Comment s’organisera la téléconsultation ?

À partir du 15 septembre, toute personne pourra faire une consultation à distance, via un dispositif très encadré. Sur son ordinateur ou sa tablette, le patient devra recevoir de son médecin un lien lui donnant accès à une visioconférence sécurisée. Si le médecin rédige une ordonnance, il utilisera une messagerie sécurisée pour l’adresser au patient.

« Aujourd’hui, de nombreuses sociétés proposent des logiciels permettant aux médecins de faire ces consultations à distance. Ces derniers pourront aussi utiliser les plateformes mises en place par les agences régionales de santé (ARS) », précise le docteur Pierre Simon, fondateur et ancien président de la Société française de télémédecine (SFTM). « Le problème est qu’il aurait fallu former les médecins en amont. Car beaucoup, aujourd’hui, ignorent tout de ces outils de télémédecine », ajoute-t-il.

Pourra-t-on consulter via son smartphone ?

A priori, rien ne s’y oppose. « Mais l’écran est quand même très petit, et je ne suis pas certain qu’on puisse faire une téléconsultation de qualité », précise le docteur Simon. « Il faut aussi un minimum de confidentialité. Il n’est pas question qu’on se mette à consulter son médecin comme on commande un taxi, n’importe où et n’importe quand », ajoute Lydie Canipel, secrétaire générale de la SFTM.

Pourra-t-on consulter n’importe quel médecin ?

Non. La télémédecine va s’inscrire dans le cadre du parcours de soins. C’est le médecin généraliste traitant qui jugera si la consultation peut être faite à distance ou si l’état du patient nécessite sa venue au cabinet. C’est lui aussi qui pourra orienter le patient pour qu’il téléconsulte un spécialiste.

En fait, le but n’est pas que la téléconsultation remplace la consultation classique, qui devrait rester la norme. Mais, dans certains cas, la venue du patient au cabinet ne semble pas forcément indispensable. On peut ainsi imaginer que, pour des patients chroniques, ayant besoin de renouveler régulièrement leurs médicaments, le généraliste alterne : entre deux rendez-vous au cabinet, il pourra proposer une consultation à distance.

Quelle solution pour les patients n’ayant pas de médecin traitant ?

Dans toutes les régions, des plateformes de télémédecine vont être mises en place. Elles pourront être contactées par des patients n’ayant plus de médecin. Ils pourront alors avoir une téléconsultation avec un médecin désigné par la plateforme.

Dans la mesure du possible, cette solution ne sera que transitoire. Le but n’est pas que les patients, vivant dans un désert médical, soient « condamnés » à ne faire que des consultations à distance. « L’idée est aussi d’aider ces patients en errance à retrouver un généraliste traitant », indique le docteur Simon.

Et pour les personnes n’ayant pas accès à Internet ou peu à l’aise avec les nouvelles technologies ?

« Pour faire une visioconférence de qualité, il faut un débit suffisant. Or, il y a beaucoup d’endroits en France où cela reste difficile », indique Lydie Canipel. Par ailleurs, tout le monde convient que certaines personnes ne sont pas suffisamment à l’aise avec les outils informatiques pour faire des téléconsultations depuis leur domicile.

Deux pistes sont évoquées pour aider ces patients. La première vise à inciter les pharmacies à s’équiper d’outils de télémédecine. « Les officines pourraient avoir une petite pièce dédiée où la confidentialité serait assurée. Et la personne pourrait être assistée par le pharmacien pour faire sa consultation », précise le docteur Simon. L’autre piste vise à miser sur les infirmières, des soignantes de proximité qui vont souvent au domicile des personnes. Elles pourraient être équipées de tablettes et elles aussi aider leurs patients à téléconsulter.

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Repères. Des garde-fous éthiques

Dès 2007, l’Association médicale mondiale (AMM) a émis des recommandations face au développement de la télémédecine.

La relation patient-médecin.

Celle-ci doit être basée sur une « rencontre personnelle et une connaissance suffisante » de l’histoire du patient. « La télémédecine doit être prioritairement utilisée dans des situations dans lesquelles un médecin ne peut pas être présent physiquement dans un délai raisonnable. Les médecins doivent être conscients que certaines technologies de télémédecine peuvent être trop onéreuses pour des patients et donc hors de leur portée », souligne l’AMM.

Une identification mutuelle.

« Il est essentiel que le médecin et le patient soient en mesure de s’identifier mutuellement lors d’un recours à la télémédecine », estime l’AMM. « La télémédecine ne saurait être considérée comme une alternative bon marché » à une consultation classique.

Le risque d’une médecine « déshumanisée ».

En 2014, l’Académie de médecine a publié un texte plutôt favorable à la télémédecine. Mais son auteur, le professeur Jean-Louis Arné, évoquait le « spectre d’une déshumanisation de la médecine ». L’éloignement matériel du patient et de son médecin pourrait avoir « pour conséquence un affaiblissement du lien entre eux », favorisé par « l’intrusion de l’ordinateur dans le colloque singulier ». « Les médecins devenus virtuels pourraient être moins écoutés par le patient, et l’empathie du médecin pourrait être amoindrie envers un malade virtuel », soulignait le texte en jugeant souhaitable de maintenir des consultations classiques « pour maintenir la relation médecin-malade ».