La baisse de la fertilité masculine menace l’humanité

Les hommes connaissent une baisse radicale de leurs spermatozoïdes depuis des décennies. En cause : les perturbateurs endocriniens.
La baisse de la fertilité masculine menace l’humanité

Les hommes sont condamnés. Voilà la conclusion d’une longue enquête du magazine GQ. En cause : les représentants mâles de notre espèce, qui connaissent une baisse radicale de leur production de spermatozoïdes depuis des décennies. Est-il encore temps de renverser cette tendance, liée selon la communauté scientifique à la présence massive de perturbateurs endocriniens ?

En 1983, dans Le Sens de la Vie, les Monty Python proclamaient en chanson que «  chaque sperme est sacré ».

La violente charge anticléricale de la bande à John Cleese pourrait bien revêtir une autre signification en ce début de XXIe siècle. Car le sperme des hommes est aujourd’hui menacé.

Vers la disparition des spermatozoïdes ? 

C’est en tout cas la conclusion d’une enquête du magazine américain GQ : «  Les hommes sont sur la bonne voie pour plonger l’espèce entière dans le néant ». Cette sombre prophétie s’appuie sur une étude scientifique de l’Université hébraïque de Jérusalem et de la Mount Sinaï Medical School, qui concluait à l’été 2017 que la production de sperme avait chuté de 50 % en 40 ans en Europe, aux Etats-Unis et en Australie.

« Nous produisons la moitié du sperme que nos grand-pères produisaient »

En résumé, « nous produisons la moitié du sperme que nos grand-pères produisaient. Nous sommes moitié moins fertiles », écrit GQ.

L’étude de l’Université hébraïque de Jérusalem et de la Mount Sinaï Medical School, menée par une équipe internationale d’épidémiologistes, de médecins et de chercheurs, s’appuie sur la compilation de données issues de 185 études, qui ont examiné le sperme de presque 43 000 hommes à travers le monde. Leur conclusion, résumée par GQ : «  la race humaine est apparemment sur une tendance linéaire qui la conduit vers l’incapacité à se reproduire ».

Se pose alors la question des causes de cette baisse drastique, qui a vu le liquide séminal de l’homme passer de 99 millions de spermatozoïdes par millilitre en 1974 à 47 millions en 2011. Et vous avez sans doute déjà entendu parler du coupable principal de cette baisse désastreuse.

Un futur bien sombre pour les spermatozoïdes

Interrogé par GQ, l’endocrinologue danois Niels E. Skakkebæk est catégorique : « l’épidémie d’infertilité » qui frappe son pays est provoqué notamment par une «  perturbation dans le développement intra-utérin du foetus mâle ». Un développement qui peut être entaché par plusieurs facteurs comme le stress ou l’obésité. Mais celui qui retient l’attention de plus en plus de chercheurs commence à être bien connu : il s’agit des perturbateurs endocriniens, ces molécules qui agissent sur notre équilibre hormonal.

Pour GQ, c’est bien «  la révolution industrielle et l’industrie pétrochimique » qui sont donc responsables du fait que « les humains ont commencé à ingérer de nombreux composés chimiques qui ont affecté nos hormones, y compris, et surtout, les oestrogènes et la testostérone ».

Et les nombreux scientifiques interrogés par le magazine confirment tous cette intuition. Parmi eux, la biologiste Anna-Maria Anderson, qui travaille sur le déclin des niveaux de testostérone et pour qui « la révolution chimique a conduit à une expérimentation globale sur le corps humain sans que personne n’en prévoit les résultats ».

« Nous devrions espérer le meilleur mais se préparer au pire : la possibilité que l’espèce humaine s’éteigne »

Ces perturbateurs endocriniens, utilisés dans la production de plastique, peuvent avoir un effet dévastateur sur nos systèmes reproductifs. Les phtalates notamment, miment les oestrogènes dans le système sanguin. Un homme exposé aux phtalates produit donc moins de testostérone, et moins de spermatozoïdes.

Un problème qui prend une toute autre proportion quand on sait que ces composés chimiques sont partout, et que leurs effets néfastes augmentent de génération en génération. En cause : l’hérédité épigénétique. Derrière ce terme se cachent des mécanismes qui ne modifient pas notre patrimoine génétique mais qui jouent un rôle fondamental dans le développement de l’embryon, en modifiant la façon dont nos gènes s’expriment. Et ce mécanisme est héréditaire.

La série de bande-dessinées Y, Le Dernier Homme, met en scène les aventures de Yorick, dernier représentant mâle sur Terre à la suite d’un mystérieux virus

Le futur de nos spermatozoïdes ne semble donc pas très joyeux. Surtout quand l’un des coauteurs de l’étude, Hagai Levine, estime auprès de GQ que « nous devrions espérer le meilleur mais se préparer au pire : la possibilité que l’espèce humaine s’éteigne. C’est une possibilité que nous devons considérer avec sérieux. Je ne dis pas que ça va arriver, mais que c’est une possibilité. Ce n’est pas une prédiction, mais nous devons nous y préparer. Et nous ne le faisons pas ».

Malgré les scientifiques, ONG, ou politiques qui alertent régulièrement sur les dangers que représentent les perturbateurs endocriniens pour les générations futures, ces derniers ne sont pas prêts de disparaître du globe : l’industrie chimique veille à leur longévité. Quelles solutions s’offriront à  l’humanité si elle se retrouve sans spermatozoïdes ? De nouvelles technologies qui permettraient d’utiliser des cellules souches pour produire des spermatozoïdes sont déjà expérimentées. Plus besoin des hommes, donc, pour assurer le processus de reproduction. De quoi modifier l’humanité en profondeur, et donner du grain à moudre aux auteurs de science-fiction.

 

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Image à la une : capture d’écran de la série Big Mouth, © Netflix