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Non, un retraité moyen ne va pas perdre « 1 000 euros par an »

Ce chiffrage avancé par Nicolas Dupont-Aignan est fantaisiste. Le député souverainiste évoque des mesures réelles, mais il force le trait.

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Publié le 11 septembre 2018 à 15h01, modifié le 11 septembre 2018 à 16h32

Temps de Lecture 5 min.

Le gouvernement vide-t-il le portefeuille des retraités ? C’est en tout cas ce qu’a affirmé Nicolas Dupont-Aignan, député souverainiste de l’Essonne, sur France Inter mardi 11 septembre. L’ancien candidat de la présidentielle, président du mouvement Debout la France, a évoqué une perte de pouvoir d’achat moyenne de « 1 000 euros » en une année pour un retraité moyen. Mais si les mesures évoquées par le responsable politique existent bel et bien, son chiffrage est pour le moins fantaisiste. Explications.

Ce qu’il a dit 

« Quand à 1 300 euros par mois de retraite vous allez perdre avec la désindexation sur l’inflation (…) 300 euros par an. Quand vous avez déjà les taxes sur l’essence qui ont augmenté en moyenne pour une voiture diesel de 300 euros par an, la CSG [contribution sociale généralisée] qui a augmenté de 300 euros par an. Cela veut dire que sur une année, un retraité moyen aura perdu 1 000 euros. (…) C’est du vol. »

POURQUOI C’EST TRÈS EXAGÉRÉ

Nicolas Dupont-Aignan évoque des mesures bien réelles, mais il force largement le trait dans ses calculs. Selon nos propres estimations, la situation qu’il a évoquée sur France Inter correspondrait en réalité plutôt à une perte de pouvoir d’achat de 290 à 560 euros, et pas 1 000 euros. Démonstration en cinq points :

1. La pension nette moyenne est bien d’environ 1 300 euros

Le montant mensuel moyen net des pensions de retraite était de 1 283 euros en 2015 en France, soit 1 376 euros bruts, selon les statistiques gouvernementales. On peut donc retenir, comme le fait Nicolas Dupont-Aignan, l’ordre de grandeur d’un retraité « moyen » qui touchait une pension de retraite nette de 1 300 euros mensuels en 2017.

La suite du raisonnement du candidat à la présidentielle en 2012 et 2017 est en revanche discutable, pour plusieurs raisons.

2. Un retraité modeste qui n’a pas forcément vu sa CSG augmenter

D’abord, Nicolas Dupont-Aignan laisse entendre que tout retraité qui toucherait une pension de retraite nette de 1 300 euros chaque mois aurait vu sa CSG augmenter en 2018. Le taux normal de la contribution sociale généralisée a bien augmenté de 1,7 point en janvier 2018, passant de 6,6 % à 8,3 %. Mais cette hausse ne concerne que les 60 % de retraités qui ont les revenus les plus importants. En dessous d’un certain seuil de revenus, les retraités paient un taux réduit de CSG, de 3,8 %, qui n’a pas été augmenté, voire en sont exonérés pour les moins aisés.

Or, le cas du retraité « moyen » évoqué par le député se situe justement à la frontière entre les deux situations :

  • S’il s’agit d’un retraité qui n’a pas d’autre revenu que sa pension de retraite, son revenu fiscal de référence sera inférieur à 14 404 euros, et il paiera la CSG au taux réduit, qui n’a pas augmenté.
  • S’il s’agit d’une personne qui a d’autres sources de revenus (placements, rentes immobilières…), il se peut que ces derniers lui fassent dépasser le seuil en question et donc qu’il doive payer la CSG au taux normal, qui a augmenté en 2018. Dans ce cas, notre retraité fictif aura effectivement vu sa CSG augmenter, ce qui lui aura fait perdre environ 23 euros par mois sur sa pension, soit 280 euros par an. La perte de pouvoir d’achat réelle serait plutôt de 240 euros si l’on tient compte du fait que la hausse de CSG en 2018 est déductible des impôts.

3. Les pensions de retraite devraient bien augmenter moins vite que l’inflation en 2019

Le premier ministre, Edouard Philippe, l’a annoncé à la fin d’août : les pensions de retraites augmenteront de 0,3 % au début de 2019, alors que l’inflation est attendue autour de 2 % en 2018. Si cette tendance se confirme, cela représentera bien une perte de pouvoir d’achat pour les retraités concernés de l’ordre de 1,7 point – une réalité que le gouvernement a parfois du mal à assumer.

Dans le cas de notre retraité dont la pension de retraite est de l’ordre de 1 300 euros, cela représente bien à l’arrivée une perte de pouvoir d’achat (bien qu’invisible sur le relevé de pension de retraite) de l’ordre de 260 euros en 2019 par rapport à 2018.

4. Une exagération sur la hausse des prix du carburant

Nicolas Dupont-Aignan force en revanche le trait lorsqu’il affirme que le retraité moyen perdrait 300 euros par an à cause de la hausse des taxes sur le carburant.

Comme la fiscalité du gazole a augmenté de 7,6 centimes par litre au début de 2019, cela correspondrait à une consommation de près de 4 000 litres de carburant par an. Avec une consommation de 6 litres aux 100 km environ, cela représenterait une distance annuelle de 66 000 km, soit cinq fois plus que la distance moyenne parcourue par une voiture particulière en France (autour de 12 000 à 13 000 km, selon les estimations).

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Même à supposer qu’un retraité roule autant que le Français moyen, sa facture de diesel aura plutôt donc plutôt augmenté de 60 euros par an que de 300 euros. En suivant le même raisonnement, la perte de pouvoir d’achat liée à la hausse de la fiscalité sur l’essence (+ 3,84 centimes début 2018) serait d’environ 30 euros par an.

Les prix à la pompe ont certes augmenté plus fortement qu’en fonction de la seule fiscalité au cours de l’année 2019, mais il ne s’agit dès lors plus d’une décision gouvernementale.

5. Un « retraité moyen » plutôt caricatural

En résumé, il est indéniable que bon nombre de retraités vont sortir perdants des mesures égrenées par Nicolas Dupont-Aignan. Mais chiffrer cette perte à « 1 000 euros » par an, comme le fait le leader de Debout la France, est abusif.

Selon nos calculs, un retraité dans la situation évoquée par le responsable politique sur France Inter (1 300 euros nets de pension mensuelle) va plutôt perdre :

  • 0 à 240 euros par an en fonction de son taux de CSG ;
  • environ 260 euros à cause de la désindexation des pensions ;
  • environ 30 euros s’il roule à l’essence et 60 euros s’il roule au diesel.

Soit entre 290 et 560 euros selon sa situation, et pas 1 000 euros. Bien sûr, il ne s’agit-là que d’un ordre de grandeur qui cache des cas de figure très variables d’un foyer à l’autre.

Enfin, il faut noter que si M. Dupont-Aignan a égrené les mesures qui grèveront le pouvoir d’achat de ce contribuable fictif, il s’est bien gardé de mentionner celle qui aurait pu lui bénéficier. Par exemple, la baisse d’un tiers de la taxe d’habitation en octobre 2018, puis d’un nouveau tiers en 2019, à laquelle ce « retraité moyen » peut en principe prétendre.

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