A-t-on trouvé le berceau de l’humanité ?

Publié le 06 Sep 2018 à 17H04 Modifié le 6 septembre 2018
Lac Turkana
C'est peut-être le lac Turkana, à la frontière du Kenya et de l'Ethiopie : pas moins de huit espèces d'hominidés y ont été exhumées, représentant 5 millions d'années d'histoire.

Ce qui est sûr, c’est qu’un site tient aujourd’hui la corde : le lac Turkana, situé tout au nord du Kenya et mordant légèrement sur l’Éthiopie. C’est là, sur les rives de ce lac de plus de 6 000 km2, que le genre Homo aurait pu naître il y a plusieurs millions d’années, avant de se disperser sur toute la planète. Telle est en tout cas l’hypothèse du professeur de paléontologie évolutive Mikael Fortelius, de l’université d’Helsinki, en Finlande.

Au vu des fossiles de nos ancêtres, la plupart des spécialistes ne doutent pas que le berceau de l’humanité se trouve quelque part en Afrique de l’Est. Or, le bassin Turkana condense à lui seul une bonne part de l’histoire humaine : pas moins de huit espèces d’hominidés, d’Australopithecus anamensis à Homo sapiens, ont été exhumées autour du lac, retraçant près de 5 millions d’années de présence continue.Et c’est aussi sur la rive ouest que les plus vieux outils de nos ancêtres ont été découverts : des pierres taillées de 3,3 millions d’années.

Une singularité climatique ?

Cela dit, la région bénéficie de dépôts sédimentaires ancestraux exceptionnels et l’abondance des fossiles pourrait donc être trompeuse… Sauf que Mikael Fortelius avance une autre particularité du bassin : il bénéficiait, il y a 4 millions d’années, d’un microclimat. Lequel aurait été décisif dans la naissance des premiers humains.

Pour affirmer l’existence de cette singularité climatique, le paléontologue s’est fondé sur les fossiles de mammifères herbivores (20 000 fossiles vieux de 1 à 8 millions d’années), et plus précisément sur leurs dents : elles renseignent sur leur nourriture et, partant, sur la végétation, donc sur le climat local.

Résultat ? Initialement humide, le bassin Turkana devint de plus en plus aride il y a 4 millions d’années, contrairement au reste de l’Afrique de l’Est, que la vague de sécheresse ne gagnera qu’entre 1 et 2 millions d’années plus tard. Or, ce décalage aurait permis aux espèces du lac Turkuna – dont l’homme – qui s’étaient adaptées à la sécheresse de survivre plus efficacement lorsque l’aridité devint globale dans toute l’Afrique de l’Est.

Une question de régime

Ce changement climatique a contraint Homo à changer son régime alimentaire. Et de fait, l’analyse des isotopes du carbone contenu dans l’émail dentaire des fossiles indique que les premiers australopithèques se nourrissaient principalement de plantes adaptées aux environnements humides (arbres, herbes…).

Alors que Paranthropus boisei et Homo ont adopté deux stratégies différentes face au changement de climat : le premier s’est ultraspécialisé dans une alimentation à base d’herbe sèche, tandis qu’Homo a adopté un régime mixte : des végétaux des savanes et des forêts agrémentés d’un apport carné opportuniste, qui aurait même joué un rôle dans le développement de son cerveau.

Une diversité alimentaire qui aurait permis à Homo de supporter mieux que les autres espèces la seconde déferlante d’aridité africaine – et même de se disperser en allant conquérir de nouveaux territoires. Alors, le lac Turkana est-il notre berceau ? Si rien n’est validé, il n’y a pour l’heure pas de meilleur postulant.

D’après Science & Vie QR n°28

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