La criminalité a encore fait un bond spectaculaire l'an dernier en Afrique du Sud pour atteindre un taux inquiétant de 57 meurtres par jour qui fait ressembler le pays, de l'aveu même de son ministre de la Police, à une « zone de guerre ».

Malgré les promesses maintes fois répétées du gouvernement de tordre le cou à la violence qui gangrène le pays, la publication, mardi des statistiques de la police n'a pas échappé à la règle.

Avec un total de 20 336 victimes recensées, le nombre de meurtres a augmenté de 6,9 % d'avril 2017 à mars 2018 par rapport à la même période de l'année précédente. La sixième hausse annuelle consécutive...

« Cinquante-sept par jour, voilà le nombre quotidien de Sud-Africains victimes de meurtres ! », s'est exclamé, furieux, le ministre de la Police, Bheki Cele, devant les députés. « Cela fait ressembler l'Afrique du Sud à une zone de guerre alors que nous vivons en paix ».

« Les Sud-Africains ne doivent pas considérer comme la norme le risque d'être enlevés, volés ou tués chaque jour », a poursuivi M. Cele. Avant de reconnaître que la police avait « baissé les bras » dans la lutte contre la criminalité.

Géographiquement, la province du Cap occidental, qui inclut la deuxième ville du pays, Le Cap, arrive en tête de ce palmarès, devant celle du Gauteng, celle de la capitale du pays, Pretoria, et de son coeur économique, Johannesburg.

Suivant la même tendance que les meurtres, le nombre des crimes sexuels a lui aussi progressé l'an dernier (+0,9 % ), avec un total de 50 108 viols soit plus de 137 par jour. Les braquages de fourgon blindés ont eux fait un bond de 56 %.

Les chiffres révélés mardi font par ailleurs état de 62 « meurtres de fermes ». Cette catégorie suscite de vives tensions raciales, car certains membres de la minorité blanche du pays (8 % de la population) affirment être la cible d'une vague délibérée de meurtres destinée à leur faire quitter leurs propriétés.

Seules bonnes nouvelles, les agressions et les vols ont reculé légèrement (-0,1 à-1,9 % selon les catégories concernées).

« Inacceptable »

Sans surprise, la publication de ce tableau très noir a suscité de vives réactions, toutes couleurs politiques confondues.

« C'est inquiétant et totalement inacceptable », a réagi le chef de la commission parlementaire chargée de la police, François Beukman, élu du Congrès national africain (ANC, au pouvoir).

« Ces chiffres sont effectivement ceux d'une zone de guerre », a renchéri le chef du principal parti d'opposition, Mmusi Maimane.

« Notre police a besoin d'un meilleur entraînement, d'un meilleur équipement et de plus de ressources », a poursuivi le dirigeant de l'Alliance démocratique (DA), « il faut une police professionnelle dirigée par des policiers, pas des hommes politiques ».

Les forces de l'ordre sud-africaines sont régulièrement mises en cause pour leur incapacité à lutter contre le banditisme.

Leur nouveau chef, Khehla Sitole, a plaidé mardi au Parlement le manque de moyens, estimant à 62 000 le nombre de policiers supplémentaires nécessaires pour accomplir sa mission.

« Ces statistiques marquent l'une des plus fortes hausses des meurtres depuis l'avènement de la démocratie en 1994 », s'est inquiété de son côté l'analyste Gareth Newman, de l'Institut pour les études de sécurité (ISS) de Pretoria.

« Nous nous réjouissons toutefois de la volonté de la nouvelle direction de la police de reconnaître l'ampleur du problème et de mettre en oeuvre de nouvelles politiques », a-t-il ajouté.

« La hausse de la criminalité en Afrique du Sud est directement liée à la crise de l'économie et à l'absence d'opportunités qui en résulte », a tweeté pour sa part l'économiste Daniel Silke.

L'Afrique du Sud peine à se relever de la crise financière mondiale de 2008. L'économie la plus industrialisée du continent affiche un taux de chômage de plus de 27 % et a replongé dans la récession ces deux derniers trimestres.