Des ONG dénoncent des conditions choquantes de transport de veaux

L’enquête de deux ONG dénonce les voyages terribles d’animaux français destinés à être abattus à des milliers de kilomètres. Les associations réclament la fin de ces convois hors UE pour les bêtes vivantes.

 Deux ONG ont suivi, cet été, un chargement de bovins. Ceux-là ont parcouru plus de 3000 kilomètres sous une chaleur écrasante.
Deux ONG ont suivi, cet été, un chargement de bovins. Ceux-là ont parcouru plus de 3000 kilomètres sous une chaleur écrasante. DR

    France, Italie, Slovénie, Croatie, Serbie, Bulgarie et Turquie. 275 bovins chargés dans cinq bétaillères ont traversé six frontières et plus de 3 200 km cet été. Classique mais cette fois le convoi était pisté par des enquêteurs de deux ONG de défense des animaux (CIWF et Eyes on animal) qui, vidéo à l'appui, dénoncent des « conditions inacceptables ».

    « En cet été torride, les broutards ont énormément souffert, pointe Agathe Gignoux de CIWF France (Compassion internationale pour les animaux d'élevage). Ils ont été trop loin, ont voyagé trop longtemps par rapport au carnet de route validé par les autorités en infraction avec la législation européenne ».

    Partis le 20 août de Saint-Germain-Lespinasse (Loire), les jeunes bovins devaient officiellement être déchargés à Erdine en Turquie, proche de la frontière bulgare. Dans les faits, elles ont fait une pause dans cette localité avant d'être de nouveaux chargées dans les mêmes camions que les activistes de CIWF ont retrouvés 200 km plus à l'Est à Komburgaz.

    Un périple jusqu'à 35°C

    Selon les documents des transporteurs, ils devaient encore rouler des centaines de kilomètres vers le centre et vers le sud du pays. Sur la partie contrôlée de leur périple, les jeunes bovins ont enduré 34 °C à Padovana en Italie, 35 °C à Tunca à l'ouest de la Turquie, bien au-dessus des 30 °C autorisés par l'Europe.

    Interrogée lundi, la préfecture de la Loire qui a validé les carnets de route a refusé de répondre « pour le moment » expliquant que « des vérifications sont en cours ».

    Dans cette affaire, difficile en effet de démêler les responsabilités, la cargaison a été confiée à deux transporteurs l'un bulgare, l'autre polonais pour le compte d'un exportateur belge, qui vend à des clients turcs avec l'aide d'un intermédiaire français.

    Des «manquements très fréquents», selon CIWF

    Cet intermédiaire, Europagri, nous l'avons contacté. Il dément toute infraction : « Les animaux sont bien descendus à Edirne. Ce que fait le client après ça ne me concerne pas », se défend Christian Durris son président. « L'excuse est un peu grosse ! D'autant plus que les bêtes ont ensuite été chargées dans les mêmes camions », s'agace Agathe Gignoux qui estime que « ces manquements sont très fréquents ».

    La France, premier exportateur de bovins vivants dans et hors Union européenne, est particulièrement concernée par ces très longs transports. Depuis la levée de l'embargo avec Ankara l'année dernière, notre pays prévoit d'envoyer ainsi 200 000 bovins chaque année en Turquie.

    Mais pourquoi donc transporter les bêtes sur pattes et pas des plats-de-côtes ou des faux-filets surgelés ? « Pour grappiller quelques centimes, les jeunes sont ensuite engraissés et abattus où la main-d'œuvre est beaucoup moins chère, répond Émile Frison, ingénieur agronome membre du panel international sur l'alimentation durable. À ne penser qu'en termes d'économies on prend des risques pour le bien-être animal, mais aussi pour l'environnement, la santé humaine et les conditions de travail. Tout est lié. »

    Pourquoi pas un commerce des carcasses ?

    CIWF comme d'autres ONG réclament qu'en dehors de l'Union européenne, le commerce des carcasses remplace celui des animaux en vie. Une demande bien relayée par l'opinion publique puisque l'année dernière, la pétition intitulée #StopTheTrucks avait recueilli un million de signatures. L'exemple à suivre? L'Inde qui a interdit tout export d'animaux vivants par bateau au départ de ses ports au nom du droit des animaux.