Après la bataille des moyens conclue par la promulgation de la loi de programmation militaire 2019-2025, les armées françaises sont entrées dans une phase d’adaptation et de modernisation face à l’évolution des conflits du monde. C’est à cette réflexion de long terme que travaille le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, depuis sa nomination en juillet 2017 après la démission fracassante de son prédécesseur, Pierre de Villiers.

Alors que les armées françaises sont en particulier engagées au Sahel, avec l’opération Barkhane, et au Levant, dans le dispositif Chammal, le général Lecointre entend « moduler » les opérations extérieures afin de retrouver une liberté de manœuvre. « Je saisirai chaque occasion de réduire l’empreinte en opérations, dès lors que celles-ci ne se justifient pas », a-t-il affirmé devant l’Association des journalistes de défense, jeudi 6 septembre.

« La masse de nos armées est plus réduite que jamais »

Cette option fait partie des grandes orientations de la « vision stratégique » qu’il a déroulée devant la commission de la défense à l’Assemblée nationale le 17 juillet et dont le compte rendu vient d’être publié, avant l’université d’été de la défense des 10 et 11 septembre.

Dans ce document, le général Lecointre pose clairement les enjeux : « Aujourd’hui, la masse de nos armées est plus réduite que jamais, et cela n’aura pas changé en 2025. Certes, à l’issue de la période de programmation militaire qui s’ouvre, notre armée ne sera plus éreintée, sous-équipée, sous-dotée et sous-entraînée comme aujourd’hui ; mais elle restera une armée des + dividendes de la paix +, une armée de temps de paix ».

Avec la hausse de la conflictualité dans le monde et le retour à un engagement sur le territoire national par l’opération Sentinelle, le « CEMA » s’interroge sur la capacité des armées à « être engagées sur plusieurs théâtres, dans des conflits peut-être plus violents et en tout cas très différents que ceux d’aujourd’hui » alors qu’elles « atteignent déjà les limites de leurs capacités avec 30 000 hommes en situation opérationnelle, ce qui n’est pourtant pas un niveau historiquement élevé ». C’est pour se prémunir des surprises stratégiques qu’il veut donc pouvoir « moduler » les interventions.

Redonner des pouvoirs à la hiérarchie militaire

Le général Lecointre explique que, malgré son « excellence opérationnelle », l’armée française « s’est considérablement amaigrie, la masse des forces et de leurs soutiens demeure à un niveau historiquement bas ». Il fait ainsi valoir que « les principes qui ont présidé à la réorganisation du ministère dans une période de forte déflation restent en vigueur, même après l’inversion de tendance ». En clair, la revue générale des politiques publiques (RGPP) engagée en 2007 a conduit à un alignement des armées sur un mode d’organisation et de fonctionnement civils, mettant à mal « la singularité du fonctionnement des armées ».

Concrètement, le général explique qu’avant « les armées étaient organisées de façon hiérarchique et pyramidale, avec différents échelons de synthèse permettant à chaque chef, à son niveau de commandement, de disposer de l’ensemble des moyens nécessaires à l’engagement de la force ». Les « redondances » ont ensuite été supprimées. « On a ainsi organisé les soutiens en grandes fonctions verticales, ce qui a fragilisé le commandement et s’est accompagné d’une grande pression sur les effectifs et les ressources ».

Le patron des armées entend donc « corriger les excès » des réformes structurelles conduites pendant dix ans et « redonner des prérogatives » à tous les niveaux de la hiérarchie militaire pour davantage d’autonomie, de réactivité et de cohérence dans le commandement.