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Nucléaire

EDF veut prolonger les réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans

Une consultation publique a été lancée, jeudi 6 septembre, sur les améliorations à apporter aux réacteurs nucléaires de 900 MW pour prolonger leur exploitation au-delà de quarante ans. Alors que la programmation pluriannuelle de l’énergie doit être dévoilée le mois prochain et que le Premier ministre vient de revoir à la baisse les ambitions de réduction de la part de l’atome dans le mix énergétique, la perspective d’une sortie progressive du nucléaire s’éloigne.

Quels travaux effectuer pour pouvoir prolonger l’exploitation des réacteurs nucléaires de 900 mégawatts (MW) au-delà de quarante ans ? C’est la question qui sera posée aux Français dans le cadre d’une concertation publique organisée par le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire (HCTISN), lancée jeudi 6 septembre et qui se prolongera pendant six mois, jusqu’à fin mars 2019.

La France compte cinquante-huit réacteurs nucléaires répartis dans dix-neuf centrales, qui produisent 75 % de l’électricité consommée sur le territoire. Les huit plus anciens, d’une puissance de 900 MW, ont été mis en service entre 1978 (centrale nucléaire de Fessenheim) et 1983 (Saint-Laurent-des-Eaux). Ils approchent (voire ont atteint pour ceux de Fessenheim) l’âge fatidique de quarante ans.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une limite, étant donné que le décret d’autorisation de fonctionnement du réacteur n’expire pas à cette échéance. En revanche, la réglementation impose que chaque réacteur fasse l’objet d’un réexamen tous les dix ans. Le premier réacteur à passer ce grand test de plusieurs mois sera celui de Tricastin 1, à partir du printemps 2019. Après cette inspection approfondie, l’exploitant devra livrer un dossier à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui récapitulera l’état de l’installation et proposera des améliorations à y apporter pour qu’elle puisse repartir pour une décennie. Ce document sera également soumis à enquête publique, comme prévu par la loi relative à la transition énergétique (LTE) pour les réacteurs de plus de trente-cinq ans. Après plus d’un an d’instruction et avoir pris connaissance des conclusions du débat, le gendarme du nucléaire devra se prononcer sur l’aptitude au service du réacteur. Pour Tricastin 1, ce ne sera pas avant 2021.

La possibilité de fermer ces réacteurs ne sera pas débattue

Comme les réacteurs de 900 MW ont été construits à la même période et suivant le même modèle, EDF, avant de s’attaquer aux réexamens réacteur par réacteur, a soumis à l’ASN une « Note de réponse aux objectifs » dans laquelle il décrit des améliorations génériques à apporter à ces installations sur plusieurs points : conformité des installations, comportement en cas d’accident avec ou sans fusion du cœur, résistance aux agressions internes et externes, piscine d’entreposage du combustible, etc. C’est précisément ce document de 350 pages — ou plutôt sa synthèse de vingt pages — qui sera au cœur de la consultation publique. « Et non sur la poursuite d’exploitation ou la fermeture de ces réacteurs », a bien précisé la présidente du HCTISN, Marie-Pierre Comets, lors d’une conférence de presse, jeudi 6 septembre à La Défense.

4e réexamen périodique des centrales 900 MW - Synthèse de la note de réponse aux objectifs

« Le public est invité à poser des questions et à donner son avis sur ce travail sur une plate-forme numérique dédiée et lors d’ateliers organisés à proximité des centrales nucléaires concernées avec le soutien des commissions locales d’information [Cli] », a-t-elle poursuivi. « Les premières réunions s’annoncent pour le mois d’octobre, a précisé Pierre-Franck Thomé-Jassaud, délégué communication chez EDF. Les comptes-rendus seront mis en ligne sur le site Internet et les personnes qui ne pourront pas y assister auront la possibilité d’envoyer des lettres avec leurs questions et remarques au HCTISN ». Les centrales nucléaires ont été sollicitées pour apporter une aide financière et logistique aux Cli pour l’organisation de ces événements. Le budget de la concertation, à la charge d’EDF, s’élève à 500.000 euros, a précisé M. Thomé-Jassaud.

Coût de la remise à niveau des réacteurs : 7 milliards d’euros

Pourquoi le HCTISN a-t-il lancé cette consultation qui n’était pas imposée par la réglementation ? « L’enquête publique arrive tard dans le processus de réexamen, a souligné Mme Comets. Il nous semblait important d’avoir la participation et l’avis du public non pas uniquement à la fin, mais au plus tôt sur le dossier d’améliorations génériques et tout au long du processus. » Il ne finira pas au fond d’un tiroir, a promis Isabelle Barthe, commissaire-enquêteur à la Commission nationale du débat public (CNDP) — elle est d’ailleurs membre de la commission spéciale chargée de l’organisation du débat public sur le prochain Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) — et nommée garante de la concertation. « Dans le bilan de la concertation, le maître d’ouvrage devra argumenter les raisons pour lesquels il retient certains avis et d’autres non, a-t-elle assuré. Ce bilan sera ensuite versé à l’enquête publique concernant chaque réacteur. » Le directeur du parc nucléaire d’EDF Philippe Sasseigne, lui, y voit un bon outil de communication. « La remise à niveau des réacteurs en vue de la prolongation de leur fonctionnement représente un investissement de 7 milliards d’euros. Pour nous, il est important de montrer que des centrales vieillissantes visent un niveau de sûreté très proche des réacteurs neufs. »

Le site de la consultation.

Reste que l’articulation de cette consultation avec l’élaboration de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) [1] n’est pas claire. En effet, la PPE devrait en principe comporter une liste — même non nominative — des réacteurs à fermer pour atteindre l’objectif inscrit dans la loi de transition énergétique (LTE), de réduire la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique. Les réacteurs à 900 MW, les plus vieux du parc, sont en ligne de mire. Alors, pourquoi lancer une grande consultation sur un projet d’amélioration de l’ensemble de ces réacteurs, en vue de leur prolongation ? « Cette consultation est évidemment corrélée à la PPE, a indiqué Mme Comets. Mais dans les orientations et les décisions de la PPE, qui seront dévoilées en octobre, il ne sera pas décidé d’arrêter séance tenante tous les réacteurs de 900 MW. Les améliorations à apporter définies dans le cadre de ce processus s’appliqueront aux réacteurs qui resteront en fonctionnement. » Mais, avec cette consultation, lancée le lendemain de l’annonce par le Premier ministre, Édouard Philippe, que l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % du mix électrique français ne serait atteint qu’en 2035 au lieu de 2025 comme prévu dans la LTE, la perspective d’une sortie progressive du nucléaire semble s’éloigner encore un peu plus.

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