Les Etats membres de l'ONU donnent le coup d'envoi ce 4 septembre à deux semaines de négociations destinées à préparer un traité international contraignant sur la haute mer. Des négociations qui doivent durer deux ans. Objectif : protéger la biodiversité marine et éviter que les océans ne se dégradent davantage.

C’est un traité que plusieurs experts qualifient d’historique. Il est prévu pour 2020 et doit protéger la haute mer, cette partie des océans située au-delà des 200 milles marins et qui échappe à toute juridiction nationale. L’objectif est aussi ambitieux que crucial : il doit permettre de protéger la biodiversité marine, en déclin, et éviter que les océans ne se dégradent davantage.
Parmi les mesures qui doivent être discutées dans les deux ans à venir : la création d’aires marines protégées, la mise en place d’évaluations d’impacts environnementales, le partage des avantages sur les ressources maritimes génétiques (qui peuvent notamment servir pour des médicaments) ainsi que le renforcement des capacités et transferts de technologies marines. Il y a urgence car les océans souffrent déjà à la fois des activités humaines et du changement climatique.
La haute mer, deux tiers des océans, la moitié de la planète
"La haute mer couvre la moitié de notre planète et contribue de façon essentielle au bon fonctionnement de l’océan dans son ensemble et à celui de toute la vie sur Terre", explique ainsi Peggy Kalas, coordinatrice de la High Seas Alliance, qui regroupe plus de 40 ONG et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Or, "l’actuel système de gouvernance de la haute mer est faible, fragmenté et inadapté pour répondre aux menaces qui pèsent désormais sur nous au XXIè siècle en conséquence du changement climatique, de la pêche illicite et de la surpêche, de la pollution plastique et de la perte des habitats. Il s’agit là d’une occasion historique de protéger la biodiversité et les fonctions de la haute mer par des engagements juridiquement contraignants", assure-t-elle.
Une zone surexploitée, sans protection
Aujourd’hui en effet, la haute mer reste un espace très peu réglementé. Une Convention sur le droit de la mer de 1982 est bien entrée en vigueur en 1994 mais sans la participation des Etats-Unis. Et celle-ci consacre pour la haute mer un principe de liberté, de survol, de navigation, de pêche et de recherche scientifique.
Depuis cette convention, les activités se sont considérablement développées dans les océans. Le transport maritime de marchandises s’est accéléré, des câbles sous-marins reposent dans le fond des océans, et leurs ressources suscitent de multiples convoitises. "La pêche industrielle, le changement climatique et les effets d’autres industries extractives ont commencé à ébranler la vie marine. Nous avons la responsabilité commune de protéger nos océans mondiaux avant qu’il ne soit trop tard", souligne Sandra Schoettner de l’organisation Greenpeace.
Et ce n’est qu’un début. Car les fonds marins offrent une richesse génétique sans pareil qui intéresse notamment les secteurs de la chimie, de l’industrie pharmaceutique ou de la cosmétique. Aujourd’hui, le principe qui prévaut est celui du "premier arrivé, premier servi". Et c’est le géant allemand BASF s’est taillé la part du lion, concentrant 47% des brevets déposés sur les ressources marines génétiques. Le sujet, hautement sensible et stratégique, sera aussi "le plus complexe d’un point de vue technique et juridique car il renvoie à la création d’un mécanisme pour lequel il n’y a pas beaucoup de modèle", avertit Julien Rochette, directeur du programme Océan à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales).
Les océans, poumons bleus de la planète
Protéger les océans est pourtant capital pour lutter contre le changement climatique. L’océan, lui-même très affecté par les changements climatiques, absorbe pourtant 90 % de l’excès de chaleur et 26 % de l’excès de dioxyde de carbone produit par l’homme.
"Ces négociations représentent un tournant décisif pour les protections marines. Nous comprenons maintenant beaucoup mieux l’interdépendance de l’océan mondial avec la santé de la planète", assure ainsi Liz Karan de l’ONG Pew basée à Philadelphie aux Etats-Unis. Pour Greenpeace, "la vie de nos mers dépend du résultat des deux prochaines années de négociations, du plus petit plancton aux dauphins, aux tortues et aux grandes baleines".
Béatrice Héraud avec AFP

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