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Nature & environnement

La politique climatique du Canada suspendue à un oléoduc

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Manifestation contre le projet d'élargissement du pipeline Trans Mountain le 10 mars 2018 à Burnaby (Colombie-Britannique)
Manifestation contre le projet d'élargissement du pipeline Trans Mountain le 10 mars 2018 à Burnaby (Colombie-Britannique)
AFP/Archives - Jason Redmond

En suspendant l'élargissement d'un oléoduc pour des raisons environnementales, la justice canadienne a non seulement suscité l'ire de l'industrie pétrolière, mais également compromis le plan climatique du gouvernement de Justin Trudeau, qui cherche désormais la parade.

La Cour d'appel fédérale a ordonné le jeudi 30 août l'arrêt des travaux d'élargissement du pipeline Trans Mountain, reliant les champs pétroliers d'Alberta au port de Vancouver, car les autorités ont mal mesuré l'impact environnemental du projet, notamment la hausse du trafic de pétroliers qui navigueront sur la côte pacifique pour exporter ces hydrocarbures vers l'Asie.

Le gouvernement de M. Trudeau, qui revendique régulièrement un leadership international sur les questions d'environnement, avait autorisé fin 2016 ces travaux, ainsi que la construction de deux autres pipelines.

"C'était un compromis servant à convaincre les provinces pétrolières d'en faire plus pour le climat, pas moins", rappelait lundi le quotidien La Presse en éditorial.

Tel qu'il s'y est engagé en 2015 dans l'Accord de Paris sur le climat, le Canada veut réduire de 30% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2030 par rapport à leur niveau de 2005, et de 80% d'ici 2050.

Pour ce faire, Ottawa compte sur un "prix national sur le carbone" fixé à 20 dollars la tonne en 2019 pour atteindre 50 dollars en 2022 sur les carburants et produits pétroliers.

Le concours de l'Alberta apparaît décisif, car cette province de l'Ouest, sise sur les troisièmes réserves mondiales d'or noir, émet 37% des GES du Canada, avec seulement 12% de la population du pays.

Mais l'arrêt de l'agrandissement de Trans Mountain a sonné le glas de la collaboration albertaine. "J'ai toujours dit en signant le plan fédéral sur le climat que cela devait s'accompagner de l'oléoduc Trans Mountain", a déclaré Rachel Notley, Première ministre de cette province.

L'Alberta rejoint ainsi l'Ontario --province la plus riche et la plus peuplée-- et la Saskatchewan dans leur fronde contre la taxe fédérale sur le carbone.

"Le gouvernement Trudeau perd un allié dans la promotion du plan pancanadien de lutte contre le réchauffement climatique", résume à l'AFP Pierre-Olivier Pineau, de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie à HEC Montréal.

"Le retrait de l'Alberta, conjugué à celui de l'Ontario, affaiblit davantage le plan climatique canadien, alors qu'il n'était déjà pas à la hauteur et ne permettait pas d'atteindre la cible de réduction des GES que le Canada s’est fixée pour 2030", a renchéri Greenpeace.

- Une question de "crédibilité" -

Appelant Justin Trudeau à ne "pas se faire tirer davantage vers le bas par l'Alberta", l'ONG écologiste a exhorté le Premier ministre à "faire un virage à 180 degrés et aligner ses politiques de manière à respecter l'Accord de Paris".

Etat fédéral accordant une large autonomie aux provinces, le Canada comptait sur les initiatives locales pour rendre possible la réduction des GES. La tarification fédérale du carbone devait ainsi s'imposer dès le 1er janvier 2019 aux provinces n'ayant prévu aucune mesure similaire.

Les provinces avaient jusqu'au 1er septembre pour soumettre leur plan au ministère fédéral de l'Environnement, sachant que la Colombie-Britannique et le Québec disposent déjà d'une bourse sur le carbone et que l'Alberta a instauré en 2017 une taxe locale sur le carbone à 30 dollars la tonne.

Dans les faits, le gouvernement albertain de centre-gauche de Mme Notley a seulement "annulé l'augmentation dans trois ans de la taxe provinciale, tel que prévu pour suivre le plan canadien", souligne M. Pineau.

M. Trudeau a déjà assuré que son gouvernement ferait le nécessaire pour que l'oléoduc Trans Mountain, nationalisé vendredi au prix de 3 milliards d'euros, soit bel et bien construit, comme l'exige l'Alberta. Son gouvernement peut contester la décision devant la Cour suprême ou revoir sa copie en suivant les recommandations de la Cour d'appel.

Entre la défiance albertaine, la guérilla juridique de l'Ontario et de la Saskatchewan et la volonté de l'opposition conservatrice - qui talonne M. Trudeau dans les sondages - d'annuler cette taxe si elle devait être élue fin 2019, "ce sont des obstacles supplémentaires" à la réalisation du plan climat du gouvernement libéral, observe le professeur d'HEC.

Pour lui, "si Justin Trudeau a choisi de défendre bec et ongles, de manière irrationnelle, son oléoduc, il va défendre de manière similaire son plan sur le climat, il va aller de l'avant, ne serait-ce que pour sa crédibilité".

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