IDLIB - Va-t-on vers une nouvelle escalade mondiale dans le conflit en Syrie? Ce vendredi 7 septembre se tient une réunion du Conseil de sécurité de l'Onu, à la demande des Etats-Unis qui redoutent que le régime de Bachar al-Assad, soutenu par la Russie, n'ait recours aux armes chimiques pour récupérer la province d'Idlib, dernier bastion encore aux mains des rebelles syriens.
En avril 2018, la ville de Douma avait été la cible d'une attaque chimique, attribuée par les pays occidentaux au régime de Bachar al-Assad. L'attaque avait fait une quarantaine de victimes, et provoqué en représailles des frappes conjointes des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni.
Depuis, une enquête a été ouverte par l'OIAC, qui a exclu l'utilisation de gaz sarin, sans pour l'instant se prononcer sur la présence de chlore. Mais à Idlib, où cohabitent quelques 3 millions de personnes, les souvenirs de ces attaques hantent les esprits.
Alors que l'offensive de l'armée syrienne et de ses alliés sur Idlib semble imminente, habitants et hôpitaux se préparent donc au pire. Mais le directeur adjoint de l'Autorité de la santé de la province évoque d'ores et déjà "d'importantes pénuries" de médicaments, de produits anesthésiants, mais aussi de masques hygiéniques ou de médicaments destinés aux patients en cas d'attaque chimique.
Pour s'y préparer, les habitants se sont donc attelés à la fabrication de masques à gaz artisanaux, réalisés à partir de gobelets en carton qu'ils remplissent de charbon et de coton, le tout enveloppé dans un sac en plastique.
"Nous faisons le peu que nous pouvons: de masques à gaz primitifs que nous pouvons placer sur le visage des enfants au cas où nous serions touchés par une attaque chimique", a ainsi confié à l'agence Reuters Hudhayfa al-Shahad, 20 ans, qui habite dans le sud de la ville, avec sa femme enceinte, leurs trois enfants, et une quinzaine d'autres personnes.
Les ONG craignent également un déplacement de population important, alors que la province a déjà accueilli la plupart des habitants d'Alep et de Homs, repris par le régime syrien. Selon les Nations Unies, une offensive violente sur la ville pourrait faire jusqu'à 800.000 déplacés.
L'éventualité d'une attaque chimique brandie par les Etats-Unis
La Syrie et la Russie ont toujours démenti avoir usé d'armes chimiques pour reprendre les fiefs rebelles, qu'il s'agisse de Khan Cheikoun ou de la Douma. Mais les pays occidentaux, et plus particulièrement les Etats-Unis, n'accordent que peu de foi à ces déclarations.
Jeudi 6 septembre, Jim Jeffrey, conseiller spécial du ministre des Affaires Etrangères américaine sur la Syrie, a d'ailleurs affirmé avoir "de nombreuses preuves" que le régime de Bachar al-Assad préparait une attaque chimique sur la province d'Idlib.
Une déclaration qui fait écho aux propos de Donald Trump, qui a mis en garde Bachar al-Assad sur Twitter quelques jours plus tôt, l'enjoignant à "ne pas attaquer imprudemment la province d'Idlib. Les russes et les Iraniens feraient une grave erreur humanitaire en prenant part à cette potentielle tragédie humaine. Des centaines de milliers de personnes pourraient être tuées. Ne laissez pas cela arriver!", a tweeté le chef d'état américain.
Quelques jours auparavant, la porte-parole de la Maison Blanche Sarah Sanders a affirmé que les Etats-Unis n'hésiteraient pas à intervenir en cas d'utilisation d'armes chimiques. "Soyons clairs, nous restons sur notre position qui est que si le président Bachar al-Assad choisit d'utiliser des armes chimiques, les Etats-Unis et leurs alliés réagiront rapidement et de manière appropriées", a-t-elle déclaré lors d'un point presse le 4 septembre.
En France, le ministre des Affaires Etrangères Jean-Yves Le Drian a également mis en garde contre les conséquences d'une offensive russo-syrienne. Il a estimé dimanche 2 septembre qu''il y a un risque de l'utilisation à nouveau de l'arme chimique. "Ce n'est pas avéré mais cela peut être une tentation. Et quand je vois dans les déclarations des uns et des autres, les propos qui sont tenus sur une telle hypothèse, je dis que le risque existe de nouveau", a-t-il déclaré, affirmant que si cette hypothèse venait à être confirmée, "la réponse de la France sera la même que la fois précédente", à savoir des frappes coordonnées avec d'autres pays occidentaux comme lors de l'attaque de la Douma.
Eviter un "bain de sang"
Ce vendredi, Vladimir Poutine, Recep Tayiip Erdogan et Hassan Rohani se réunissent à Téhéran pour un sommet tripartite. Cette rencontre pourrait déterminer l'ampleur et le calendrier de l'offensive contre Idlib.
La Turquie, qui dit craindre un "massacre", a affirmé qu'elle allait tenter à Téhéran d'empêcher un assaut. Selon un journal turc, elle doit soumettre un plan prévoyant l'évacuation des groupes armés d'Idlib. L'Iran, de son côté, a assuré vouloir aider Damas à chasser les insurgés d'Idlib "avec le moins possible de pertes humaines". "La Russie fait tout ce qui est en son pouvoir pour que les pertes humaines et le préjudice pour la population civile d'Idlib soient réduits au maximum", a affirmé mercredi la porte-parole de la diplomatie russe
Devenus incontournables dans le conflit, la Turquie, l'Iran et la Russie pilotent le processus d'Astana, série de discussions de paix lancée après l'intervention militaire russe de 2015, qui a totalement changé la donne dans cette guerre en remettant en selle le président Bachar Al-Assad. Le processus d'Astana a éclipsé les négociations de Genève dirigées par l'ONU.
Cette réunion sera suivie d'une autre, au siège des Nations Unies cette fois, à la demande des Etats-Unis. Mercredi, les Nations unies ont mis en garde contre un "bain de sang" dans la province, craignant qu'une offensive ne provoque une catastrophe humanitaire d'une ampleur inédite depuis le début du conflit syrien.
Dans une communiqué commun, huit ONG internationales actives en Syrie, dont Save The Children, ont appelé les "dirigeants mondiaux" qui se réunissent vendredi à Téhéran et New York à "travailler ensemble pour éviter" que survienne "la pire catastrophe humanitaire en sept ans de guerre en Syrie"
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