas de succession : si une personne devient veuve, d'une part, ou orpheline, d'autre part. 

Aux côtés de la Tunisie, parmi les Etats qui empêchent (pour l'instant) les femmes d'accéder à l'héritage, figurent de nombreux pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. C'est notamment le cas en Algérie, en Irak, au Qatar, aux Emirats arabes-Unis, mais aussi en Iran et au Liban. Des lois similaires existent aussi en Afrique subsaharienne comme au Nigeria, au Malawi ou au Tchad. Même traitement discriminatoire envers les femmes au Bangladesh et au Pakistan.

En France, un droit acquis depuis la Révolution

A l'inverse, les pays d'Europe du Nord, à l'instar de la Norvège, de la Suède ou du Danemark - où les droits des femmes sont particulièrement avancés - garantissent une égalité devant l'héritage, dans la loi comme dans la pratique. C'est aussi le cas de l'Allemagne, du Luxembourg, de la Croatie, de la Turquie, de la Roumanie, de la Russie, de l'Australie et du Japon. L'Islande, la Nouvelle-Zélande ou encore l'Argentine figurent aussi parmi les bons élèves. En France, l'égalité dans la succession est acquise, en tout cas en droit, depuis les lois de la Révolution, en 1791. 

Et puis, il y a les autres. Ces pays où la situation est plus nuancée. On vous explique : par exemple, en Suisse ou en Guinée, les femmes bénéficient en théorie des mêmes droits que les hommes en matière de succession. Mais les observateurs de l'OCDE ont déterminé qu'en pratique, les veuves sont généralement lésées, même si la loi est de leur côté. En Espagne ou à Hong-Kong, c'est l'inverse : dans les faits, on se rend compte que les orphelines ne touchent pas leur part de l'héritage, quand bien même les textes de loi assurent l'égalité. Enfin, le hiatus entre la loi et la réalité de son application est encore plus visible en Grèce, aux Philippines, en Chine, au Brésil, au Pérou ou au Mali, où orphelines comme veuves sont laissées de côté, même si la loi exige le contraire. Preuve qu'une victoire législative en Tunisie ne serait qu'une partie du chemin parcouru; reste ensuite à véritablement faire appliquer ce principe et à l'ancrer dans les habitudes. 


Anaïs Condomines

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