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Pourquoi le fisc veut poursuivre l’ex-ministre Laura Flessel en justice

Selon nos informations, le fisc a découvert que d’importantes sommes ont été prises du compte de son ex-société pour alimenter son compte personnel.

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Publié le 04 septembre 2018 à 17h27, modifié le 05 septembre 2018 à 11h38

Temps de Lecture 4 min.

Laura Flessel à Paris, en septembre 2017.

Derrière la démission surprise de la ministre des sports Laura Flessel, se cache une affaire de fraude fiscale et au-delà, selon nos informations, d’abus de bien social potentiel, qui aurait pu devenir explosive pour le gouvernement d’Edouard Philippe.

Mardi 4 septembre, l’ex-championne olympique d’escrime a annoncé son départ du gouvernement « pour raisons personnelles », en marge du remaniement ministériel lié au renoncement de Nicolas Hulot, l’ex-ministre de la transition écologique. Annoncée par communiqué à la mi-journée, sa démission n’était pas attendue alors que les regards étaient braqués vers d’autres ministères. La ministre avait en fait exprimé son désir d’arrêter dès le retour des vacances, glissent à ce moment-là les macronistes sans donner plus de détails sur ce départ surprise.

Dans l’après-midi, Le Canard Enchaîné daté du 5 septembre et le site d’informations Mediapart dévoilent un autre élément à l’origine de cette décision : un récent contrôle fiscal embarrassant pour la ministre, en raison de « manquements déclaratifs concernant une société » gérant ses droits à l’image d’ancienne sportive médaillée, Flessel & Co, susceptible d’entraîner des poursuites judiciaires.

Le premier ministre avait reçu Laura Flessel dimanche 2 septembre et lundi pour évoquer sa démission. Interrogé au 20 heures sur TF1, Edouard Philippe a refusé de commenter les raisons qui ont poussé Mme Flessel vers la sortie. « Elle a décidé de ne pas rester au gouvernement, pour des raisons qu’elle a qualifiées de raisons personnelles, permettez-moi d’avoir le minimum d’élégance que de respecter les raisons personnelles qu’elle a invoquées », a éludé le chef du gouvernement.

Irrégularités

Après la découverte de ces « manquements », dans le cadre des « vérifications de la situation fiscale » que supervise désormais la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour tous les ministres entrant en fonction, l’administration fiscale a jugé nécessaire de porter plainte contre la ministre alors en poste. La direction générale des finances publiques a pour ce faire transmis son dossier avant l’été, pour avis, à la commission des infractions fiscales (CIF).

Cette autorité administrative indépendante détient en effet le pouvoir en matière de poursuites pénales pour fraude fiscale. Il lui appartient donc de valider, ou non, le souhait de l’administration fiscale de poursuivre en justice l’ex-ministre – sachant que dans 95 % des cas, la CIF suit l’analyse de l’administration des impôts. Dans le cas Flessel, les impôts éludés portent sur plusieurs dizaines de millers d’euros.

Selon les sources du Monde, le contrôle fiscal lancé en 2017 sur les comptes de Laura Flessel, pour les trois années précédentes comme l’autorise la loi, a mis au jour des irrégularités de deux ordres. Il a d’abord révélé des anomalies dans les comptes de la société Flessel & Co, que détenait alors toujours la ministre des sports avec son mari, Denis Colovic, à raison de 87,5 % du capital pour elle, comme l’indiquent ses déclarations d’intérêts et de patrimoine déposées auprès de la HATVP en vertu de la loi.

Mme Flessel et M. Colovic sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, précisent ces déclarations. Le registre des sociétés indique que Flessel & Co, créée en 2006 et dont la gérance a d’abord été assumée par l’ex-escrimeuse, avant d’être reprise par son mari du fait de son entrée au gouvernement, a été dissoute de manière anticipée et placée en liquidation amiable, par une décision du 30 septembre 2017.

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Surtout, le contrôle du fisc a permis d’établir que d’importantes sommes d’argent, prélevées sur les comptes de la société Flessel & Co, avaient atterri sur les comptes personnels du couple. Ces revenus auraient été ponctionnés en toute illégalité et n’auraient pas été déclarés aux impôts. A la clé de cette analyse : en plus de la fraude fiscale, un soupçon d’abus de bien social qu’il appartiendrait à la justice de caractériser, si une procédure judiciaire devait être ouverte.

Gouvernement averti durant l’été

C’est en raison de la gravité de ces faits que l’administration fiscale a décidé de saisir la CIF afin d’engager des poursuites pénales, en plus du contrôle fiscal qui, selon les informations du Monde, a déjà été engagé à l’encontre de l’ancienne ministre.

Sitôt la démission de Laura Flessel annoncée, mardi, son entourage s’est employé à défendre son bilan à la tête du ministère des sports ainsi que la probité de l’ex-ministre, insistant encore sur les « raisons personnelles » à l’origine de sa démission. « Laura Flessel n’a commis aucune faute à titre personnel, les faits portent sur une société dont son mari était le gérant et ne sont pas à l’origine de sa démission », faisait-on ainsi valoir dans son entourage. De leur côté, ni la HATVP ni Bercy n’ont souhaité faire de commentaire sur l’affaire.

La déclaration d’intérêts de l’ex-ministre auprès de la HATVP, publiée en ligne, montre qu’elle a assumé la gérance de Flessel & Co durant les années 2013 à 2016, pour des revenus nets totaux déclarés de 103 221 euros sur cette période.

Pour l’exécutif, averti dans le courant de l’été des démêlés de la ministre avec le fisc et du risque de potentielles poursuites judiciaires, le maintien de Laura Flessel était impensable. Alors que le premier round de vérifications express conduit avant la nomination du gouvernement en mai 2017, sur tous les ministres pressentis, auprès de la HATVP et de l’administration fiscale n’avait révélé aucun problème concernant Laura Flessel (déclarations légales effectuées, paiement des impôts à jour…), ces vérifications approfondies post-nomination ont changé la donne.

Il est à noter que la loi de 2013 donne à la HATVP le pouvoir de prévenir le président de la République et le premier ministre, en cas de problèmes lors de la vérification des situations fiscales des ministres une fois nommés.

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