Paris : une rentrée scolaire dans la rue pour les mineurs étrangers

Les associations de soutien réclament la scolarisation inconditionnelle de tous les jeunes. Dans la capitale, certains sont interdits d’école faute d’être reconnus mineurs.

 Devant le lycée Voltaire (XIe) ce vendredi matin. Le collectif d'associations engagées dans l'accueil des mineurs étrangers isolés a fait cours sur le trottoir, symboliquement.
Devant le lycée Voltaire (XIe) ce vendredi matin. Le collectif d'associations engagées dans l'accueil des mineurs étrangers isolés a fait cours sur le trottoir, symboliquement. LP/Elodie Soulié

    Des élèves du lycée Voltaire passent le porche en jetant des regards curieux vers ces adolescents de leur âge, assis sur le trottoir autour de maîtres improvisés et de tableaux de fortune.

    Pour les premiers l'école est juste « normale » et parfois un pensum; les seconds rêvent de s'asseoir à leurs côtés. Le symbole était fort et c'était bien le but, ce vendredi matin sur le trottoir de l'avenue de la République (XIe), où les associations de soutien aux mineurs isolés Paris d'exil et la Timmy, épaulées par le Réseau éducation sans frontières de Paris (RESF), ont fait la classe à ciel ouvert pour réclamer « la scolarisation et la mise à l'abri immédiates et inconditionnelles de tous les mineurs étrangers non accompagnés ».

    Chaque jour, plusieurs dizaines d'adolescents étrangers – plus de 100 à Paris selon le collectif —, en attente ou sans statut faute d'avoir été reconnus comme mineurs, errent dans la capitale. Ils n'auraient ni logement, ni accompagnement social , ni accès à la santé et encore moins à l'éducation, sans la mobilisation des collectifs de soutien. « On essaie de les faire héberger et de les prendre en charge autant que faire se peut, dans des familles bénévoles, chez des étudiants », raconte ainsi Sylvain Perrier, responsable de la scolarisation au sein du collectif. « Mais nous n'avons pas vocation à assurer la mission de l'Education nationale ! ».

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    « J'ai commencé des cours de français mais j'étais dans la rue pendant 3 mois », complète Zakaria, 15 ans, arrivé du Mali il y a 5 mois. « Je veux bien parler, je veux apprendre, c'est important ».

    « Moi aussi je veux aller à l'école, sinon comment travailler ? », ajoute à son côté Moro, 16 ans, qui a quitté la Guinée-Conakry il y a 3 mois. « C'est pour eux qu'on se démène, ils ne valent pas moins que nos enfants ! » commente Maryse, pour qui « aider ces enfants à apprendre, ce n'est pas de la charité, c'est faire respecter la loi que les institutions n'appliquent pas ».

    Sont ouvertement visés par les militants de l'aide aux réfugiés : le dispositif d'évaluation de l'âge de ces jeunes, opéré par la Croix-Rouge pour l'Aide sociale à l'enfance (ASE) de la Ville de Paris, et l'Académie, accusée de refuser « par simplicité » tous les jeunes en attente de recours. « Ce dispositif conduit à un refus de prise en charge par l'ASE de près de 70 % des jeunes (soupçonnés de mentir sur leur âge NDLR) », assurent les porte-parole du collectif. « La procédure de recours peut durer de 3 à 18 mois ! Pendant tout ce temps, ces jeunes seraient privés de tous leurs droits fondamentaux s'il n'y avait pas des particuliers et des associations qui se substituent aux institutions ».

    Un non-sens, pour les militants qui prennent en charge une centaine de jeunes par an, dans des salles de bibliothèques gracieusement prêtées pour les cours de français et de mise à niveau. « Il faut savoir que ces jeunes ont une incroyable soif d'apprendre, insiste Sylvain Perrier. Ils sont assidus, à l'heure aux cours... Ils sont arrivés ici avec espoir et on leur refuse ce droit essentiel ? Ce sont des jeunes super motivés, mais le temps compte beaucoup...».

    L'Académie affirme « scolariser tous les mineurs »

    A l'Académie de Paris, accusée d'être « hors la loi » sur les banderoles les plus virulentes fixées sur une façade du lycée, l'accusation ne passe pas. « C'est faux et outrancier », refuse le rectorat, qui recevra le collectif vendredi prochain. « Nous scolarisons tous les mineurs, soit 450 cette année, précise le rectorat. Paris compte 150 classes pour élèves allophones, et nous en avons d'ailleurs ouvert près de 30 supplémentaires depuis 4 ans », précise le rectorat, qui estime « ne pas être maître » des situations individuelles. « Nous ne sommes pas chargés ni outillés pour déterminer si un jeune est mineur ou majeur. A partir du moment où il est mineur, il sera scolarisé ». Or c'est le grief des associations, qui réclament que l'Académie n'attende pas d'avoir confirmation de la minorité d'un jeune pour l'inscrire à l'école. « En cas de recours, nous n'attendons pas l'issue si un juge des enfants ordonne le placement sous protection d'un mineur », se défend encore le rectorat.

    Lycée Voltaire (XIe), vendredi matin./LP/Elodie Soulié
    Lycée Voltaire (XIe), vendredi matin./LP/Elodie Soulié LP/Elodie Soulié